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EAU

Un autre modèle de la gestion de l'eau

PUBLIÉ LE 1er MAI 2013
LA RÉDACTION
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Le magazine des professionnels de l’eau et de l’assainissement.
Dans un contexte de hausse régulière du prix de l'eau, de nombreuses collectivités s'interrogent sur les conditions et les modes de gestion de leur service. Jusqu'à récemment, elles n'avaient en apparence que deux options. « En France, la gestion de l'eau se caractérise par une vision traditionnellement très binaire : soit la gestion déléguée, soit la gestion en régie », confirme Alexandre Vigoureux, responsable juridique à la Fédération des entreprises publiques locales. Or les élus reprochent à la délégation un manque de transparence et, à la régie, une rigidité de fonctionnement. Mais, dans ce paysage immuable, il existe une troisième voie : les entreprises publiques locales de l'eau (EPL). L'existence, depuis une bonne trentaine d'années, des sociétés d'économie mixte (SEM) de l'eau était presque passée inaperçue jusqu'à ce que la famille s'agrandisse, le 28 mai 2010, avec la loi pour le développement des sociétés publiques locales qui a créé une toute nouvelle formule juridique, la société publique locale. Avec cette évolution, les EPL, dans leur ensemble, ont bénéficié d'un coup de projecteur. Et, dans le secteur de l'eau ou de l'assainissement, elles se positionnent aujourd'hui comme les « outsiders » : une alternative face aux grands groupes qui dominent le marché. La SPL (société publique locale), a été conçu sur mesure par le législateur français pour coller étroitement aux critères de la jurisprudence européenne du « In-House » (cf. encadré). C'est un opérateur détenu uniquement par des personnes publiques pour répondre à leurs besoins et qui concilie une gestion d'entreprise privée et les valeurs du service public. La SPL est constituée sous la forme d'une société anonyme, la comptabilité et les salariés relèvent du droit privé, mais les mises à disposition et détachements de fonctionnaires territoriaux sont possibles. Elle se caractérise aussi par la transparence de sa gestion : les statuts doivent prévoir un système de contrôle et de reporting, et la gestion est soumise à des contrôles externes du préfet et des chambres régionales des comptes. « La SPL, c'est au fond une forme de régie privée, résume Alexandre Vigoureux. Elle ressemble fort à la régie, elle en a la philosophie, mais ses habits sont ceux du droit privé. Elle permet d'aller chercher sur le marché du travail des compétences très pointues que l'on a parfois du mal à trouver dans la fonction publique. Elle permet un retour en gestion publique non contraint par les règles de la comptabilité publique. Elle permet enfin la coopération, la mutualisation entre collectivités, ce qui n'est pas possible avec une régie, sauf à créer un syndicat mixte sur lequel cette régie est adossée. Bref, elle offre de la souplesse. » Si les SPL et les SEM sont des cousines aux valeurs communes, elles se distinguent toutefois en plusieurs points, notamment sur l'actionnariat. Les SPL ont un actionnariat 100 % public et sont créées, a minima, par deux collectivités territoriales ou leur groupement (les Epic et les EPA ne peuvent pas être actionnaires, mais les EPCI et les syndicats mixtes le peuvent). Les SEM associent partenaires publics et privés, elles doivent compter au moins sept actionnaires, dont au moins un privé, et 50 à 85 % des parts doivent être détenues par des collectivités. Autre différence majeure : les actionnaires d'une SPL sont, en toute légalité, exonérés des contraintes de publicité et de mise en concurrence lorsqu'ils lui confient des missions, car elle est assimilée à un opérateur interne. En contrepartie de ce précieux avantage, les SPL ne peuvent exercer leurs activités que pour le compte de leurs actionnaires, et uniquement sur leur territoire. À l'inverse, les SEM, qui s'inscrivent dans un cadre concurrentiel, sont libres de développer des activités propres au-delà de leur actionnariat et d'intervenir en dehors du