En 2007, les biocarburants se sont mués en agrocarburants. « Agro », car issus de l'agriculture : betterave ou canne à sucre pour l'éthanol destiné à l'essence ; colza, maïs ou tournesol pour les esters voués au gazole. Et sûrement pas « bio » : ces plantations intensives drainent leur lot d'engrais et de produits phytosanitaires, et déstabilisent sols et eaux. Certains parlent même de nécrocarburants, car le besoin de terres pour les cultures va jusqu'à tuer les forêts.
Pourtant, changement climatique oblige, les agrocarburants se développent. La France va plus loin que l'Europe et parie sur 7 % d'incorporation à tous les carburants en 2010. Les subventions pour les champs à vocation énergétique bourgeonnent et le colza fleurit. Mais ces petites fleurs jaunes ne sont pas au goût de tous. L'OCDE et la FAO sonnent l'alarme : dans leurs « perspectives d'évolution des principaux marchés agricoles mondiaux » pour la période 2007-2017, elles mettent en garde contre la hausse des cours mondiaux et le risque de pénurie de céréales alimentaires. Car, si les cultures énergétiques mordent sur les plates-bandes des plantations destinées à l'alimentation, une compétition s'instaure et les cours grimpent. L'OCDE et la FAO prévoient une possible hausse du cours du maïs de 20 % d'ici à 2010 et de 135 % pour le manioc d'ici à 2020. Alors, le remède est-il pire que le mal ? Le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité pense que oui. En janvier dernier, il recommandait de lancer un « programme d'études abordant l'ensemble des enjeux environnementaux associés à la stratégie de développement des agrocarburants. »
Même le bilan carbone est remis en cause. S'il est difficile de nier l'avantage des agrocarburants en termes de CO2, le bilan du N2O, un gaz à effet de serre plus rare mais plus puissant, laisse à désirer. Selon Bernadette Risoud, ingénieure à l'Inra, « la fertilisation d'un hectare de colza émet 2,625 kg de N2O », l'équivalent de 777 kg de CO2. Bref, l'agrocarburant d'aujourd'hui n'est pas Kyoto-compatible. Heureusement, ceux de seconde génération sont dans les cartons : on utilisera toute la plante, et non plus la graine seule, ainsi que des sous-produits en dehors de la course à l'hectare. Quelques obstacles, et non des moindres, restent à surmonter : créer des unités de gazéification de la biomasse à échelle industrielle type Fischer Tropsch, résoudre le casse-tête logistique pour rassembler en un même point des matières premières volumineuses comme le miscanthus... Ces questions résolues, il faudra trouver des noms appropriés. Nous pourrons alors faire le plein de coprocarburants (à partir d'excréments), de lipocarburants (issus de graisses animales) ou de rudocarburants (extraits de déchets organiques), et s'inquiéter des cours des xylocarburants (à base de résidus de bois).