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EAU

Qui trop embrasse mal étreint

PUBLIÉ LE 1er MARS 2015
LA RÉDACTION
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Àl'issue du Grenelle de l'environnement, la France s'est engagée à atteindre deux tiers des masses d'eau superficielle en bon état écologique en 2015, alors que la directive-cadre publiée en 2000 prévoit un étalement jusqu'en 2027. Mais, sans surprise, l'ambition politique affichée ne sera pas honorée à l'échéance du premier cycle de la DCE (2010-2015). Le bilan fait ressortir une lente progression de la qualité des eaux. Une situation qui ne devrait guère évoluer d'ici à la fin de l'année. Ainsi, à la fin 2013, 43,4 % des masses d'eau de surface étaient en bon état écologique, soit une amélioration de 2 % par rapport aux 41,4 % de masses d'eau superficielle en bon état en 2009. En outre, l'analyse des variations individuelles des 11 500 masses d'eau de surface montre à mi-parcours un état stationnaire pour 50 % d'entre elles, une amélioration pour un quart et une dégradation pour le quart restant. Et, pour répondre aux exigences du texte européen, il faut aussi viser globalement la non-détérioration de l'état des masses d'eau, réduire les pollutions liées aux substances prioritaires et améliorer l'état des eaux souterraines et des zones protégées. La directive prévoit trois cycles de mise en œuvre de six ans jusqu'en 2027. À chaque nouveau cycle, les objectifs des États membres sont actualisés, et des reports et dérogations attribués. La France s'appuie sur ses outils de planification existants, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), pour le pilotage stratégique des objectifs DCE, et sur des programmes de mesure (PDM) opérationnels de six ans pour les mettre en œuvre. Les nouveaux Sdage et leur PDM (2016-2021), qui piloteront les actions du deuxième cycle de la DCE, ont été bouclés par les comités de bassin à la fin de décembre 2014 et ils sont actuellement entrés dans une phase de consultation du public de six mois. La France a reporté au deuxième cycle son objectif de 66 % des masses d'eau en bon état écologique. En 2016, ce sera donc reparti pour un tour. En attendant, la programmation qui se termine tient plutôt du constat de faiblesse. Même si, comme le rappelle le ministère de l'Écologie : « Il faut avoir réglé tous les problèmes pour que le bon état progresse. Les avancées réalisées sur certains paramètres ne se voient pas à travers la lecture de l'indicateur global de bon état. Par exemple, le phosphore et l'ammonium ont été divisés par deux en dix ans. » La mise en conformité des grandes collectivités avec la directive sur les eaux résiduaires urbaines (Deru) a largement contribué à la réduction des pollutions ponctuelles. Des progrès ont également été accomplis sur la connaissance et la maîtrise des rejets de substances prioritaires issus des activités industrielles et de celles des artisans grâce à l'action de recherche et de réduction des substances dangereuses dans l'eau (RSDE). « Une quarantaine de plans d'action pour la réduction des rejets ont été prescrits par la Dreal en Lorraine. Les résultats attendus sont concrets. Par exemple, l'action menée par Saint-Gobain à Pont-à-Mousson devrait éliminer près de 10 % des émissions de zinc du bassin Rhin-Meuse d'ici à 2018 », précise Katia Schmitzberger, de la direction de la planification de l'Agence de l'eau Rhin-Meuse. A contrario, les pollutions diffuses d'origine agricole – nitrates et pesticides – et la difficile restauration des continuités écologiques des cours d'eau demeurent des freins majeurs à l'amélioration. Et ce, malgré les prescriptions des Sdage, les programmes de mesure, et les aides des agences de l'eau qui en ont pourtant fait la priorité de leur 10e programme d'intervention (2013-2018). Pour Alexis Delaunay, directeur du contrôle des usages et de l'action territoriale à l'Onema : « Le dispositif manque de précision. Comme les programmes de mesure actuels n'ont pas désigné de maître d'ouvrage, on a assisté à un manque de mobilisation sur le rétablissement de la continuité écologique par exemple. Nous espérons que la consultation en cours sur les prochains Sdage et les programmes de mesure réussira à préciser leur contenu, sinon nous risquons de nous heurter aux mêmes écueils. » Concernant l'hydromorphologie, « l'évolution des cultures et les nouvelles compétences attribuées aux collectivités par la Gemapi pourraient progressivement améliorer la situation, souligne cependant Pascal Duchêne, directeur de la planification à l'Agence de l'eau Rhin-Meuse. La mise en route a été lente, mais en 2014, nous avons senti une prise de conscience. Nous avons même dépassé nos objectifs sur le nombre de travaux soutenus pour la restauration écologique des cours d'eau. En comparaison, l'agriculture reste dans le rouge. Difficile de déterminer une seule cause, entre le manque de contractualisation, l'inefficacité des mesures, le tout sur fond de crise agricole. » Dans le bilan 2012 de l'avancement des programmes de mesure, le dispositif des