territoire de celui-ci. Ce rapide panorama montre que la SPL offre de séduisants atouts, mais que la SEM, plus polyvalente, n'est pas en reste. Le choix de l'une ou de l'autre dépend du contexte local et de l'objectif recherché. Plusieurs SPL ont déjà fait leurs premiers pas dans l'eau. L'une des pionnières, c'est Eau du Ponant, créée par Brest Métropole océane (BMO) et les syndicats d'eau du chenal du Four, de Landerneau et de Kermorvan de Kersauzon à la faveur de la fin de leurs contrats de délégation respectifs. « La loi créant les SPL est passée juste au bon moment, se félicite François Cuillandre, président de BMO. L'opération est d'une grande cohérence territoriale, puisque notre ressource en eau est commune. Elle va générer des économies d'échelle, par la mutualisation des équipes techniques, des prestations et des financements, sans faire disparaître les structures de base. Chacun conservera son prix de l'eau, sa politique tarifaire et restera maître chez lui. » Les collectivités brestoises ont pleinement exploité la nature « à la carte » de la SPL. Ainsi, alors que Brest Métropole océane, voulant montrer que la SPL est une quasi-régie, lui a concédé pour quatre-vingt-dix-neuf ans l'eau et l'assainissement, le syndicat du chenal du Four a, lui, confié la distribution d'eau dans des conditions proches de celles du contrat de délégation antérieur, pour montrer que la SPL pouvait faire aussi bien, puis a donné d'autres missions annexes (marchés de travaux, maîtrise d'œuvre, assistance à maîtrise d'ouvrage). Eau du Ponant est devenu opérateur de l'eau et de l'assainissement pour Brest Métropole océane le 1er avril 2012, opérateur de l'eau potable pour deux des syndicats le 1er juillet, et pour le troisième le 1er janvier 2013. « Un an après le démarrage opérationnel, les processus tournent bien, témoigne Christian Clément, directeur d'Eau du Ponant. Aujourd'hui, on discute de l'entrée potentielle d'autres adhérents. Les quatre actionnaires de départ étaient tous, avant, en gestion déléguée. On réfléchit à des formules qui permettraient par exemple à des régies d'eau de bénéficier de notre bureau d'études, sans avoir à confier la distribution de l'eau à la SPL. » Une autre pionnière illustre à quel point chaque SPL de l'eau est unique : c'est la SPL Eaux Barousse Comminges Save, créée fin 2010 par le syndicat des eaux de la Barousse du Comminges et de la Save avec le conseil général du Gers. Ce syndicat gère l'un des plus grands réseaux d'eau potable français (4 800 km). Il en a délégué l'exploitation, en Hautes-Pyrénées et Haute-Garonne principalement, à la SEM Pyrénées service public qu'il a lancée en 1991. En 2000, 78 communes du Gers ont adhéré au syndicat qui, faute de pouvoir les confier à la SEM, a créé une régie directe pour gérer ces territoires. La SPL est ensuite apparue comme le bon outil pour optimiser et mutualiser les moyens. Depuis le 1er janvier 2011, la SPL gère le service d'eau des communes gersoises, ainsi que l'assainissement collectif et non collectif pour l'ensemble des adhérents. À l'expiration du contrat de délégation de la SEM, en 2015, la SPL prendra le relais, offrant une gestion de l'eau réunifiée sur tout le territoire. Troisième profil, celui de L'Eau des collines, la SPL de l'eau et de l'assainissement créée en janvier 2013 par la communauté d'agglomération du pays d'Aubagne et de l'Étoile, avec les communes d'Aubagne, La Penne-sur-Huveaune, Cuges-les-Pins et Saint-Zacharie. « L'outil SPL a été retenu pour un retour en gestion publique, du fait de sa souplesse et de sa nature évolutive, indique Béatrice Marthos, directrice générale de L'Eau des collines. Des collectivités y rentrent maintenant, d'autres pourront y rentrer plus tard. Elles sont libres de ce qu'elles confient et en restent maîtres : il n'y a pas de transfert de compétence. Et puis la SPL est bien adaptée à un territoire sur lequel les gestions de l'eau sont très diverses. » Au 1er janvier 2014, la SPL se substituera à la Société des eaux de Marseille dans la gestion de l'eau d'Aubagne et de La Penne-sur-Huveaune, corrigeant ainsi une illégalité