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EAU

La digestion fait enfin recette

PUBLIÉ LE 1er JUIN 2010
LA RÉDACTION
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En Suisse et en Allemagne, les techniques de digestion des boues d'épuration sont bien implantées. Mais, en France, un peu moins de cent stations d'épuration en sont équipées. Peut-on alors parler d'un retard français ? Le regain d'intérêt pour la digestion des boues, observé depuis trois ou quatre ans, résulte en réalité plutôt de l'évolution des tarifs de rachat de l'électricité renouvelable. Ces tarifs ont pendant longtemps été trop bas pour rendre la plupart des projets financièrement viables, vu l'importance de l'investissement initial. VALORISATION C'est l'arrêté du 10 juillet 2006 « fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations qui valorisent le biogaz » qui a changé la donne. Depuis, l'électricité produite à partir de biogaz par des installations de cogénération (qui valorisent aussi la chaleur issue des moteurs) est valorisée à un prix allant jusqu'à 140 euros par mégawattheure (MWh). « Le seuil à partir duquel une installation de digestion des boues avec cogénération est intéressant a ainsi été abaissé pour concerner désormais les stations d'épuration de l'ordre de 100 000 EH », estime Éric Guibelin, expert boues et odeurs à la direction technique de Veolia Eau/ OTV. Le renchérissement du prix des matières premières a aussi joué un rôle pour redynamiser le secteur. Dans les stations en limite inférieure de gamme, « l'électricité produite à partir du biogaz est généralement valorisée en interne, pour les besoins de la station d'épuration », précise Jean-Marc Audic, responsable du pôle valorisation matière et énergie au centre de recherche Cirsee de Suez Environnement. Les collectivités souhaitent aussi économiser sur leur facture de fioul ou de gaz, et anticipent les futures hausses de prix des matières premières. La logique est aussi politique : « Les collectivités sont convaincues ; la digestion s'inscrit dans une politique générale de développement durable », d'après Jean-Paul Chabrier, dirigeant du cabinet de conseil EnviroConsult. Ce contexte ouvre de nouvelles perspectives. Alors que, jusque-là, la digestion était essentiellement vue en France comme un moyen de diminuer le volume des boues et de réduire leurs nuisances olfactives, elle est désormais regardée comme une source intéressante d'énergie renouvelable, et comme une source éventuelle de profits. Certaines stations qui faisaient déjà de la digestion sont modernisées afin de mieux valoriser le biogaz. C'est ce qui se produit par exemple sur la station d'épuration Maera de Montpellier Agglomération. Sur son installation de digestion des boues, une partie du biogaz produit est actuellement brûlée pour chauffer les boues avant digestion. Le reste, pouvant atteindre suivant les périodes de l'année 70 % de la production, est brûlé en torchère. La mise en service d'une unité de cogénération, prévue pour mi-2011, a été autorisée par arrêté préfectoral mi-mars 2010. Elle permettra de produire environ 6 GWh d'électricité par an, ce qui correspond à 40 % des besoins en électricité de la station. PROBLÈME AIGU Toutefois, « il est malaisé de travailler sur des filières existantes, de continuer à exploiter la station tout en installant de nouveaux matériels », explique Jean-Paul Chabrier. C'est un problème d'autant plus aigu « pour les stations construites sur des terrains exigus, sur lesquelles il est difficile d'ajouter une décantation primaire - qui fournit des boues très organiques, de bien meilleure qualité pour la digestion », poursuit-il. Or les installations à boues activées à faible charge se sont généralisées au cours des vingt dernières années ; le souci principal était alors d'atteindre les objectifs réglementaires sur les rejets aqueux, donc de diminuer la charge des effluents en carbone, en azote total et en phosphore. Les boues issues de ces traitements sont moins intéressantes pour la digestion : elles ne sont plus assez riches en matières organiques hautement fermentescibles. Aujourd'hui, la décantation primaire redevient donc une option intéressante. Ainsi, à Hénin-Beaumont (88 000 EH) dans le Pas-de-Calais, une décantation lamellaire de type Multiflo (procédé Veolia Eau) sera mise en place sur la nouvelle station d'épuration. Outre l'abattement des matières en suspension et de la demande chimique en oxygène des effluents entrants, ce procédé permet la production de boues primaires, qui augmentent le rendement de la digestion. PRÉTRAITEMENTS Quant aux stations à boues activées à faible charge, les constructeurs cherchent des solutions qui accroissent la production de biogaz par leurs boues. Le Laboratoire de biotechnologie de l'environnement ( LBE, Inra de Narbonne) a étudié, au début des années 2000, les prétraitements des boues activées par ozonation, par ultrasons et par préchauffage à haute température. Ce dernier a été retenu comme la piste la plus prometteuse : « L'amélioration de la production de méthane est comprise entre 10 % et 50 %. Le résultat dépend du temps de séjour des boues dans le digesteur, mais aussi du potentiel méthane initial