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La Guyane chercheuse d'or propre

PUBLIÉ LE 1er JUILLET 2013
LA RÉDACTION
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La Guyane est sans doute le département français le plus riche en ressources naturelles. Il est aussi l'un des plus sinistrés économiquement. Pour changer la donne, tous les espoirs se portent sur quelques activités emblématiques parmi lesquelles l'exploitation aurifère. Pas question pour autant d'en payer le prix fort. L'attribution en décembre dernier d'un permis d'exploitation à la société Rexma, à proximité de Saül, haut lieu de l'écotourisme, a par exemple suscité une levée de boucliers parmi les populations locales, les élus, les scientifiques… Et même au ministère de l'Écologie, certains proches de Delphine Batho regrettent une décision prise à Bercy bien trop hâtivement. Ces oppositions mettent en exergue le peu de crédit accordé à l'orpaillage propre. « Le permis couvre une crique qui se déverse dans la zone de cœur du parc amazonien de Guyane. Croyez-vous vraiment qu'une entreprise minière puisse garantir que ses travaux n'auront pas d'impact sur les milieux aquatiques en aval de la zone d'extraction ? », s'est demandé le président du conseil scientifique du parc, Bernard Thibaut, dans une lettre ouverte au président de la République. Pour convaincre de la relative innocuité de leur activité, les opérateurs miniers vont encore devoir produire de nombreux efforts. « Il existe trois grands enjeux environnementaux : le mercure, le cycle de l'eau et la déforestation », résume Joël Duranton, directeur adjoint de la direction de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (Deal) de Guyane. Premier danger, le mercure est omniprésent dans les rivières guyanaises sur lesquelles sont installés les opérateurs. D'abord, parce que, naturellement, les sols guyanais en sont imprégnés. Ensuite, parce que, jusqu'à son interdiction en 2006, le composé a été utilisé pour amalgamer l'or en toute légalité. Enfin, parce que les milliers d'orpailleurs illégaux sillonnent le territoire et en font encore un usage intensif. Conséquence, « même avec un process sans mercure, l'exploitant peut en libérer en remuant la terre », explique Sébastien Brosse, professeur d'université à Toulouse. Avec l'aide des opérateurs, le BRGM tente de mieux cerner les phénomènes de décantation et d'interaction entre les polluants et les sédiments. Ils cherchent notamment à évaluer la distance sur laquelle le mercure du sol est remobilisé en aval de chaque site d'orpaillage « Nous menons une étude avec l'aide d'opérateurs très participatifs », explique Ariane Blum, directrice du BRGM en Guyane. En attendant et même s'il est important d'insister sur le fait que la pollution chronique est essentiellement liée à l'activité illégale, les populations amérindiennes, situées en fin de chaîne alimentaire, subissent toujours les effets du métal toxique. Une étude menée en 2005 estimait que 84 % des adultes habitant le long du Haut-Maroni présentaient une concentration mercurielle dépassant la valeur limite fixée par l'OMS à 10 microgrammes par gramme de cheveux. Autre souci majeur : l'impact physique des installations alluvionnaires sur le milieu aquatique majeur. Les orpailleurs extrayant et rinçant abondamment l'or qui s'est déposé au fil du temps dans le lit des rivières, « le procédé génère des particules d'argile et de boue en suspension qui perturbent la vie des espèces, de l'invertébré aquatique à la loutre géante, explique Christian Roudgé, coordinateur de la fédération Guyane nature environnement. Cela peut être fatal à certaines d'entre elles. » L'opacité complique la prédation. Le manque d'oxygène empêche tout simplement ces espèces de respirer. « Il faut plusieurs jours pour que les particules se déposent, complète Sébastien Brosse. Des lames de turbidité se retrouvent en aval des sites. » Là encore, les exploitants illégaux sont les premiers responsables, la réglementation édictant des normes précises aux opérateurs déclarés. « Les mesures que nous avons effectuées dans les zones d'orpaillage montrent malgré tout que la turbidité est forte. En théorie, nous sommes en circuit fermé. En pratique, les bassins de décantation sont aléatoires », affirme Sébastien Brosse. « Des progrès considérables ont été réalisés, nuance Joël Duranton. Le recours aux circuits fermés est respecté, même si on n'est jamais à l'abri d'un dimensionnement inapproprié. Il nous arrive de remettre de l'ordre sur certains sites, un peu comme la police ICPE avec les installations classées. Il est rare qu'une exploitation soit toute blanche ou toute noire. » Pour pousser les opérateurs à faire les meilleurs choix, le BRGM a publié un guide de bonnes pratiques sur les digues de fosses (appelées barranques) et de lagunes d'exploitation. « Nous travaillons par ailleurs sur un projet visant à améliorer la décantation sur site grâce à des produits chimiques comme les sulfites