Pour lutter contre les crues, la région grenobloise aménage ses cours d'eau. Depuis 2004, le Syndicat mixte des bassins hydrauliques de l'Isère (Symbhi) coordonne deux projets visant à limiter l'impact de crues centennales sur l'Isère et la Romanche. Ces travaux de création de champs d'inondations contrôlés et de renforcement de digues sont accompagnés d'aménagements environnementaux (passes à poissons, élimination de seuils) et paysagers. Mais, le projet Romanche Séchilienne, doté d'un budget de 28 millions d'euros, vient récemment de donner du fil à retordre au Symbhi. Dans cette zone d'une dizaine de kilomètres de long, la solution envisagée consistait à rehaus-ser et conforter les digues en profondeur, mais aussi à araser les bancs naturels qui se créent dans le lit de la rivière, et empêchent un écoulement optimal. Or, sous la rivière se trouvent les nappes qui alimentent en eau potable l'agglomé-ration de Grenoble, gérées par le Sierg (Syndicat intercommunal des eaux de la région grenobloise). Une « eau natu-rellement pure » comme le rappelle son slogan. « Elle a une qualité d'eau de source », précise Jean-François Richer, directeur général adjoint du Sierg. D'où des précautions prises en amont du chantier. « Nous avions mis en place une convention avec le Sierg, précisant les conditions de travail aux abords des champs captants. Mais nous imaginions plutôt des pollutions accidentelles liées aux engins », raconte Mathieu Grenier en charge du projet au Symbhi.
Cependant, contre toute attente, dès les premiers arasements, le filtre naturel opéré par le fond de la rivière s'est déstructuré, et des problèmes bactériologiques sont apparus en amont des captages. Par ailleurs, les blocs d'enrochements mis en place pour consolider les digues, étaient très imposants : 7 m vers le milieu du lit de la rivière pour 2,25 m d'épaisseur, avec près de 30 % de vide entre les blocs. « Sous les enrochements, la nappe affleurait, déplore Mathieu Grenier. Il n'y avait plus aucune filtration ». Un groupe de travail a donc été créé en urgence entre le Symbhi, l'Agence régionale de santé, des hydrogéologues et le Sierg, afin de reconstituer le filtre de manière accélérée. Pour créer une matrice filtrante entre les enrochements, un mélange de graviers et de sables a été incorporé. « Grâce à une pelle équipée d'une dent, les enrochements ont été remués et arrosés avec de l'eau de la nappe pour que les matériaux diffusent bien dans les vides», explique Mathieu Grenier. Un suivi quotidien de l'eau des puits a été mis en place pour contrôler la qualité de l'eau, mais le Sierg a aussi procédé à une légère chloration (0,1 mg/l) de l'eau potable, le temps que le filtre se reconstitue. L'opération a été un succès, malgré un surcoût de près de 3 millions d'euros. PRB