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EAU

E blocage français

PUBLIÉ LE 1er OCTOBRE 2015
LA RÉDACTION
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Le magazine des professionnels de l’eau et de l’assainissement.
Quand la raréfaction de la ressource en eau et l'augmentation de la demande se conjuguent, les eaux non conventionnelles sont des ressources alternatives capables de fournir de gros volumes. Les eaux usées épurées, notamment, constituent la seule ressource qui augmente avec la croissance des besoins. Ces solutions locales peuvent satisfaire des usages pour lesquels on n'a pas nécessairement besoin d'eau potable, comme l'irrigation agricole, l'arrosage de parcs et de golfs, des usages urbains, industriels, la recharge de nappes. Elles permettent ainsi de réserver l'eau potable aux utilisations indispensables. Le recyclage des eaux usées traitées est la partie immergée de l'iceberg pour l'utilisation d'eaux non conventionnelles. Cette pratique est développée un peu partout dans le monde : en Israël, Californie, Australie, Espagne, Tunisie, à Chypre, dans les pays du Golfe… À Windhoek, en Namibie, l'eau usée est même recyclée à grande échelle pour produire de l'eau potable, preuve qu'il n'y a pas de limite technique à ce principe. Toutefois, un trai-tement permettant d'atteindre un très haut niveau de qualité bactériologique coûte cher et n'est viable économiquement qu'en l'absence d'alternative moins coûteuse. En France, on compte une quarantaine d'opérations de réutilisation d'eaux épurées : dans les îles de Ré, Noirmoutier, Oléron, Porquerolles, à Clermont-Ferrand, Pornic, Saint-Maxime ou au Guilvinec. Selon une note de synthèse du Commissariat général au développement durable (CGDD) de juin 2014, cela représenterait un volume moyen journalier d'eaux recyclées de 19 200 m3 , contre 931 000 m3 pour l'Espagne et 958 000 m3 pour Israël. L'utilisation d'autres types d'eaux (grises, brutes, d'exhaure), en revanche, est pour l'instant quasiment bannie, excepté pour des appliquations industrielles. Il faut rappeler que le Code de la santé publique impose l'usage d'une eau potable pour les usages domestiques intérieurs (art. R.1 321-1). En extérieur, quelques rares opérations parviennent à se mettre en place. Comme à Dijon, où la pelouse et les arbres sur le trajet du nouveau tram sont arrosés avec des eaux d'exhaure provenant d'une remontée de nappe dans un parking souterrain. À l'heure de la construction de la ville, pourquoi l'essor de telles solutions est-il bloqué en France ? Première raison : le territoire ne connaît pas de réelle pénurie durable de ses ressources en eau. « Toutefois, certaines zones (îles, petits bassins-versants, nappes de capacité limitée) manquent de ressources en quantité et qualité suffisantes pour faire face à leurs besoins, expose François Brissaud, professeur à l'université Montpellier-II. D'autant que le développement des cultures irriguées, le maïs notamment, exacerbe la compétition pour l'accès aux ressources en eau, au risque d'épuiser certaines nappes ou cours d'eau. » D'autres acteurs considèrent que la réglementation en vigueur sur la réutilisation des eaux usées épurées est le principal obstacle à la réutilisation. Il faut rappeler qu'avant 2010, la situation réglementaire était floue : le principe était acté par l'article R. 211-23 du Code de l'environnement. Mais le projet d'ar-rêté devant définir les conditions de mise en œuvre a été plusieurs fois repoussé et remanié en quinze ans. Finalement, l'arrêté du 2 août 2010 sur l'utilisation de ce type d'eau pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts a autorisé l'irrigation gravitaire ou par goutte-à-goutte. Il a défini quatre catégories d'usage des eaux traitées en fonction de leur niveau de qualité sanitaire. La plus exigeante, la catégorie A, permet l'irrigation de cultures maraîchères non transformées et l'arrosage d'espaces verts ouverts au public (comme les golfs) ; la moins exigeante, la catégorie D, concerne l'irrigation de forêts d'exploitation avec un accès contrôlé du public. En revanche, l'arrêté de 2010 n'autorisait l'irrigation par aspersion, la plus adaptée aux espaces verts, golfs et zones de grande culture agricole, qu'à titre expérimental et sous condition (instruction préalable par l'Anses, résultats d'essais pilotes menés à échelle réduite pendant six mois). Après que l'Anses eut rendu, en 2012, une expertise très attendue, un arrêté modificatif du 25 juin 2014 est venu supprimer le dossier de demande d'expérimentation pour l'irrigation par aspersion, le remplaçant par des prescriptions techniques. Il a imposé des contraintes de distance, de terrain, de vent et proscrit l'accès du public au site jusqu'à deux heures après l'irrigation. Enfin, il a prévu