d'aluminium, explique Ariane Blum. Tout le monde y a intérêt, notamment les opérateurs, qui travaillent plus facilement avec une eau claire. » Le troisième enjeu environnemental est de restaurer au mieux chaque site une fois le travail terminé. Pour Christian Roudgé, c'est tout simplement mission impossible. « Le cours d'eau est déconnecté le temps de l'exploitation. Un canal de dérivation est créé sur plusieurs kilomètres, puis le lit mineur est asséché et retourné. On passe d'un écosystème aquatique complexe à un site stérilisé de manière irréversible. » Mais la réglementation oblige à restaurer chaque cours d'eau avec obligation de résultat. « Les canaux doivent être supprimés et comblés en respectant un ordre pédologique : gravier, puis argile et, si possible, terre végétale », explique Delphine Miau-Boulanger, gérante du bureau d'études Caex Reah. En théorie, 25 % de la surface ayant fait l'objet d'une déforesta-tion doit être revégétalisée avec des corridors pour favoriser la circulation de la faune. En pratique, « ce chiffre est davantage un compromis que le résultat d'une analyse précise, poursuit-elle. Passer à 50 %, ce serait bien, mais parfois, la densité forestière est telle que le corridor se recrée tout seul. Notre société essaie de proposer des solutions cohérentes plutôt que de se baser à tout prix sur ce taux. » Défini par l'ONF, ce cahier des charges un peu ancien pourrait évoluer. Le Pôle technique minier guyanais (PTMG), qui réunit des compétences minières, environnementales et hydrogéologiques y travaille. Comme il travaille à améliorer de nombreux aspects de la filière. Ces efforts sont sans doute insuffisants. Ils sont toutefois sans commune mesure avec ceux qui devraient être engagés par les pouvoirs publics pour restaurer les sites orphelins des orpailleurs illégaux. Ce travail est totalement délaissé, ce qui ne choque pas Frédéric Mortier, directeur du parc amazonien de Guyane. « La restauration nécessite des travaux de génie civil très lourds avec des pelles hydrauliques… C'est intéressant à partir du moment où c'est durable. Il faudra s'y atteler quand les sites seront sécurisés. En attendant, nous préférons que les moyens aillent à la lutte contre l'exploitation illégale, en particulier dans les bassins de vie ». En la matière, les dernières tendances ne sont pas bonnes. Si l'on dispose d'assez peu d'informations officielles, tous les acteurs s'accordent à considérer 2008 comme une date charnière. Après un pic, le territoire a connu une régression de l'exploitation clandestine, notamment grâce au dispositif Harpie qui mobilise des forces armées pour détruire les équipements trouvés sur les sites illégaux : des concasseurs aux quads utilisés pour transporter les garimpeiros (orpailleurs brésiliens), les prostituées qui les accompagnent, l'intendance… Bien que le parc national soit le plus surveillé, « il y a une recrudescence de chantiers actifs depuis mars 2012 », estime Frédéric Mortier. « Début 2013, on a constaté que d'énormes convois gagnaient la Guyane », confirme Laurent Kelle, responsable du bureau outre-marin de WWF, regrettant que certains barrages fluviaux aient été levés, notamment sur le Haut-Maroni. Avec le temps, les illégaux ont compris que malgré quelques opérations coups de poing et les discours grandiloquents martelés il y a quelques années sur la tolérance zéro, ils avaient plus à gagner qu'à perdre en prenant quelques risques. En France, pays des Droits de l'homme, les militaires sont parfois surnommées les « caresses guyanaises », les clandestins malades savent qu'ils peuvent disposer de soins et les condamnations sont trop rares (lire p. 26). Enfin, le manque de collaboration internationale est criant. « Les illégaux jouent au chat et à la souris autour de la frontière, lance Laurent Kelle. À Oiapoque, ville frontière du Brésil, il existe des comptoirs d'or alors qu'il n'y a aucune mine à proximité ! » L'histoire très récente montre pourtant que travailler avec le Brésil et le Surinam produit des effets immédiats. Quand deux militaires ont été tués en juin 2012 dans le cadre d'une opération Harpie, les deux pays voisins de la Guyane ont fait le ménage dans plusieurs bases arrière logistiques installées au-delà de l'Oyapock et du Maroni. Puis le chef de gang responsable de la tuerie a été interpelé à Macapa (Brésil). Depuis, l'inertie s'est réinstallée. Faisant actuellement l'objet d'une évaluation par une mission interministérielle, Harpie semble avoir besoin d'un second souffle. Longtemps montrée du doigt, la porosité entre les secteurs légaux et illégaux a été limitée par une meilleure traçabilité des ventes. « Entre 2000 et 2008, 22 tonnes d'or ont transité entre la Guyane et la métropole sans qu'on en connaisse l'origine », rappelle Laurent Kelle. Un amendement à la loi de garantie proposé par l'actuelle garde des Sceaux, Christiane Taubira, a été voté fin 2010 à l'unanimité et oblige désormais tous les négociants à tenir en