des boues. C'est avec celles qui avaient le potentiel le plus faible (celles issues des traitements à faible charge) qu'il est le plus concluant », analyse Hélène Carrère, directrice de recherches à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). HYGIÉNISATION Le préchauffage ou lyse thermique consiste à amener les boues à une température de 160 °C sous pression, pendant quelques dizaines de minutes. Outre l'amélioration de la production de biogaz, il hygiénise les boues et facilite leur déshydratation après digestion. Deux fabricants ont porté cette technologie à l'étape industrielle : le norvégien Cambi, avec lequel s'est associé Degrémont pour proposer le procédé Digelis Turbo (schéma ci-dessus), et Veolia Water Systems (OTV). La température souhaitée est atteinte par injection de vapeur dans la cuve qui contient les boues. Le procédé d'OTV, Biothelys, a été installé en France au Pertuiset (80 000 EH), à Saumur (62 000 EH) et Château-Gontier (38 000 EH). Le prétraitement des boues est l'objet de nombreuses recherches car « la première étape de la digestion des boues, celle de l'hydrolyse, est l'étape limitante : c'est d'elle que va dépendre le rendement de la digestion », explique Patricia Camacho, ingénieur projet digestion au Cirsee. C'est au cours de cette réaction que les molécules complexes sont découpées en molécules plus petites, qui seront transformées en méthane par les bactéries du digesteur. Comme souligné plus haut, l'hydrolyse peut se faire de diverses manières. Les ultrasons ont souvent été mis en place en Allemagne. Stereau a choisi cette filière pour prétraiter les boues, avec des réacteurs baptisés Sonoflux ajoutés avant la digestion, dans le cadre du procédé Digesthane. « L'intérêt du procédé réside dans sa simplicité d'exploitation et sa fiabilité. Il ne nécessite pas de personnel qualifié et "booste" la production de biogaz, certes dans une mesure moins importante que l'hydrolyse thermique. Mais cette dernière est énergivore et produit aussi de la DCO dure qui se retrouvera dans les rejets aqueux, ce qui n'arrive pas avec les ultrasons dont l'action est à la fois mécanique et enzymatique », détaille Vincent Chastagnol, directeur Process & Technologies de Stereau. Les deux premières références françaises sont en cours de construction : à Saint-Nazaire (100 000 EH) et Cherbourg (140 000 EH). Des tests sont menés pour installer Sonoflux sur des digesteurs existants. D'autres techniques sont aussi étudiées par les divers constructeurs : des procédés mécaniques d'agitation ; des procédés en deux phases (digestion thermophyle à 55 °C suivie d'une digestion mésophile à 37 °C). Ou encore l'hydrolyse enzymatique : « Cette solution peut se révéler prometteuse. Nous testons en laboratoire les enzymes qui existent sur le marché, tout en gardant à l'esprit que l'achat d'enzymes a un coût », rappelle Jean-Marc Audic. CODIGESTION Par ailleurs, les constructeurs et les collectivités s'intéressent de près à la codigestion des boues avec d'autres déchets. Les intérêts sont multiples : amélioration de la production de biogaz grâce à un apport de matière organique ; revenu supplémentaire apporté par les industriels qui paient pour être débarrassés de leurs effluents ; viabilité des projets sur des stations plus petites. Souvent, c'est l'adjonction de graisses aux boues d'épuration qui est envisagée. Il s'agit notamment des graisses retenues dans un dégraisseur en entrée de station, et de graisses de restauration. Le mélange boues/graisses doit se faire selon un ratio d'environ 90 % -10 % pour que le digesteur puisse fonctionner de manière satisfaisante. L'apport d'effluents de l'industrie agroalimentaire est plus simple, et peut se faire dans des proportions plus importantes. Les matières à valoriser sont en effet la plupart du temps plus proches chimiquement des boues que les graisses. Quelques exemples : Lyonnaise des eaux exploite un digesteur de codigestion de boues d'épuration et de boues d'abattoir à Cholet (en proportion 85 % -15 %), et affiche un gain de productivité en biogaz de 40 % ; le Sivom de Val-Cenis (Savoie), qui exploite en régie une station d'épuration dimensionnée à 16 000 EH et dotée d'un digesteur, expérimente l'introduction de sérum de coopératives laitières. « Actuellement, il y a trois fois plus de sérum laitier que de boues d'épuration dans le digesteur. Cela fonctionne très bien », analyse Franck Perrin, responsable du service assainissement du Sivom. Ces coproduits pourraient accélérer la rentabilisation du digesteur, qui est surdimensionné pendant onze mois sur douze (hors saison de ski, la station traite 1 000 EH), en produisant du biogaz qui remplacera le fioul. Ils permettraient aussi de lisser la production, un gros avantage car, d'après Franck Perrin, « la montée en charge sur un digesteur est très complexe à gérer ». Pourtant, en février, le digesteur fonctionne à plein régime avec les seules boues d'épuration et ne peut pas accueillir les sérums laitiers, ce qui n'arrange pas les coopératives. En Hongrie, sur l'usine de Budapest-Sud, Veolia Eau exploite un ensemble de digesteurs mésophiles et thermophiles qui accepte les refus liquides ou solides de restauration, d'équarrissage