historique. En effet, dans le sillage d'un traité napoléonien, c'est de facto Marseille Provence Métropole qui assure aujourd'hui la compétence eau de ces villes, alors qu'elles ne la lui ont jamais transférée et qu'elles n'en sont même pas membres. La SPL montera en charge avec la reprise en direct de la gestion de l'eau au terme des contrats de délégation de Cuges-les-Pins, en 2017 et de Saint-Zacharie, en 2019. Entre-temps, elle assurera le contrôle de ces délégations et l'accompagnement à la bascule. L'assainissement, compétence aujourd'hui détenue par la communauté d'agglomération, passera également dans le giron de la SPL en deux étapes. Le territoire des six communes de l'Étoile, qui fait actuellement l'objet d'une prestation de service, sera repris en gestion directe par la SPL au 1er octobre 2013. Pour le reste de l'agglomération, dont la gestion est déléguée, la SPL suivra le contrat, réalisera les investissements à la place de la communauté d'agglomération et préparera le retour en gestion directe de 2017. Dans sa première période opérationnelle, en 2014, L'Eau des collines gérera ainsi 12 000 abonnés pour l'eau et 20 000 pour l'assainissement. Elle assurera notamment l'exploitation et la facturation mais prévoit, au moins en phase de démarrage, quelques marchés de prestations de service (curage de réseaux, grosses casses, travaux…). Une quatrième SPL est en cours de création : associant la ville de Rennes et le Syndicat mixte de production du bassin rennais (SMPBR), elle devrait voir le jour en juillet 2013. Le retour en gestion publique du service d'eau sera effectif en 2015, au terme de cent trente ans de délégation. Durant l'année 2012, les élus rennais ont diligenté une série d'études pour analyser les vertus comparées d'une régie municipale ou d'une SPL. Cette dernière l'a emporté parce qu'elle offre une organisation mutualisée. « La SPL est en fait comme une régie à plusieurs », résume Vincent Pitois, directeur général du SMPBR. À terme, l'objectif est d'évoluer vers une véritable intercommunalité de l'eau, en ouvrant le capital à d'autres communes composant Rennes Métropole ou adhérentes au SMPBR. Sur la base des premiers retours d'expérience, plusieurs enseignements apparaissent. D'abord : l'enjeu lié au temps. « Il faut s'y prendre au moins deux ans à l'avance : la constitution d'une SPL s'anticipe, tout particulièrement lorsqu'elle doit prendre le relais d'un contrat de délégation », souligne Alexandre Vigoureux. En amont, des réflexions d'ordre juridique sont indispensables : qui se met autour de la table, dans quel but ? Ce but est-il bien en rapport avec les compétences de la collectivité concernée, quelles missions la SPL réa-lisera-t-elle pour chacun des actionnaires ? Il faut ensuite délimiter les conditions de l'association entre collectivités, définir les objectifs de la société, rédiger les statuts en respectant bien les principes du « In-House »…. Dans les statuts de L'Eau des collines, les élus se sont attachés à assurer les conditions d'un « contrôle analogue », tout à fait conforme aux exigences du juge européen. Un fonctionnaire issu des actionnaires (le directeur du service assainissement de la communauté d'agglomération) a été désigné comme garant du contrôle. Sur le plan économique, il sera nécessaire d'anticiper les recettes et les besoins, en prévoyant qu'en début d'activité, la SPL n'aura pas de rentrées d'argent, et évaluer à quel déficit de trésorerie elle pourra être exposée… En fonction de ces perspectives, la dotation en capital social sera établie, en tenant compte du fait qu'elle définira la crédibilité de la société vis-à-vis des banques s'il y a besoin d'emprunter. Enfin, il conviendra de définir la répartition du capital social entre actionnaires. Une fois structurée juridiquement, la SPL de l'eau doit rapidement se doter des outils dont elle a besoin : le matériel, les logiciels, un système d'information. Ce dernier point est « particulièrement difficile, en partant de zéro », remarque Christian Clément. La SPL doit aussi, sans tarder, entrer dans le vif du sujet pour anticiper et accompagner la