« Le printemps 2018 s’annonce silencieux dans les campagnes françaises », se désolent le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). En effet, d’après deux études publiées ce mardi 20 mars, « les oiseaux des campagnes disparaissent à une vitesse vertigineuse ». Ces deux études de suivi des oiseaux, l’une menée à échelle nationale, et l’autre à échelle locale, concluent qu’en 15 ans, les populations d’oiseaux de campagnes ont diminué d’un tiers. « Au vu des pertes ces deux dernières années, cette tendance est loin de s’infléchir », alertent les chercheurs. « Ces études révèlent l’ampleur du phénomène : le déclin des oiseaux en milieu agricole s’accélère et atteint un niveau proche de la catastrophe écologique », préviennent le CNRS et le MNHN.
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Huit perdrix sur dix ont disparu des campagnes
L’étude menée à échelle locale par le CNRS, sur la zone atelier « Plaine et Val de Sèvre », confirme les résultats nationaux, et démontre qu’au-delà des espèces propres aux milieux ruraux, les espèces généralistes sont également touchées. « Depuis 1995, des chercheurs du Centre d’études biologiques de Chizé (EBC) suivent chaque année, dans les Deux-Sèvres, 160 zones de 10 hectares d’une plaine céréalière typique des territoires agricoles français », explique le CNRS. Ainsi, en 23 ans, aucune espèce d’oiseaux n’a été épargnée : la population d’alouette a diminué de 35 %, et la population de perdrix est « presque décimée », avec huit individus disparus sur dix. « Ce déclin frappe toutes les espèces d’oiseaux en milieu agricole, aussi bien les espèces dites spécialistes - fréquentant prioritairement ce milieu -, que les espèces dites généralistes - retrouvées dans tous les types d’habitats, agricoles ou non », soulignent les chercheurs. Un déclin qui irait de pair avec « l’effondrement des insectes » et qui est spécifique aux milieux agricoles, car les espèces généralistes concernées ne diminuent pas dans les autres milieux.
Jachères, cours du blé et néonicotinoïdes
Pour les chercheurs du CNRS et du MNHN, cette disparition massive « est concomitante à l’intensification des pratiques agricoles ces 25 dernières années, plus particulièrement depuis 2008-2009. Une période qui correspond entre autres à la fin des jachères imposées par la politique agricole commune, à la flambée des cours du blé, à la reprise du sur-amendement au nitrate permettant d’avoir du blé sur-protéiné et à la généralisation des néonicotinoïdes, insecticides neurotoxiques très persistants ». Ainsi, au printemps 2018, de nombreuses régions de plaines céréalières risquent d’être silencieuses. « Si cette situation n’est pas encore irréversible, il devient urgent de travailler avec tous les acteurs du monde agricole pour accélérer les changements de pratiques ; et d’abord avec les agriculteurs qui possèdent aujourd’hui les clés pour infléchir la tendance », concluent le CNRS et le MNHN.