500 000 tonnes intégrées dans près de 1 500 produits sur le marché français en 2012 : les nanoparticules sont aujourd'hui omniprésentes. Or, les eaux superficielles sont l'un des vecteurs principaux des polluants générés par les activités humaines, et les nanoparticules n'échappent pas à la règle. « Que ce soit lors de leur fabrication ou de leur intégration dans d'autres produits, au cours de leur utilisation et enfin en tant que déchets, il est nécessaire de comprendre leur comportement à tous les stades du cycle de vie », souligne Jérôme Labille, chargé de recherche CNRS au Centre européen de recherche et d'enseignement en géosciences de l'environnement (Cerege). Ce laboratoire observe l'évolution, le vieillissement, et les éventuels sous-produits de dégradation de nano-produits (crème solaire, peinture, ciment) dans différents milieux aqueux, avec un problème de taille : leur quantification.
Il s'avère pour l'instant quasiment impossible d'en mesurer la concentration (de l'ordre du microgramme/litre) dans un échantillon liquide, malgré les technologies de pointe mises en œuvre au Cerege (comme la nanotomographie à rayons X ou la filtration à flux tangentiel).
De plus, il est très difficile de distinguer les nanoparticules artificielles de leurs homologues naturelles, comme la matière organique, les argiles ou encore les colloïdes, avec lesquelles elles interagissent. Suspension, agrégation, adsorption, sédimentation, spéciation, etc., de nombreux mécanismes physico-chimiques et facteurs environnementaux interviennent. « Dans le cadre du programme international Nanoheter, ces processus sont en cours d'étude, afin d'établir un modèle de devenir des nanomatériaux dans la colonne d'eau, » ajoute Jérôme Labille. Également porté par le Cerege, le projet Labex Serenade cherche à travailler avec les industriels pour développer des nano-produits prenant mieux en compte les risques sanitaires et environnementaux, ainsi que des procédés de recyclage ou de traitement des effluents et des eaux de surface. L'Anses coordonne quant à elle le programme Nanogenotox, visant à fournir à la Commission européenne une méthode fiable d'évaluation de la toxicité des nanomatériaux. « Des travaux en laboratoire sur des bivalves, des vers ou des poissons démontrent la génotoxicité et le stress oxydant qu'ils génèrent », indique Catherine Mouneyrac, chercheur en écotoxicologie à l'Université catholique de l'Ouest (Angers), également experte pour l'agence sanitaire.
En mai dernier, l'Anses actualisait son évaluation des risques liés aux nanomatériaux, recommandant d'adapter les réglementations européennes CLP et Reach, et de mieux caractériser l'exposition des populations.