ou d'industries agroalimentaires. Il faut alors procéder à un broyage et à un tamisage, les digesteurs ne pouvant accepter les déchets solides : « Nombre d'incidents majeurs d'exploitation qui risquent de se traduire par des accidents sont dus à des macrodéchets restés dans les boues », constate Jean-Paul Chabrier. HOMOGÉNÉISATION Quelles que soient les matières admises en digestion, l'un des moments essentiels est l'homogénéisation du mélange entre les boues et ces matières allogènes. « Il faut que les effluents soient bien mélangés pour être assimilables », analyse Éric Guibelin.L'introduction de matières de viscosité et de composition différente peut conduire à des dysfonctionnements. « Le gros enjeu ici est à nouveau celui des prétraitements ; ils n'améliorent pas toujours le rendement énergétique, mais ils fiabilisent les procédés. La phase de méthanisation devient plus maîtrisable », soutient Jean-Marc Audic. Dans le cas des graisses, le mélange est une question de première importance : « Il y a eu des accidents. Des graisses ont formé un chapeau de surface, bloquant l'évacuation du biogaz », rappelle-t-il. La codigestion implique donc des investissements supplémentaires, par rapport au seul digesteur : systèmes de broyage, malaxage, tamisage, préchauffage... Elle demande en outre une très bonne gestion logistique. Les matières doivent être collectées, transportées jusqu'à la station d'épuration, stockées... BIOMÉTHANISATION Face à ces exigences, certains pensent plutôt à créer des installations de digestion dédiées, qui recueillent divers effluents et déchets, dont les boues d'épuration, pour les codigérer. C'est ce que se propose de faire Saur, avec sa nouvelle activité baptisée biométhanisation : exploiter un réseau de plates-formes territoriales de digestion. Les matières valorisées pourront aller des déchets de tonte de pelouse aux refus de table, en passant par les boues urbaines « qui pourront ne représenter qu'une faible proportion du total, mais sont indispensables au fonctionnement du digesteur. L'ensemencement biologique du procédé est ainsi assuré », décrit Sylvie Fleury, directrice énergie du groupe Saur. Les techniques sont alors celles de la digestion à des niveaux supérieurs de charge organique ; elles se rapprochent aussi de la digestion en phase épaisse ou dense. Le brassage est mécanique, et non plus hydraulique ou par circulation de gaz comme dans les digesteurs à phase liquide. Ce fonctionnement de codigestion permet une production de biogaz optimisée et un rendement volumique accru. Ce secteur est dès à présent concurrentiel : les meneurs de projets tentent de séduire les stations d'épuration pour obtenir leurs boues. Des appels d'offres apparaissent - émis notamment par des SEM Énergie. « Nous avons déjà une expérience de gestion de ce type de projets avec notre filiale de traitement et de valorisation des déchets Coved, ainsi qu'un savoir-faire sur le retour à la terre des matières brutes ou traitées de nature organique. Ces filiales locales connaissent bien la partie exploitation, surtout concernant la traçabilité des matières entrantes, essentielle pour la valorisation des digestats. Dans le cadre de notre première installation, qui devrait voir le jour prochainement, nous allons ainsi déshydrater puis épandre les digestats », explique Sylvie Fleury. FERTILISANTS Les projets de digestion s'envisagent en effet de plus en plus comme une des étapes d'une valorisation la plus complète possible des matières. L'épandage des digestats est souvent mis en place, parfois après compostage, même si les solutions d'incinération ou d'enfouissement sont parfois retenues. La digestion a dans ce cadre l'avantage, connu de longue date, de diminuer le volume de boues à enfouir ou à incinérer. AUTRES PISTES D'autres pistes de valorisation sont aussi étudiées. L'injection directe du biogaz dans le réseau, qui exigerait une purification du biogaz poussée - les constructeurs travaillent sur les solutions de traitement - pourrait se révéler moins onéreuse que la cogénération. Elle est envisagée, sachant que l'injection de biogaz issu de centre de traitement des déchets vient d'être autorisée. D'autre part, les jus de déshydratation des digestats sont fortement chargés en azote et en phosphore. Leur renvoi en l'état en tête de station complique l'atteinte des objectifs d'épuration des eaux. Toutefois, l'introduction de traitements complémentaires pour se débarrasser de l'azote et du phosphore a un coût.L'une des solutions explorées est d'ajouter des sels de magnésium, qui précipitent le phosphore sous forme de struvite (MgNH4PO4) ; l'azote que contiennent ces jus, de son côté, est présent sous forme ammoniacale, donc bien assimilable par les végétaux. Cette opération fournit un engrais très intéressant sur le plan agronomique, qui pourrait être commercialisé. Veolia Eau exploite par exemple à Berlin-Wassmannsdorf une usine qui procède à ce type de valorisation. La station d'épuration devient une réelle unité de production d'énergie (chaleur, électricité, peut-être bientôt de gaz naturel injecté directement sur le réseau), mais aussi de fertilisants.


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