Cette semaine, Quentin Faulconnier, directeur Sustainability en charge du développement durable chez Axionable, explique les bénéfices de l'analyse des données de consommation énergétique dans une situation inédite telle que celle du confinement, afin de réagir et s'adapter au plus vite.
Si la crise sanitaire actuelle rend plus impérieuse que jamais la réduction des postes de dépenses pour les entreprises, de nombreuses voix dans l’opinion s’élèvent contre un risque de répétition des erreurs de la crise de 2008, à savoir un sacrifice des politiques bas-carbone sur l’autel de la survie économique. Dans ce contexte, chercher à réduire sa consommation d’énergie permet de concilier ces deux exigences souvent opposées. Pour y parvenir, exploiter rapidement et à grande échelle les données énergétiques à disposition devient un impératif.
Avec l’entrée en vigueur du confinement le 17 mars dernier, l’économie française a subi un brusque coup d’arrêt. Selon l’Insee, la baisse d’activité a été de 36 %, et cette hibernation forcée est appelée à se prolonger. Dans le même temps, RTE annonce un recul de la consommation d’électricité de 15 à 20% (1). Si ce recul est bien évidemment inédit et significatif, l’écart avec l’indicateur d’activité économique ne manque pas d’interpeller. D’autant que certains secteurs très énergivores, comme l’industrie manufacturière ou le transport ferroviaire, sont particulièrement touchés. Cet écart met ainsi en lumière les potentiels d’amélioration de la performance énergétique encore non exploités à ce jour. Et, de ce point de vue, l’exploitation des données de consommation d’énergie constitue une véritable opportunité.
Des données énergétiques désormais nombreuses et accessibles
Ces dernières années, de nombreuses entreprises ont mis en place des instruments de mesure (capteurs et compteurs) pour suivre leur consommation d’énergie, et toutes disposent, à travers leurs factures ou les paramètres de fonctionnement de leurs équipements, de données encore trop souvent sous-exploitées. Ce gisement va se révéler encore plus précieux dans la période actuelle.
Face à un évènement inédit, qui échappe aux schémas usuels, analyser les données énergétiques est un point de départ indispensable pour prendre la mesure de la situation et s’y adapter le plus rapidement possible. Ces analyses - de la plus simple jusqu’à la mobilisation de l’intelligence artificielle - vont permettre d’anticiper les impacts de la crise et de simuler plusieurs scénarios de réponse.
Dans cette perspective, la possibilité désormais répandue de pouvoir collecter et manipuler les données à distance constitue un atout clé : cela permet de minimiser les déplacements des managers et des techniciens. Par exemple, on pourra identifier les équipements restés inutilement allumés, établir un programme d’interventions légères pour les éteindre, puis vérifier que ces actions ont bien été réalisées.
Enfin, cette situation exceptionnelle va permettre d’établir un point de comparaison avec le fonctionnement ordinaire, et donc de faire ressortir des valeurs ou des corrélations d’habitude perdues dans le bruit. En l’occurrence, le quasi-arrêt de l’activité constitue un rare point bas - le fameux « talon énergétique » - qui peut permettre d’étalonner et de réviser certains paramètres de gestion qui n’avaient jamais été réellement questionnés, souvent parce qu’on en négligeait le coût.
Des pistes d’économies simples, pour un impact immédiat et durable
Prenons l’exemple de la consommation énergétique. Est-il nécessaire de chauffer des bureaux désertés ? D’éclairer des vitrines de magasins fermés ? De laisser sous tension des machines inutilisées ? De conserver pour les automatismes des réglages prévus pour une période de pleine activité ? Si certains équipements, comme les fours des verriers, ne peuvent être mis à l’arrêt, bien d’autres pourraient être éteints.
L’analyse des données peut permettre d’identifier ces équipements et de confronter leur coût de fonctionnement à vide à d’autres enjeux métiers, comme la nécessité de pouvoir redémarrer rapidement, par exemple. L’analyse de ces consommations résiduelles peut également faire ressortir des anomalies, comme des fuites d’eau ou d’air comprimé, qui pèsent de façon permanente, invisible et significative sur les coûts de production.
Dans le contexte actuel, les entreprises ont deux priorités : minimiser les impacts immédiats et, dans la mesure du possible, mettre en place pour la suite les conditions d’une reprise soutenable. L’exploitation des données énergétiques peut les aider à concilier et atteindre ces deux objectifs. À court terme, une analyse, même succincte, permet d’obtenir rapidement des économies significatives en éteignant tout ce qui peut l’être. À plus long terme, elle permet d’inscrire dans la durée les bonnes pratiques, d’éliminer des gaspillages jusqu’alors insoupçonnés et de mettre en œuvre une stratégie durable de réduction de coûts compatible avec des ambitions environnementales élevées.