mesures agroenvironnementales (MAE) était déjà pointé du doigt. En outre, le plan Écophyto adopté en 2008 pour réduire de moitié l'utilisation des pesticides s'est soldé par un échec cuisant. L'usage des pesticides en zone agricole a même augmenté de 5 % entre 2009 et 2013. Sa nouvelle version, censée être plus pragmatique, permettra-t-elle d'inverser la donne ? À voir. En attendant, sur le bassin Rhin-Meuse, aucune amélioration des taux de nitrates n'est observée sur les 80 captages prioritaires Grenelle. Et ce phénomène est national puisque la qualité des eaux souterraines en France, même si elle s'est améliorée avec 67 % des masses d'eau en bon état chimique à la fin 2013 contre 58,9 % en 2009, affiche l'une des moins bonnes performances européennes, lesquelles se situent en moyenne à 80 %. En France, les proportions des déclassements dus aux nitrates (17 % des masses d'eau dégradées) et aux pesticides (16 %) restent supérieures aux moyennes des autres pays européens. Sur le terrain, les pratiques sont contrôlées par la police de l'eau. La réglementation DCE est appliquée en droit français par la nomenclature « loi sur l'eau » dite Iota (installations, ouvrages, travaux et activités). Durant le premier cycle, le taux global de non-conformité sur les contrôles est resté stable, à un tiers du nombre total de contrôles. Certaines bonnes pratiques agricoles ont même réussi à se généraliser sur la période, comme la création de bandes enherbées le long des cours d'eau. Mais les relations restent tendues entre les agents de la police de l'eau et les agriculteurs notamment. Des affaires éclatent localement – ici avec le maire de Sainte-Florence (33), là avec un agriculteur de Laparade (47) – pour refus de régularisation des infractions sur l'entretien de cours d'eau. « Il y a un vrai problème de différenciation entre les cours d'eau et les fossés, qui ne sont pas soumis aux mêmes règles d'entretien. Un cours d'eau ne doit pas être curé à la pelle mécanique lors de son entretien courant. Cela requiert une autorisation. En revanche, les fossés échappent à ces contraintes. Mais, pour les agriculteurs, il est compliqué de s'y retrouver », souligne Patrick Poyet, délégué interrégional Nord Ouest à l'Onema. Certains en arrivent à ne plus rien entretenir au risque que leurs parcelles agricoles soient inondées à la moindre pluie. Pour faire évoluer la situation, l'Onema a retroussé ses manches et a participé à l'été 2014 avec des agriculteurs de l'Oise à une opération expérimentale sur 700 mètres de cours d'eau. À la suite de ces travaux, une charte des bonnes pratiques pour l'entretien des cours d'eau a été signée en décembre dernier avec la FDSEA et la direction départementale des territoires de l'Oise, pour encourager la connaissance, le dialogue et les actions concertées. Mais la mise en œuvre du premier cycle DCE ne s'est pas heurtée qu'au terrain. « Lorsqu'il a fallu dresser l'état des lieux “point zéro” des masses d'eau en 2009, nous avons utilisé les données de 2006-2007 pour évaluer le bon état, fixé sur notre bassin à 35 % des masses d'eau de surface. Mais, à l'époque, le réseau de surveillance n'était pas complètement à la hauteur des exigences européennes. Nous avons donc recalculé ce bon état initial en 2010-2011 avec les indicateurs élaborés entre-temps, et sa valeur est passée à 20 %. Ce qui correspondait mieux à la réalité en se rapprochant notamment du résultat de nos voisins allemands », observe Pascal Duchêne, directeur de la planification de l'Agence de l'eau Rhin-Meuse. La France s'est en effet retrouvée confrontée à un énorme chantier méthodologique pour caler la surveillance réglementaire. Car si l'évaluation de la qualité de l'eau en France n'a pas cessé de resserrer ses exigences depuis quarante ans, la DCE a malgré tout constitué la marche la plus haute à franchir. « Nous avons longtemps fonctionné avec la grille de qualité de 1971. À la fin des années 1990, ce dispositif a été renforcé avec le SEQ-eau (système d'évaluation de la qualité) qui intégrait aussi un peu de biologie et certains micropolluants. La DCE a accéléré le changement et heureusement, la France avait déjà des indices biologiques pour une première caractérisation de l'état écologique de la DCE. Mais nous nous sommes rendu compte du manque de sensibilité de ces indices pour certains types de pression et du besoin de les améliorer », analyse René Lalement, directeur des connaissances et de l'information à l'Onema. Et c'est certai nement à ce niveau, sur les outils développés, que résident les plus gros progrès accomplis. Concernant l'état écologique, la DCE cible quatre éléments de qualité biologique : poissons, invertébrés benthiques, phytoplancton et phytobenthos, et macrophytes (plantes aquatiques). Selon le type de masse d'eau, lacs, estuaires ou cours d'eau, la directive impose un ou plusieurs indicateurs. « Nous avons commencé les premières évaluations en rivière avec un seul indicateur, l'IBGN (relatif aux invertébrés benthiques). Actuellement, nous en avons une dizaine », souligne Christian Chauvin, ingénieur de