A l’heure où plusieurs grands projets d’aménagement doivent sortir de terre en France, l’architecte Corinne Vezzoni propose de rendre l’ensemble du territoire français « inconstructible ». Une solution, selon elle, pour lutter contre l’artificialisation des sols.
Alors que les médiateurs désignés par le gouvernement français pour décider du sort du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) doivent rendre leur rapport aujourd’hui, l’architecte marseillaise Corinne Vezzoni, lauréate du prix des Femmes Architectes 2015 et récompensée de la légion d’honneur en mars dernier, propose une solution radicale : rendre l’ensemble du territoire français « inconstructible ».
Une idée foncièrement utopiste mais qui a le mérite d’inviter toutes les parties prenantes de l’acte de construire ainsi que les citoyens à « porter un autre regard sur l’aménagement du territoire », avance Corinne Vezzoni. « Il ne s’agit pas d’arrêter de construire du jour au lendemain, mais de justifier, pour chacun des projets, de leur utilité socio-économique et surtout de leur bien-fondé écologique, pour tirer ces derniers vers le haut. Il faut soumettre chaque projet à un argumentaire rigoureux concernant leurs impacts environnementaux », indique-t-elle.
Un renversement en profondeur de la logique réglementaire
Ce renversement en profondeur de la logique réglementaire actuelle permettrait, selon Corinne Vezzoni, de lutter efficacement contre l’artificialisation des sols, à l’heure où les Français débattent de plusieurs grands projets – comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes mais aussi le Grand Paris, avec notamment la création du centre commercial Europacity dans le nord de la capitale et l’aménagement du plateau de Saclay au sud. « On peut construire d’une autre manière, sans accroître les surfaces constructibles au détriment des espaces naturels », plaide l’architecte. Et d’illustrer son propos par ses réalisations pour l’institut Supméca à Toulon (Var) et pour les Archives départementales des Bouches-du-Rhône à Marseille.
D’après Corinne Vezzoni, les lois de décentralisation successives ont renforcé une vision locale de l’aménagement du territoire en délaissant une vision d’ensemble plus appropriée. Contrairement à l’« urbanisme réglementaire » en vigueur, l’« urbanisme de projet » qu’elle appelle de ses vœux pourrait aujourd’hui, par exemple, s’emparer des friches commerciales qui se multiplient désormais en France. « Il faut saisir cette opportunité pour construire des logements et des bureaux sur ces zones commerciales. Il faut aujourd’hui construire la ville sur la ville », propose-t-elle. Avant de poursuivre : « les architectes ont pour rôle de léguer aux générations futures de la beauté et du confort de vie. »
9,3 % du territoire de la France métropolitaine est artificialisé
Aujourd’hui, en France, les terres équivalant à un département sont artificialisées tous les 10 ans, soit environ 420 km² par an. Selon le gouvernement français, en 2015, ce phénomène s’est « stabilisé » pour s’établir à 9,3 % du territoire français métropolitain. Depuis 2008, le rythme de progression de l’artificialisation des sols a « ralenti » pour atteindre +0,8 % par an.