fin du système en place : en dressant le panorama de l'existant, des équipements rétrocédables, du personnel transférable et en négociant avec l'opérateur sortant les modalités de fin de contrat. « La gestion des ressources humaines constitue l'un des enjeux fondamentaux de cette première phase de vie de la SPL », prévient Alexandre Vigoureux. Il faut se doter des compétences nécessaires, en allant les chercher au sein des collectivités actionnaires ou sur le marché du travail. « Nous aurons a priori une grosse part de recrutement, tant pour l'administration que pour l'exploitation, souligne Béatrice Marthos. En effet, s'agissant des effectifs qui seront transférés, pour Aubagne et La Penne-sur-Huveaune, il est question de cinq ou six agents de l'opérateur actuel, et pour l'assainissement, la communauté d'agglomération devrait transférer cinq agents. » La réglementation encadre cette situation, en prévoyant le transfert automatique des contrats de travail, le maintien des rémunérations et de tous les droits acquis. Mais l'exercice est culturellement délicat, il convient d'être volontariste pour déminer le terrain. À Aubagne, les négociations sont en cours depuis déjà plus d'un an avec Marseille Provence Métropole et la Société des eaux de Marseille. À Brest, l'opération, bien préparée, a été un succès puisque, au-delà des 80 salariés transférés, Eau du Ponant a recruté, sur candidatures spontanées pour des créations de postes, quelques salariés supplémentaires de l'ancien délégataire. « C'est vrai que ce processus est long et qu'il requiert beaucoup d'énergie, convient Christian Clément. Mais le fait de constituer une entité d'une taille respectable a été un plus : les personnels, attachés à leur travail et à leur territoire, ont basculé de manière assez groupée. » Pour réussir cette étape, quelques mots d'ordre : communiquer très tôt auprès des personnels et des syndicats, être clair sur ses engagements, à l'écoute, rassurant… « C'est extrêmement important pour une bonne intégration des personnels sur le moment, mais aussi pour l'adhésion à une culture d'entreprise en devenir », prévient Alexandre Vigoureux. Enfin, dernier point de vigilance, la montée en charge opérationnelle de la SPL sera d'autant mieux maîtrisée qu'elle sera progressive : il faut se donner du temps pour faire des essais à blanc, pour la facturation notamment, comme prévoit de le faire L'Eau des collines pendant trois à quatre mois avant la bascule. Et aussi étaler autant que possible la reprise des périmètres. Pour les SEM de l'eau, l'apparition de tous ces nouveaux cousins est peut-être l'occasion d'un effet rebond. Elles sont au nombre de 22. Leurs profils sont assez diversifiés, entre la Semerap, dans le Puy-de-Dôme, première SEM créée pour la production et la distribution d'eau potable en France en 1975, et Énergies services Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées, qui gère à la fois l'électricité, le gaz et la distribution de l'eau. Toutes ces structures ont fait leurs preuves, en termes d'efficacité économique et de souci de l'intérêt général, mais le modèle n'a pas essaimé : leur nombre et leur périmètre sont restés à peu près constants depuis une quinzaine d'années. « En France, il y a quand même un positionnement atypique du marché de l'eau, comparé à la situation européenne où la gestion est assurée à plus de 60 % par des entreprises publiques », remarque Alain Tomsin, directeur de la Semea, société d'économie mixte de gestion de l'eau de l'agglomération d'Angoulême créée en 1986. « L'évolution de l'arsenal juridique français, via la création de la formule SPL, est susceptible de faire évoluer les mentalités, estime-t-il. En effet, passer par un modèle de fonctionnement d'entreprise n'est pas un raisonnement naturel pour les élus : c'est un peu exogène, ce n'est pas dans leur culture. Toutefois, dans un contexte d'équations lourdes à résoudre en matière d'eau, les élus sont poussés à repenser les modèles traditionnels : c'est peut-être l'aube d'une nouvelle ère, y compris pour les SEM de l'eau. »
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