que les opérations autorisées s'adaptent à ces obligations sous deux ans, donc en juin 2016. Récemment, les ministères auraient toutefois laissé entendre que cette échéance serait repoussée. Pour l'Union nationale des industries et entreprises de l'eau et de l'environnement ( UIE), la refonte de cette réglementation est urgente « Aujourd'hui, elle met en danger une filière industrielle qui a des savoir-faire et des techniques maîtrisées et de forts enjeux à l'international, déplore Wladimir Gauthier, secrétaire général de l'UIE. Alors que cette pratique est largement développée en Europe et dans le monde et que la quarantaine d'installations en fonctionnement en France depuis vingt ans n'ont présenté aucun risque avéré, la réglementation de 2010 et de 2014 a stoppé net tout nouveau projet et mis en péril le maintien des installations existantes. » Selon une simulation réalisée à l'initiative d'Irrigants de France, l'application des arrêtés à l'opération historique de la Limagne noire (voir encadré p. 26), près de Clermont-Ferrand, conduirait à une réduction de 30 à 40 % des surfaces actuellement irriguées. Avec Irrigants de France, la FP2E, Syn-tec-Ingénierie, la Fédération française de golf et d'autres acteurs, l'UIE a rédigé des propositions de révision. Elles préconisent le renforcement de la sécurité des qualités A et B, proches des niveaux de qualité des eaux de baignade et compatibles avec la majorité des usages, les qualités C et D étant réservées à des usages spécifiques sans aspersion et ne présentant pas de risque pour la santé et l'environnement. Ces professionnels recommandent, en outre, de définir une qualité d'eau ultra-pure A+, pour des usages très sensibles. Invoquant la variabilité de la qualité des eaux brutes et les incertitudes de mesure, ils souhaitent abandonner le principe de « l'abattement en log » pour trois paramètres (entérocoques fécaux, phages ARN F-spécifiques et spores de bactéries) au profit de limites exprimées en concentration. Ils demandent également la révi-sion des contraintes de moyens (vent, distance, matériel d'irrigation, etc.) qui sont « impossibles à appliquer sur le terrain, incontrôlables et inopérantes d'un point de vue sanitaire ». « Par exemple, une vitesse de vent supérieure à 15 km/heure pendant dix minutes doit déclencher automatiquement l'arrêt de l'irrigation par aspersion, explique Valentina Lazarova, experte en réutilisation des eaux usées au Cirsee, le centre de recherche de Suez. Une telle chose n'est imposée nulle part ailleurs. Le respect de cette disposition a un coût significatif et condamne quasiment l'irrigation en zone un peu ventée, côtière par exemple. Tout cela, sachant que la mesure précise locale du vent est un défi (phénomènes de mini-bourrasques, etc.). » Ces propositions prévoient aussi la simplification des démarches administratives et l'allègement du dossier d'autorisation, la clarification des responsabilités des différents acteurs et l'élargissement du champ d'application de l'arrêté à d'autres usages (lavage des voiries, lutte contre les incendies, restauration de zones humides) avec des critères de qualité d'eau définis pour chacun d'eux. Elles ont été présentées dans le cadre du groupe « eau » du Comité de filière des éco-industries (Cosei). « Ce qui est sur la table est raisonnable et responsable », estime Wladimir Gauthier. Les ministres de l'Écologie et de l'Économie ayant annoncé, le 2 avril, leur volonté de réviser cette réglementation, les discussions ont commencé au sein d'un groupe de travail associant les ministères et les parties prenantes. « La réglementation actuelle est justifiée s'agissant des bactéries, virus et parasites, y compris l'exigence d'abattement microbiologique sur trois paramètres, estime un expert reconnu. Les industriels dénoncent une réglementation trop contraignante et, en même temps, ils sont dans une surenchère pour vendre de l'équipement de traitement super-performant. Le souci, c'est qu'il n'y a aucun intérêt à utiliser de l'eau usée plus chère que de l'eau potable. En revanche, il y a en effet actuellement un excès de prudence dans la réglementation en vigueur s'agissant des contraintes de distance, la restriction d'accès deux heures après l'irrigation… » La FNCCR, qui est membre du groupe de travail, a adopté une position nuancée. « Il est vrai que certaines dispositions dans la mise en œuvre de l'aspersion ont un caractère très contraignant, constate Laure Semblat, chargée de mission à la FNCCR. « Dans le but de voir les contraintes allégées, les industriels proposent d'aller vers de l'ultra-qualité d'eau », souligne-t-elle. « Sans être opposés à la création d'une telle catégorie de qualité d'eau associée à des contraintes moins sévères, nous ne souhaitons pas qu'elle devienne la