Une étude du Global ocean oxygen network publiée vendredi 5 janvier dans la revue Science alerte sur l’extension des « zones mortes », dépourvues d’oxygène, dans les océans. En cause : le changement climatique et la pollution par les nutriments.
Limiter le changement climatique et la pollution des océans par les nutriments permettrait d’enrayer le déclin de la teneur en oxygène des océans. Il s’agit de l’enseignement tiré d’une étude menée par les chercheurs du groupe de travail international Global ocean oxygen network (GO2NE), publiée le vendredi 5 janvier dans la revue Science. Les chercheurs soulignent que la proportion de zones de haute mer dépourvues de tout oxygène (« zones mortes ») a plus que quadruplé au cours des cinquante dernières années. « Quant aux sites à faible teneur en oxygène situés près des côtes, y compris les estuaires et les mers, ils ont été multipliés par dix depuis 1950 », est-il précisé. « Les scientifiques estiment que la teneur en oxygène va continuer à chuter dans ces deux types de zones au fur et à mesure que la Terre se réchauffera », souligne le Centre national de recherche scientifique (CNRS) sur son site.
Dérèglement des écosystèmes marins et rejet de substances chimiques
Ainsi, le changement climatique et la pollution par les nutriments réduisent drastiquement la teneur des océans en oxygène, alors qu’environ la moitié de l’oxygène planétaire provient justement des océans. « Les effets combinés de la surcharge en nutriments et du changement climatique augmentent considérablement le nombre et la taille des "zones mortes" en haute mer et en eaux côtières, où le niveau d’oxygène n’est plus suffisant pour assurer la survie de la majeure partie de la vie marine », constatent les chercheurs. Dans ces « zones mortes », le taux d’oxygène est tellement bas que beaucoup d’animaux meurent asphyxiés. C’est le cas par exemple dans la baie de Chesapeake aux Etats-Unis ou dans la mer Baltique. En conséquence, « les poissons évitent ces zones, leur habitat se réduit et ils se retrouvent plus exposés aux prédateurs et à la pêche », souligne le CNRS. Mais la nouvelle étude constate que même sans atteindre le seuil de zone morte, de moindres baisses d’oxygènes peuvent avoir un impact sur les populations : enrayement de la croissance des espèces, de leur reproduction, ou encore développement de maladies. « Le changement des teneurs en oxygène peut aussi déclencher le rejet de substances chimiques dangereuses telles que le protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre jusqu’à 300 fois plus puissant que le dioxyde de carbone, et le sulfure d’hydrogène toxique », relèvent les chercheurs.
La pollution par les nutriments impacte les eaux côtières, alors que le changement climatique s’attaque aux eaux de haute mer. Pour cause, le réchauffement des eaux de surfaces bloque l’oxygène qui n’atteint pas les profondeurs. L’impact sur la population humaine n’est pas nul selon les chercheurs et il en particulier économique : en effet, si la pollution par les nutriments peut stimuler la production de nourriture pour les poissons et faciliter la pêche dans certains cas, « il n’est pas garanti que les activités de pêche artisanale puissent se délocaliser lorsque le manque d’oxygène détruira leurs récoltes ou fera fuir les poissons ». Les scientifiques soulignent également le risque de la désoxygénation pour les récifs coralliens « qui sont une attraction touristique majeure pour de nombreux pays ».
Limiter la pollution, créer des aires marines protégées et renforcer la surveillance
Pour inverser la tendance de désoxygénation, le rapport propose des solutions : développer de meilleurs systèmes septiques et d’assainissement pour diminuer la pollution de l’eau, protéger les pêcheries à risque avec la création d’aires marines protégées (AMP) et de zones de pêche interdite supplémentaires, ou encore renforcer la surveillance des zones de désoxygénation. Le CNRS souligne également les bienfaits des actions locales « comme dans la baie de Chesapeake où la pollution par l’azote a diminué de 24 % grâce à un meilleur traitement des eaux usées, de meilleures pratiques agricoles et une meilleure législation comme le Clean Air Act ».
Pour rappel, le GO2NE a été créé en 2016 par la Commission océanographique intergouvernementale de l’Unesco. Il représente 21 institutions dans 11 pays, dont le Centre national de recherche scientifique (CNRS) français.