La biodiversité se fait sûrement une place au cœur de l’actualité, mais est-elle vraiment au centre des préoccupations de ceux qui ont un réel impact ?, s’interroge dans cette tribune Thomas Guyot, directeur de la stratégie chez Traace -Tennaxia.
La biodiversité est au cœur de l’actualité de ces derniers mois de l’année. A commencer par la COP16 sur la biodiversité qui s’est déroulée fin octobre en Colombie jusqu’à la publication de deux rapports majeurs de l’IPBES – la Plateforme Intergouvernementale sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques (l’équivalent du GIEC pour la biodiversité) - planifiés pour les 17 et 18 décembre, en passant par la publication du Plan d’adaptation au changement climatique, en France, annoncé par Michel Barnier le 25 octobre et la COP 29 actuellement en cours. La biodiversité se fait sûrement une place au cœur de l’actualité, mais est-elle vraiment au centre des préoccupations de ceux qui ont un réel impact ?
Tout d’abord, un constat : selon L’Agence européenne pour l’environnement, on estime aujourd’hui que 80% des habitats naturels de l’Union européenne sont en mauvais état. L’Europe a également perdu 25% de ses populations d’oiseaux depuis 1980 (60% pour les espèces vivant en milieu agricole) et les populations d’insectes auraient chuté de 70 à 80% dans les zones d’activité humaine. Alors que la biodiversité est essentielle à la survie de l’humanité, car elle fournit des écosystèmes nécessaires à la purification de l’air et de l’eau, à la régulation du climat, à la pollinisation des cultures et à la protection contre les catastrophes naturelles, alors qu’elle est également une source inépuisable d’innovation et de découvertes médicales, sa dégradation est forte, en menaçant aussi bien les terres, les airs et les océans.
Dans ce contexte, après des années de dégradations incontrôlées, la loi sur la préservation de la nature votée par l’UE en juillet dernier impose enfin l’objectif de restaurer 20% des écosystèmes marins et terrestres de l’Union européenne à l’horizon 2030 et l’intégralité d’entre eux d’ici 2050. Alors qu’une étude de l’Institut de recherche de Potsdam publiée par la revue Science le 22 août indique que seules 63 des 1 500 politiques climatiques mises en place dans 41 pays entre 1998 et 2022 ont été véritablement efficaces, il est crucial que cette loi s’accompagne de politiques réellement efficaces, concrètes et menées à grande échelle. Des initiatives isolées ne sont plus suffisantes face à la crise actuelle. Par ailleurs, de la même manière que le dérèglement climatique menace concrètement nos entreprises et nos économies (un degré de réchauffement climatique pourrait entraîner une baisse de 12% du PIB mondial), l’érosion de la biodiversité est une menace directe pour la stabilité financière et économique mondiale. Selon une récente étude de la BCE, 72% des sociétés non-financières européennes dépendent de manière critique des services écosystémiques. Ainsi, pour les entreprises, la mise en place de pratiques durables – comme l’agriculture régénératrice, la gestion des ressources en eau, ou encore l’adoption de l’économie circulaire – pourrait non seulement protéger la biodiversité, assurer leur pérennité, mais aussi offrir des opportunités économiques inédites.
Les Etats et les entreprises doivent prendre en compte leur impact sur la biodiversité et leur dépendance aux services écosystémiques sur l’ensemble de leur chaîne de valeur, même si cela implique d’importantes évolutions. Comme pour la question du climat, il s’agit pour eux de transformer les risques en opportunités. Aucun Etat, aucune entreprise n’aura le choix : autant prendre le virage au plus vite. Le débat sur la biodiversité doit être une priorité pour les gouvernements comme pour les comités exécutifs des entreprises. La faune, la flore, les cultures, les mers et les océans sont un sujet capital : aux capitales de prendre enfin leurs responsabilités en la matière.