Le Conservatoire du littoral diffuse un « Panorama des paysages », ciblant le grand public (enseignants notamment) comme les aménageurs.
Comment l’espace s’est-il urbanisé en cinquante ans ? Dans quelle mesure l’agriculture a-t-elle régressé ? Et le trait de côte reculé ? Quelles parcelles a acquises le Conservatoire du littoral depuis 1975 ? Des réponses en images se consultent dans le Panorama des paysages, que le Conservatoire vient de greffer à son site. Cette « première encyclopédie numérique des paysages littoraux français », illustrant 150 unités littorales de métropole et d’outre-mer, rassemble 3 600 visuels dont 440 cartes. Pour chaque site est dressé le tableau des enjeux et pressions : habitats naturels, artificialisation, fréquentation, déprise agricole, pollutions. « Le paysage rend perceptibles les richesses et les fragilités des espaces littoraux », observe Patrick Bazin, directeur de la gestion patrimoniale du Conservatoire du littoral. Au ministère de l’Ecologie, Sophie Mourlon apprécie cet outil, qui « permet d’incarner nos politiques publiques, fort technocratiques ». L’adjointe au directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature voit dans le paysage « un marqueur de la préservation ou de la dégradation des écosystèmes, qui peut être une clé de compréhension des enjeux et des potentialités d’un territoire ».
Anticiper la reconversion ou la relocalisation
Illustration autour de la Baie d’Authie : c’est par l’entrée paysagère que les acteurs locaux amorcent la réflexion sur l’adaptation au recul du trait de côte. Le sujet a réuni les deux intercommunalités de Somme et du Pas-de-Calais, qui portaient jusqu’alors sur l’estuaire picard « des visions partielles », relève Sandrine Deroo, déléguée du Conservatoire pour la Manche et la Mer du Nord. Ce travail a nourri le programme d’actions de prévention des inondations (PAPI) de la communauté d’agglomération des deux baies en Montreuillois, créée à l’été 2016. Alors que le sable et les sédiments s’accumulent au sud de la baie, la dune s’érode au nord, malgré les tentatives de fixation par des plantations de pins. Le cordon dunaire finira par céder, exposant les terres à une submersion partielle. « C’est l’affaire d’une génération, pressent Sandrine Deroo. Plutôt que subir le recul du trait de côte, il convient de s’intéresser aux bénéfices potentiels liés à l’évolution de l’interface terre-mer. »
Les agriculteurs peuvent ainsi anticiper une reconversion dans le pâturage sur prairies salées. A moins que l’activité ne soit relocalisée, les exploitants disposant de quelques années pour trouver des terres. Le site va gagner des espaces naturels, sur lesquels une digue rétro-littorale en terre pourrait donner un point de vue. De quoi conforter l’attrait touristique de la région, notamment auprès d’une clientèle belge et néerlandaise, avide d’espaces sauvages. « La seule option pour s’adapter au recul du trait de côte est de travailler dans le temps pour s’habituer, se projeter, positiver », souligne Sandrine Deroo. « Le paysage fournit une base sensible, à partir de laquelle on évite la menace en bâtissant un projet de territoire », conclut le paysagiste Alain Freytet.
Baie d'Authie Rive Nord / Crédit : Conservatoire du littoral