Par un arrêté pris le 3 octobre 2014, le préfet de l’Isère a accordé l’autorisation à la SNC Roybon Cottages de construire un centre de vacances Center Parcs dans la forêt de Chambaran. Plusieurs associations de protection de la nature ont formé une demande en annulation devant le tribunal administratif de Grenoble.
Procédure de référé-suspension
Avant que le jugement n’intervienne, ces mêmes associations avaient entamé une procédure d’urgence devant le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble. Par une ordonnance en date du 23 décembre 2014, ce juge a suspendu l’exécution de la décision préfectoral au motif qu’il existait un doute sérieux quant à sa légalité en raison, d’une part, de l’absence de saisine de la Commission national du débat public et, d’autre part, « de l’insuffisance des mesures compensatoires à la destruction et à l'altération de zones humides au regard des exigences fixées » par la loi sur l’eau et le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône-Méditerranée.
Cette ordonnance stoppant brutalement le projet de construction du centre de vacances, la SNC Roybon Cottages formait un recours en cassation devant le Conseil d’Etat. La Haute juridiction a rendu sa décision le 28 juin dernier. Dans son arrêt, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance car il relève d’une part que la Commission national du débat public n’avait pas à être saisie dans la mesure où la décision attaquée a pour objet de « délivrer une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement cité au point 1 et non d'autoriser un projet d'aménagement ou d'équipement au sens des dispositions de l'article R. 121-2 du même code ». D’autre part, le Conseil d’Etat considère que les prescriptions relatives aux mesures compensatoires supplémentaires sont compatibles avec le SDAGE et « notamment avec le respect de la valeur guide de l'ordre de 200 % que celui-ci détermine ».
Jugement sur le recours en annulation de l’arrêté
Pour le tribunal administratif de Grenoble, en vertu des dispositions de la loi sur l’eau, « eu égard à la dispersion et au morcellement des sites de compensation (et) à la distance les séparant de la forêt de Chambaran (…) les remises en état de zones humides envisagées pour compenser l’impact du projet ne peuvent être regardées comme constituant globalement des mesures équivalentes sur le plan fonctionnel et de la biodiversité » et ce même si « la zone humide forestière à détruire représenterait un très faible pourcentage des zones humides de Chambaran et n’aurait qu’une fonction de stockage des eaux pluviales et de soutien des niveaux d’étiage de cours d’eau ».
Ainsi le tribunal administratif annule l’arrêté litigieux en raison de l’incompatibilité du projet avec le principe de compensation. A noter que la cour ne reprend pas l’argument des associations relatif à l’absence de saisine de la Commission nationale du débat public.
Quelle suite au dossier ?
Si beaucoup d’associations de protection de l’environnement se félicitent de ce jugement et le brandisse comme une victoire en faveur de la protection de l’environnement, la SNC Roybon Cottages a d’ores et déjà annoncé son intention d’interjeter appel de la décision. De plus, le tribunal administratif indique dans son jugement que si la « SNC Roybon Cottages identifie préalablement de nouveaux sites et qu’une nouvelle instruction (est) menée par les services de l’Etat », alors peut-être que le projet pourrait voir le jour. Autrement dit l’affaire est loin d’être finie.
Références
TA Grenoble, SNC Roybon Cottages, 16 juillet 2015, n° 1406678, 1406933, 1501820
CE, 18 juin 2015, SNC Roybon Cottages, n° 386971FT, CF/PTet CFLire la décision du TA de GrenobleLire la décision du Conseil d’Etat