recherche à l'Irstea et coordinateur hydrobiologie au laboratoire national de référence pour la surveillance des milieux aquatiques Aquaref. Sur les invertébrés benthiques, l'I2M2 succède à l'IBGN ; l'indicateur poissons IPR a été modifié en IPR+ ; un nouvel indicateur IBMR a été élaboré sur les macrophytes… En dix ans, la boîte à outils « bio » s'est remplie d'indicateurs globaux, plus sensibles aux pressions anthropiques et capables de réagir avec un gradient suffisant pour définir les cinq classes d'état écologique (mauvais, médiocre, moyen, bon et très bon). Mais l'intégration de nouveaux indicateurs ne va pas sans poser de problème pour la continuité de l'évaluation. Leur utilisation révélant mieux les problèmes, l'état résultant des masses d'eau s'en trouve parfois mécaniquement abaissé. « Cela ne signifie pas que l'état se dégrade, mais juste qu'on a pris de meilleures lunettes pour le regarder », explique Christian Chauvin. Pour assurer une transition progressive et éviter que la communication autour de l'atteinte des objectifs DCE ne devienne inaudible pour les gestionnaires locaux, les nouveaux indicateurs ne seront pas utilisés dès le début du deuxième cycle pour le rapportage officiel à l'Europe, mais uniquement comme outils de diagnostic mis à disposition des agences de l'eau. « La bascule réglementaire devrait se faire à mi-parcours du deuxième cycle », estime René Lalement. L'évaluation de l'état chimique relève d'enjeux scientifiques et techniques différents. Elle est déterminée par la concentration dans les masses d'eau d'une liste de substances prioritaires fixée à l'échelle européenne – 33 en 2008, élargie par une directive fille de 2013 à 45 substances recherchées dans les eaux de surface. À chaque micropolluant est asso- ciée une valeur seuil à respecter dite norme de qualité environnementale (NQE). Ces NQE sont également utilisées pour déterminer l'état chimique de l'état écologique pour certaines substances dites pertinentes dont la liste est élaborée à l'échelle nationale. Sur ce premier cycle, Aquaref s'est assuré de la fiabilité des résultats de surveillance, en vérifiant notamment que les limites de quantification des méthodes analytiques sont bien compatibles avec le respect des NQE. « L'aspect prélèvement, qui est crucial aux échelles de travail de la DCE – de l'ordre du micro ou du nanogramme par litre –, où toute contamination peut fausser les résultats, a également été encadré », explique Christine Feray, coordinatrice d'Aquaref et animatrice du volet chimie. De nouveaux supports d'analyse de type biote ont été étudiés pour s'adapter aux évolutions réglementaires apportées au deuxième cycle, et un gros travail a été réalisé sur la codification des données au format d'échange Sandre. Enfin, Aquaref et le Comité national d'experts de priorisation (CEP), mis en place conjointement par l'Ineris et l'Onema, assurent une veille constante sur les polluants émergents. « Nous aidons les pouvoirs publics à définir les listes de substances devant faire l'objet d'études exploratoires. Au vu des résultats, certaines rentrent dans un processus de surveillance régulière sur plusieurs années à l'échelle nationale. Elles pourront intégrer la liste des substances prioritaires à terme lorsque les méthodes analytiques seront disponibles en routine et si la problématique est partagée avec les autres États membres », explique Christine Feray. Ce processus exploratoire a démarré en France en 2011 pour les eaux souterraines et en 2012 pour les eaux superficielles. Un dispositif identique de watch list se met en place à l'échelle européenne. Cycle préparatoire de la DCE, ce premier acte aura donc permis aux experts de caler une méthodologie d'évaluation complexe à l'échelle européenne. « Le processus principal d'intercalibration des indicateurs s'est échelonné entre 2005 et 2012 en deux phases. Durant tout ce temps, nous avons comparé les résultats de nos méthodes, réajusté nos seuils entre États membres, pour être sûrs qu'à Chypre ou au Danemark, nous puissions comparer l'état de nos masses d'eau », rappelle Christian Chauvin de l'Irstea. La bataille pour le bon état écologique peut donc enfin commencer ! Pour envisager l'avenir avec optimisme, le ministère de l'Écologie évoque son plan d'action lancé en juillet 2014 pour « reconquérir la ressource en eau, en quantité et en qualité ». Nitrates, pesticides, micropolluants, algues vertes, économies d'eau, tout y passe, mais les ressources financières ne suivent pas. Sur fond de resserrement budgétaire, l'État a même annoncé des coupes franches sur le budget des agences de l'eau à partir de 2015. Quant aux dossiers polémiques de Notre-Dame-des-Landes et de Sivens, deux mises en demeure ont été lancées en 2014 par la Commission, amorçant les premières procédures contentieuses de l'Europe contre la France sur la DCE. En conséquence, si l'État n'accorde pas rapidement ses paroles et ses actes, le deuxième cycle pourrait se solder par un bilan beaucoup plus lourd que le premier. Alexandra Delmolino
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