Sur le lac d'Annecy, les roselières se font de plus en plus rares. Alors qu'elles représentaient une centaine d'hectares en 1900, on en compte à peine dix aujourd'hui, sachant que le lac représente une superficie de 2 700 ha. Un diagnostic environnemental réalisé en 2007 a montré que seuls 3 % d'entre elles étaient suffisamment en bon état pour permettre une régénérescence. En cause, les aménagements réalisés autour du lac (pontons, murets), la stabilisation de son niveau, ou encore l'action érosive des vagues et des bois morts. « Les roselières ont pourtant un impact positif en termes d'épuration et de biodiversité », explique Pierre Bruyère, président du syndicat mixte du lac d'Annecy (Sila).
Un plan de restauration ambitieux a été lancé. Il est piloté par le Sila via une nouvelle structure de gouvernance, la Commission lac et prospective, qui vise à réunir tous les acteurs concernés (usagers, élus et scientifiques). Car le plan consiste à la fois à réimplanter des roselières, à faire évoluer la réglementation pour mieux protéger ces zones mais aussi à réfléchir à la gestion du niveau de l'eau. Pour la première étape, le Sila s'est appuyé sur la Compagnie nationale du Rhône ( CNR) qui avait déjà travaillé sur le sujet. Plus surprenant, il s'est aussi adressé au lycée agricole de Poisy-Chavanod. Près de 250 élèves travaillent depuis 2008 à la production et la multiplication des trois espèces constituant les roselières : le roseau, le nénuphar et le scirpe en vue de leur réimplantation. « Nous avons réalisé un travail que les pépinières classiques ne font pas – notamment pour le scirpe qui est très fragile – en utilisant les bassins d'élevage de poissons du lycée », explique Sébastien Tavan, enseignant et responsable du projet au lycée agricole de Poisy-Chavanod. Pour protéger les roselières de l'érosion mécanique des vagues, des palissades constituées de pieux jointifs ont été installées à des profondeurs et des distances variées, la meilleure disposition étant ainsi évaluée. « Nous avons choisi de diviser l'opération en deux phases. La première, dont le coût est d'un million d'euros, sera suivie d'une étude d'une durée de trois à quatre ans pour valider l'intérêt des techniques mises en œuvre. C'est seulement ensuite qu'une seconde phase d'implantation d'un coût de 1,8 million d'euros sera lancée », explique Pierre Bruyère. Le financement de l'action est assuré à 50 % par l'agence de l'eau Rhône, Méditerranée et Corse, à 30 % par le conseil général de Haute-Savoie et à 20 % par le Sila.
Pour garantir la pérennité du projet, le Sila lance cette année une seconde étude socio-économique et technique sur la gestion du niveau du lac, stabilisé depuis les années soixante grâce à des vannes situées sur son exutoire. « Pourtant, le marnage est essentiel au développement des roselières. Nous avons donc lancé sept commissions thématiques pour évaluer l'impact de son retour possible sur les usagers », détaille Pierre Bruyère. Une réflexion qui permettra aussi d'anticiper les effets du changement climatique déjà visibles sur le niveau du lac.