Hydroélectricité et faune piscicole ne font généralement pas bon ménage. Les centrales sont la cause d'une forte mortalité de poissons, mais des solutions innovantes ont récemment vu le jour : les turbines ichtyocompatibles. Ce qui évite aux poissons, dévalant les cours d'eau, d'être déchiquetés par les turbines classiques ou d'être mortellement atteints par le blast, la compression-dépression rapide des organes. Aux remèdes classiques de grilles inclinées et de goulottes de dévalaison s'ajoutent dorénavant de nouvelles technologies hydroélectriques, comme les turbines de très basse chute VLH (Very Low Head) et les vis hydrodynamiques. Ces dernières fonctionnent sur le principe de la vis d'Archimède, habituellement utilisé pour les pompes de relevage des eaux usées. Elles produisent de l'énergie avec une vitesse de rotation des pales très faible, et la masse d'eau s'écoulant entre les pas de la vis reste à la pression atmosphérique. Particulièrement impactées, les anguilles retournant à la mer pour frayer peuvent ainsi dévaler l'ouvrage sans risque de coupure, de pincement ou de blast.
Au-delà des avantages environnementaux, les vis hydrodynamiques se distinguent également par leur capacité à fonctionner en étiage comme en crue. Leur production est cependant optimale pour des débits avoisinant les 10-15 m3 /s et des chutes jusqu'à 10 m. Elles atteignent alors des rendements de 90 % et développent jusqu'à 500 kW. Et ce, 7 000 heures par an (contre 2 200 heures en moyenne pour une éolienne), sans surcoût d'investissement comparé aux turbines classiques.
Aujourd'hui, seuls quelques ouvrages en sont équipés. À Heudreville-sur-Eure (27), deux vis de 3,80 m de diamètre pour 6,30 de long débitent chacune 7,5 m3 /s. Elles visent à terme un rendement de 80 % pour 220 kWh produits. « Nous sommes en phase de réglage et devons encore résoudre des problèmes de turbulence qui perturbent l'alimentation des vis en amont », précise Roger d'Orglandes, président d'Alisma, la société de capital risque propriétaire de la centrale. Ce dernier déplore les lourdeurs administratives qui ont ralenti la naissance de son projet, lancé il y a quatre ans. L'agence de l'eau Seine-Normandie, qui a techniquement soutenu le projet, craint néanmoins de voir fleurir ces centrales écologiques partout sur le territoire. « La priorité nationale est au rétablissement de la continuité écologique, par la suppression des nombreux barrages obsolètes qui entravent le transit piscicole et sédimentaire et altèrent l'hydromorphologie des cours d'eau », rappelle Gwendal Bodilis, chargé d'opérations rivières à l'AESN. Ce type d'installation devrait donc rester une alternative strictement réservée aux ouvrages structurants, pour lesquels l'effacement n'est pas possible.