Psychropotes longicauda sur un champ de nodules polymétalliques / Crédits : Philweb / Wikimedia Commons
Les deux structures spécialistes de la mer appellent à protéger les grands fonds marins de l’exploitation minière, dans le cadre d’une exposition, « Destination Abysses ». Une thématique qui résonne avec l’actualité internationale.
Peu de choses sont connues sur les grands fonds marins, si ce n’est qu’ils renferment des gisements minéraux précieux pour l’industrie et la transition énergétique, comme le manganèse, le cuivre, le cobalt, le zinc et les terres rares.
Un argument suffisant pour légitimer l’exploitation de ces zones situées à plus de 1.000 mètres de profondeur, selon certains États, comme la Norvège, Nauru, la Chine, la Norvège, la Grande-Bretagne ou le Mexique, qui souhaitent profiter de ces trésors renfermés dans des galets, appelés nodules polymétalliques.
Problème : impossible de prédire les effets qu’aurait cette exploitation sur ces espaces fragiles et méconnus. En raclant les grands fonds, la récupération des nodules risque de détruire des écosystèmes entiers, que les scientifiques commencent seulement à découvrir. Ces zones de grande profondeur abrite en effet une biodiversité unique avec environ 300.000 espèces aujourd’hui identifiées, et des millions d’autres qui resteraient encore à découvrir. De plus, « les fonds marins stockent du carbone et jouent un rôle dans la régulation du climat », développe Florence Blond, ingénieure agro-halieutique et directrice des projets chez Nausicaá. Si l’océan absorbe aujourd’hui 30 % des émissions de CO2 liées aux activités humaines, le rôle de l’océan profond est encore mal estimé. Nul ne sait dans quelle mesure l’exploitation de ces écosystèmes abyssaux pourrait contribuer à l’aggravation du réchauffement climatique.
Pour ces raisons, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) et le centre national de la mer, Nausicaá, appellent à la protection de ces grands fonds marins dans la cadre d’une exposition, « Destination abysses », qui a ouvert ses portes le 7 juin. Des conférences, animations et événements seront dédiés à cette thématique tout au long de l’année.
Le chercheur à l’Ifremer Pierre-Marie Sarradin, chercheur à l’Ifremer depuis 1994 et spécialiste des grands fonds marins, admet que ce projet était un défi : « il est compliqué de faire une exposition sur les grands fonds alors qu’on ne sait pas grand-chose à leur sujet », a-t-il souligné. L’Ifremer œuvre à l’amélioration des connaissances : l’Institut gère les deux contrats d’exploration de la haute-mer délivrés à la France. Reste un frein, celui du coût de ces campagnes océanographiques, situé entre « 50 et 70.000 euros par jour », et aujourd’hui financées par le plan d’investissement France 2030.
La France a appelé à une interdiction totale de l’exploitation des fonds marins. Les députés ont voté fin mai en faveur de la ratification du traité international pour la protection de la haute-mer et de la biodiversité marine (BBNJ). Le Sénat doit se prononcer avant l’été.
A l’échelle internationale, 26 pays sont membres de la coalition en faveur d’un moratoire ou d’une pause des activités d’exploitation des grands fonds marins. La Grèce a rejoint l’alliance début juin.