Dans le domaine des friches industrielles et des sites et sols pollués, la contamination des eaux souterraines par des produits organochlorés est fréquente et représente un enjeu fort sur le plan national. Ces pollutions génèrent des impacts négatifs à l'extérieur des sites contaminés et des friches. Elles dégradent durablement l'état des sols et des eaux souterraines et limitent l'usage et la reconversion de ces espaces dégradés (restriction d'usage de l'eau, fermeture de points de captage, freins à la reconversion de friches, risques sanitaires). Elles se dispersent à partir de leur zone source, selon des panaches de contamination qui peuvent présenter des dimensions particulièrement importantes, ce qui complexifie leur traitement.
C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet Silphes (solutions innovantes de lutte contre les produits halogénés dans les eaux souterraines) qui regroupe, aux côtés du BRGM, un industriel (Solvay), des organismes universitaires et de recherche (Laboratoires Chrono-environnement et Utinam de l'université de Franche-Comté), des entreprises de dépollution (Serpol, Sol Environment), des bureaux d'ingénierie (Intera, Mahytec, Soldata Geophysic), ainsi que des fournisseurs (Biorem Engineering).
Ce projet de type « démonstrateur technologique » est soutenu par l'appel à manifestation d'intérêt piloté par l'Ademe. D'une durée de trois ans et demi, entre 2013 et 2017, et doté d'un budget total de 3,5 millions d'euros, il représente l'un des projets de recherche les plus importants dans le domaine des sites et sols pollués en France. Basé sur une recherche appliquée, il se focalise sur le développement et l'expérimentation de solutions innovantes de dépollution in situ. Silphes est un projet programmé dans le cadre de la stratégie recherche développement innovation, intégrant plusieurs démonstrateurs qui permettent de valider les technologies à l'échelle industrielle. Les démonstrateurs technologiques sont accueillis sur le site de Solvay, à Tavaux, dans le Jura.
Dans ce cadre, des techniques de dépollution innovantes et des outils et méthodes de caractérisation sont développés afin de proposer des solutions compétitives et performantes pour faciliter le traitement des eaux souterraines contaminées par des produits organochlorés. Pour ce faire, le projet s'organise notamment autour de deux axes fondamentaux et complémentaires.
L'axe 1 se focalise sur le traitement de la zone source de contamination. Les travaux visent à développer des techniques pour optimiser et accélérer le traitement de la zone source (phase libre de produits organiques), et d'augmenter l'efficacité du traitement de contaminants récalcitrants. Différents procédés innovants sont mis en œuvre selon des échelles représentatives de conditions réelles de fonc-tionnement : pompage sélectif optimisé, oxydation et réduc-tion in situ à l'aide de réactifs catalysés et spécifiquement « enrobés », extraction amélio-rée de polluants et vectorisation de réactifs par l'intermédiaire de mousses, lavage des sols à l'aide de tensioactifs, injection par différentes méthodes (jet grouting, deep soil mixing). Ces procédés seront appliqués au sein de quatre casiers étanches de dimensions importantes (10 x 10 x 12 m), ancrés dans le substratum, et ils seront associés à des moyens de diagnostics et de caractérisation permettant de piloter les traitements et d'évaluer leurs performances : mesures géophysiques en forage, tests PITT (Partitioning Interwell Tracer Test) associés à une modélisation.
L'axe 2 est consacré au traitement de la zone de panache de produits dissous, via un volet sur le diagnostic et un autre sur le traitement. Différents outils et méthodes testés, comme le phytoscreening, visent à optimiser le diagnostic environnemental et à dimensionner, suivre et piloter les procédés de dépollution par atténuation naturelle ou naturelle dynamisée, ou encore par biostimulation (mesure de ratios isoto-piques). Différents procédés innovants de traitement sont également développés, en vue d'optimiser et d'accélérer la dépollution du panache. Ces traitements sont mis en œuvre selon des conditions proches de conditions réelles (biostimulation par injection de source carbonée ou d'hydrogène vectorisé par de la mousse, réacteur de réduction représentatif d'un fonctionnement de barrière perméable réactive). Les essais sont réalisés à l'échelle du laboratoire, puis intègrent des étapes de changements d'échelle jusqu'au terrain. Les différentes techniques mises au point sont comparées aux techniques du marché, via une analyse technico-économique et une analyse multicritère, afin de présenter leurs avantages et leurs inconvénients par rapport à l'existant.
Le projet Silphes entre dans sa troisième année. Il a déjà obtenu des résultats prometteurs qui ont fait l'objet de valorisation sous forme d'articles, de colloques et de mise au point abouties de techniques de dépollution et de diagnostics.