Après vingt ans de recyclage, une bouteille en plastique sur deux part encore dans la mauvaise poubelle, direction l'incinérateur. Loin de se lamenter, quelques sociétés y voient la promesse d'un nouveau business : inciter le citoyen à leur rapporter leurs emballages recyclables contre rémunération. « Nous voulons éduquer par le jeu en apportant du plaisir dans le tri. C'est plus important que la récompense, qui est symbolique », se défend Benoît Paget, président de Canibal.
Canibal, comme Lemon Tri ou Reco France, mise sur les quelque 8 milliards d'emballages de boissons consommés hors foyers, chaque année en France. Ce qui représente entre 100 000 et 120 000 tonnes de plastique, d'aluminium ou d'acier. Terradona se positionne, quant à elle, sur les emballages concernés par la collecte sélective, en récompensant le geste de tri dans des conteneurs d'apport volontaire. Toutes ont développé une technologie de reconnaissance de la nature de la bouteille ou de la canette, qui active une gratification si le tri est juste.
Pour cela, les emballages sont déposés, un par un, dans une machine. Un écran assure l'interface avec le trieur, délivrant un message pédagogique (bon ou mauvais tri, voire d'autres suggestions d'écogestes), et un jackpot.
Car on ne gagne pas à tous les coups ! La plupart du temps, des coupons de réduction sont à empocher. « En plus du bon, décidé avec chaque client, Lemon Tri reverse un centime par canette ou bouteille à une association », indique Laura Boutonnet, sa directrice commerciale. Reco France est plus direct : pour chaque bouteille déposée dans son kiosque, le trieur repart avec deux centimes à dépenser dans la grande surface partenaire. L'idée séduit. Canibal et Lemon tri ont déjà installé quelque 120 machines, essentiellement dans des sièges de grandes entreprises et des établissements scolaires. Reco France mise sur les parkings de supermarchés (25 kiosques ouverts). Et Terradona teste son concept à partir de cet automne à Marseille et Aix-en-Provence. Le potentiel de Reco France a été estimé suffisamment stratégique pour que Suez rachète l'entreprise en 2014. « Reco France fait maintenant partie de l'offre de Suez. Notre objectif est de doubler les quantités triées et recyclées sur nos lignes en cinq ans », rappelle Cyril Fraissinet, directeur général adjoint de l'activité recyclage et valorisation chez Suez France.
Le concept séduit aussi les investisseurs, au vu des levées de fonds en cours chez Terradona (un million d'euros cherché pour fin 2015), et Canibal (3 millions, bouclés à 70 %) ou réalisées : Lemon Tri a ainsi levé 500 000 euros en 2014. Quelle effi-cacité ? « Chez un de nos clients, la consommation des gobelets à eau a diminué de 30 % après l'installation de notre machine », note fièrement Benoît Paget. Terradona estime son impact en termes de coût : « Nous facturons le service à la collectivité 1,50 euro par habitant et par an, et notre système en génère 3 », argumente Jean-Marc Toubiana, président de Terradona. Mais pour autant, gare aux mirages. Cité Green, qui avait aussi misé sur la récompense du geste de tri et noué un partenariat avec la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest (92) a mis la clé sous la porte en juillet dernier.