temps réel un registre de police qui améliore le contrôle de leurs ventes et de leurs stocks. Un bureau de la garantie a par ailleurs été ouvert en Guyane pour vérifier les transactions. Le WWF, porteur du projet, est à moitié satisfait. « Nous ne sommes pas allés jusqu'au bout de la logique puisque les opérateurs ne sont pas tenus de renseigner ce registre », regrette Laurent Kelle. Côté traçabilité toujours, l'ONG étudie la possibilité de trouver une signature physico-chimique de l'or guyanais, voire des caractéristiques propres à chaque région. « En Afrique du Sud, quand un groupe souhaite exporter de l'or, on vérifie qu'il vient de la région indiquée, ce qui limite les risques de blanchiment », justifie le directeur de WWF. Partenaire de ce projet, le BRGM préfère rester prudent sur les chances de résultats. Malgré tout, dans l'idéal, on devrait être capable de « retracer l'histoire d'un grain à partir des transformations qu'il a subies », note Ariane Blum. Donc comprendre à partir d'une analyse que du mercure a été utilisé. Parallèlement à ces démarches, les écologistes demandent une meilleure application du schéma départemental d'orientation minière (Sdom), entré en vigueur en 2012. Bâti sur un compromis, ce document définit plusieurs zones, la plus commune étant ouverte à l'exploitation dans les conditions du droit commun, la plus protégée concernant les espaces riches en biodiversité et interdisant toute prospection minière. Au milieu, la zone « sous contrainte » prévoit des exigences renforcées de compa ti bi li té avec le milieu et une obligation en matière d'exploitation : le respect d'une charte de bonnes pratiques un peu ancienne. « On s'était calqué sur ce que fait l'UNPG en métropole », explique Delphine Miau-Boulanger, qui a travaillé à sa rédaction. Sauf qu'au final, plusieurs dispositions ne sont pas appliquées. « On proposait des audits trimestriels avec des professionnels de la végétalisation ou de la sécurité du travail par exemple ; or, ces auditeurs n'existent pas, illustre-t-elle. Cette charte est finalement un document fantôme. » Si la Deal souhaite « encourager la profession à la mettre à jour », dixit Joël Duranton, GNE dénonce un manque de volonté politique pour que les pratiques soient améliorées. « Nous nous gardons la possibilité d'attaquer des arrêtés préfectoraux qui ne renforcent pas les contraintes dans ces zones », lance Christian Roudgé. À leur décharge, les autorités de contrôle ont-elles les moyens de faire appliquer ces réglementations ? Non, répond la députée Chantal Berthelot. « La Guyane est le seul territoire où la croissance démographique est de 3 % et dont la dotation ne prend pas en compte sa surface de 90 000 km² », regrette-t-elle. « Certains opérateurs font ce qu'ils peuvent, mais n'ont pas de contact avec l'administration », ajoute un observateur, se demandant s'il est vraiment raisonnable de « donner des titres miniers à de petites entreprises artisanales sans moyens. » Cette question pourrait ne plus être d'actualité si l'activité alluvionnaire dont la ressource s'amenuise était progressivement délaissée au profit d'une exploitation primaire de l'or. En effet, les opérateurs miniers se tournent directement vers les roches dont l'érosion nourrit les rivières en paillettes. Les illégaux ont une fois de plus tiré les premiers, car creuser des galeries dans la roche est rentable et discret. Le couvert forestier est préservé, la turbidité de l'eau est moins forte… Les images satellites et les survols en hélicoptères atteignent donc leur limite, les missions de renseignement devant prendre le relais pour découvrir les sites. Car la recherche d'or primaire est source d'autres pollutions. Une poignée d'entreprises exploite aujourd'hui légalement de petits filons de façon artisanale, misant sur le procédé gravitationnel qui permet de récupérer 40 à 55 % de l'or. Les grands opérateurs ayant lancé des recherches, comme l'américain Newmont, devraient plutôt opter pour le recours au cyanure, qui fait bondir le rendement à 90 %. « Ce procédé impose d'entrer dans le régime ICPE, avec des investissements tout autres », prévient Joël Duranton . Plus question, par ailleurs, de s'appuyer sur les autorisations d'exploiter les plus basiques qu'utilisent la plupart des orpailleurs. « L'exploitation primaire nécessite des titres miniers classiques (aux dispositions légèrement différentes outre-mer) », poursuit-il. Autre souci : les sites sont totalement isolés. « Que se passera-t-il si une digue lâche, libérant de l'eau du process ? Comme à Omaï au Guyana (en 1995, ndlr) ? » , s'interroge Christian Roudgé. Pour mettre tout le monde d'accord, des subventions régionales ont permis de lancer des recherches sur des solutions alternatives au cyanure, comme le thiosulfate de sodium… Des travaux qui ont donné des résultats en laboratoire, mais qui ont été nettement moins convaincants dans des conditions réelles.
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