référence imposée. Elle implique en effet d'investir dans des unités extrêmement performantes, renchérissant ainsi le coût de production de l'eau réutilisable », continue-t-elle. « De plus, imposer une qualité A+ pourrait conduire à remettre en cause l'équilibre économique des installations existantes, dont le maintien est l'une de nos préoccupations premières. Sachant que les contraintes fixées sont liées principalement à la méconnaissance des risques liés à la projection de particules dans l'air (aérosols), nous souhaitons surtout qu'un effort soit produit pour améliorer le niveau de connaissance sur le sujet, ce qui permettrait peut être, in fine, de s'affranchir de certaines barrières de sécurité sanitaire qui se révéleraient injustifiées », conclut-elle. Paradoxalement, alors que l'on réglemente l'irrigation à partir d'eaux usées épurées avec un maximum de prudence par crainte du risque sanitaire, ce souci est absent pour l'irrigation à partir d'eaux de rivière. « Or il a été démontré que les eaux en sortie de stations d'épuration peuvent être nettement moins chargées en pathogènes que des eaux de rivière, soulève Nicolas Condom, directeur du cabinet de conseil Ecofilae. Il faut prendre conscience qu'il y a une contradiction à, d'un côté, installer la réglementation du futur en encadrant strictement le sujet et, de l'autre, continuer à considérer l'irrigation avec de l'eau de rivière comme anodine. » Sur les eaux grises, qui sont des eaux savonneuses issues des lavabos, douches, lave-linge (et éventuellement de cuisine), la situation est encore plus bloquée puisque, en France, leur utilisation n'est aujourd'hui pas permise, sauf dérogation. Le CSTB a conduit des expérimentations sur le sujet, notamment sur les risques environnementaux en irrigation d'espaces verts urbains. Elles concluent que l'utilisation d'eaux grises brutes a des effets négatifs sur la qualité du sol, des percolats et de la pelouse, sans avoir constaté de différences significatives entre les parcelles irriguées avec de l'eau potable ou avec des eaux grises traitées. En mai 2015, l'Anses a rendu un rapport sur l'évaluation des risques sanitaires liés à la réutilisation d'eaux grises traitées. L'agence juge les données disponibles insuffisantes pour caractériser de manière rigoureuse les dangers liés aux contaminants physicochimiques et microbiologiques de ces eaux et les niveaux d'exposition liés aux différents usages. Elle admet que la réutilisation des eaux grises, si elles sont traitées préalablement, est envisageable pour trois usages (chasse d'eau des toilettes, arrosage sauf potager et usages agricoles, lavage extérieur sauf nettoyeur à haute pression qui risquerait de générer des aérosols). Mais elle recommande de ne l'autoriser que dans le cas de pénuries d'eau sévères et répétées, avec une mise en œuvre strictement encadrée, et moyennant, pour chaque projet, une analyse de risques. Pendant ce temps, la Californie, déjà avancée sur la réutilisation des eaux usées épurées, et confrontée à la sécheresse la plus grave de son histoire, a accéléré l'assouplissement de son cadre réglementaire pour permettre la réutilisation des eaux grises. Par ailleurs, l'Australie et l'Allemagne réutilisent des eaux grises pour l'alimentation des chasses d'eau et pour l'arrosage extérieur à l'échelle d'un quartier. Enfin, les cas d'utilisation d'eaux brutes pour des usages non potables sont pour l'instant très limités en France. Ceux qui existent sont généralement liés à une infrastructure héritée de l'histoire, que les autorités sanitaires ont maintes fois tenté de faire disparaître. C'est le cas à Paris. La ville entend d'ailleurs optimiser ce réseau historique d'eau non potable, utilisé à l'heure actuelle, par exemple, pour le nettoyage des rues. Eau de Paris vient d'adopter son schéma directeur d'utilisation de l'eau non potable (voir édito). Il devrait prévoir un développement des usages et une diversification des approvisionnements. Pour constituer ce « cocktail d'eaux », il est envisagé, entre autres, d'expérimenter une alimentation par des eaux d'exhaure de la RATP, des eaux de piscine, des eaux usées traitées issues de la station de Valenton et des eaux pluviales. Un plan d'investissement de 60 millions d'euros sur le réseau est prévu. La capitale n'est toutefois pas un cas unique en France : le syndicat de l'eau du Dunkerquois distribue lui aussi des eaux brutes simplement dégrillées et tamisées à des industriels (ArcelorMittal, centrale nucléaire de Gravelines…) grâce à un réseau de 53 kilomètres créé dans les années 1970. Il transporte 25 millions de mètres cubes par an, contre 12 millions de mètres cubes dans les 1 400 kilomètres du réseau d'eau potable. Fabienne Nedey
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