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[Avis des pros/3] À quoi servent les bioessais ?

PUBLIÉ LE 15 FÉVRIER 2022
GREGORY LEMKINE, DIRECTEUR DU LABORATOIRE WATCHFROG ET SECRÉTAIRE DE FRANCE EAU BIOSURVEILLANCE
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[Avis des pros/3] À quoi servent les bioessais ?
Gregory Lemkine, directeur du laboratoire Watchfrog et secrétaire de France Eau Biosurveillance. Crédit : Watchfrog
Spécialisé depuis quinze ans dans les tests endocriniens de l’eau par exposition in vitro d’organismes entiers, le laboratoire Watchfrog milite pour développer une approche analytique sur la qualité des masses d’eau couplant chimie et bioessais.

Dans l’idée que nous sommes tous des systèmes endocriniens, le laboratoire Watchfrog réalise depuis sa création en 2005 des tests endocriniens sur des embryons de poissons et d’amphibiens. L’activité endocrinienne ou langage hormonal est en effet commun à l’ensemble des vertébrés. Ce sont les mêmes hormones et les mêmes mécanismes enzymatiques qui contrôlent la reproduction ou le développement du cerveau chez un poisson, un amphibien ou un être humain.

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Le système hormonal est donc un excellent thermomètre de l’impact des polluants chimiques sur le vivant. En outre, les modulations du système endocrinien reflètent les efforts de notre organisme pour s’adapter à l’environnement. Si cet environnement est pollué par des substances, notre équilibre endocrinien s’en trouve modifié. Enfin, lorsqu’une substance interagit avec un récepteur, une enzyme ou un transporteur hormonal, c’est souvent l’ensemble de la voie hormonale qui est affecté.

En d’autres termes, il n’y a pas toujours des perturbateurs endocriniens dans l’eau mais plus il y a d’espèces chimiques actives dans l’eau, plus l’activité endocrinienne du vivant s’en trouve modifiée. L’outil d’analyse conçu par Watchfrog – des bioindicateurs fluorescents – ne modifie pas le fonctionnement du génome de la larve, mais il traduit visuellement sa réaction physiologique aux perturbateurs endocriniens. Ainsi, plus son système endocrinien est modifié, plus le niveau de fluorescence varie.

Crédit : Watchfrog

Activité endocrinienne masquée par la toxicité

Après quinze ans de tests, Watchfrog livre ainsi ses observations. Avant traitement, les eaux usées recèlent une forte activité endocrinienne, souvent masquée par la toxicité. Si les stations d’épuration éliminent la très grande majorité des effets endocriniens, une partie significative de la pollution chimique persiste dans les eaux usées traitées et justifierait parfois des traitements additionnels. En outre, la ressource contient souvent des activités endocriniennes modestes mais significatives au niveau statistique. Les traitements de potabilisation plus poussés (charbon actif, ozone) permettent d’éliminer la majeure partie des activités endocriniennes mais il peut en rester. Il est d’ailleurs possible de vérifier l’apport d’actions correctives en observant l’amélioration de la qualité des échantillons d’eau sur le plan endocrinien.

Le plus souvent, les données physico-chimiques, lorsqu’elles sont exhaustives, confirment les mesures réalisées avec les bioessais. En revanche, pour prévenir les effets endocriniens relatifs aux cocktails de substances et à la présence de substances non recherchées ou à des concentrations en dessous des seuils, il est nécessaire de compléter les analyses chimiques par des bioessais. Pour Watchfrog, il est donc important d’inscrire les bioessais dans la détermination de la qualité de l’eau. Cependant, une innovation qui transforme les pratiques s’accompagne souvent d’un nouveau vocabulaire. Or les experts de l’eau ont une culture de chimiste. Ils maîtrisent les paramètres globaux, les échantillonneurs, les capteurs, les méthodes d’analyse. La règlementation reconnaît ces indicateurs, fixe des seuils et définit les listes de substances prioritaires.

En revanche, le monde de l’eau ne parle pas le langage des bioessais. Souvent, les experts ne savent pas comment analyser ces données. Comment se saisir d’un marqueur fluorescent ou de l’observation de phénomènes pathologiques dans une crevette ou un têtard ? Le modèle ne serait-il représentatif que de sa propre sensibilité aux polluants ? Pour adapter ces outils et traduire leurs résultats dans un langage commun, les entreprises spécialisées dans la biosurveillance travaillent depuis longtemps sur des indicateurs visuels qui agrègent les données. Face à la diversité des bioessais et à leurs critères respectifs, ces approches didactiques ont cependant leurs limites.

Crédit : Watchfrog

Guider l’analyse chimique

Depuis quelques années, les chimistes ont donc cherché à adapter leurs méthodes pour exploiter les données biologiques. L’analyse dirigée par les effets et diverses approches semblables se sont développées pour traduire le résultat des bioessais. Il ne s’agit plus d’interpréter le critère biologique mais de guider l’analyse chimique grâce aux bioessais.
Via les données issues des bioessais, les chimistes peuvent sélectionner les sous-fractions des échantillons les plus impactants, orienter l’identification des pics analytiques associés aux effets les plus néfastes. Ce qui nécessite d’adapter le plan de prélèvement pour qu’il soit représentatif des événements de pollution les plus néfastes. Le résultat du bioessai n’est alors plus un critère biologique mais il fournit une liste des substances responsables majoritairement des effets néfastes sur le vivant.

C’est en ce sens que le laboratoire Watchfrog pilote actuellement le projet Pacque (Pilotage de l’analyse chimique de la qualité de l’eau), soutenu par l’Ademe sur 2021-2022 et lauréat du concours Innovation du programme d’Investissement d’avenir en 2019. Dans ce projet, le laboratoire Watchfrog fournit un jeu de données conséquent sur les activités endocriniennes mesurées à différents endroits et différents moments sur une rivière et son affluent en Mayenne. Ces données sont comparées avec les données analytiques générées sur ces mêmes prélèvements. Cette conjugaison des données permet d’identifier le cocktail de substances à éliminer pour améliorer significativement la qualité de ces cours d’eau. Avec ce type de démarche, les sentinelles aquatiques vont enfin pouvoir désigner les polluants chimiques dont elles sont victimes.


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Article publié dans Hydroplus n° 261.
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