Dans le Gard, l’eau distribuée issue de la nappe de la Vistrenque est particulièrement riche en calcaire (> 30°F). Or, au-delà des nuisances pour les abonnés, le calcaire a aussi un goût et un coût car il détériore les appareils électroménagers et augmente leur consommation d’énergie. Suite à une étude indiquant que 69 % des habitants n’étaient pas satisfaits par la teneur en calcaire de l’eau du robinet, le Syndicat des eaux de la Vaunage qui alimente les communes de Calvisson, Boissières, Congénies et Nages-et Solorgues mais aussi une partie de la métropole de Nîmes, soit plus de 20 500 habitants, a décidé de mettre en place une filière de traitement collectif du calcaire pour remédier au problème.Après étude et comparaison des filières de traitement, le syndicat a opté en 2011 pour le procédé d’électro-décarbonatation Erca² breveté par son délégataire Suez. Des tests en laboratoire réalisés par le Cirsee, principal centre de recherche de Suez, ont permis de valider l’adéquation de cette technologie à l’atteinte des objectifs de décarbonatation.Ce procédé réalise une précipitation accélérée du carbonate de calcium au sein d’un système de polyélectrodes grâce à un champ électrique spécifique (électrolyse) qui permet la transformation des ions bicarbonates en carbonates. Les carbonates s’associent ensuite au calcium provoquant une germination et une cristallisation du carbonate de calcium. Les gros cristaux formés sont amorphes et se forment au voisinage des cathodes. Ces cristaux sont ensuite décrochés par vibration par soufflage à l’air lors de phases d’arrêt de production de courtes durées programmées à intervalle régulier. Les cristaux vont alors sédimenter dans la partie basse du réacteur en forme de trémie avant d’être extraits automatiquement par un système d’électrovannes piloté par un automate pour des séquences d’environ 30 minutes. Ce système d’extraction automatique mis en place sur les réacteurs Erca² de La Vaunage était une première mondiale à l’échelle industrielle pour Suez.Mise en service en février 2013 après un an de travaux, l’unité de décarbonatation d’une capacité nominale de 400 m3/h traite environ 2 000 000 m3 d’eau par an à travers ses 5 réacteurs de 80 m3/h chacun. L’unité a été positionnée entre les forages et la bâche de désinfection existants initialement. Le traitement a permis de réduire de 10°F la dureté et l’alcalinité de l’eau produite en la ramenant à 20°F. En 3 ans, prés de 5 700 000 m3 d’eau ont été décarbonatés et environ 625 tonnes de calcaire extraites (environ 200 tonnes par an). Ce calcaire est valorisé en remblais de chantier par une société locale de granulats.Suez a également travaillé à l’optimisation du procédé Erca² afin de diminuer son empreinte environnementale. Par exemple, la consommation énergétique du procédé a été réduite en limitant la puissance appliquée aux électrodes. Les séquences d’extraction ont été optimisées pour éviter la formation d’une croute de calcaire trop importante créant de la résistance sur les électrodes lors du cycle de production. La puissance a aussi été régulièrement ajustée en fonction des variations de qualité d’eau brute et du niveau de décarbonatation cible. La consommation énergétique spécifique de l’unité de décarbonatation a ainsi été réduite de 25 % depuis 2014, soit une économie de 400 MWh par an.Cette filière de traitement n’utilise ni réactifs chimiques ni saumure et ne produit pas de rejets liquides, ce qui facilite son exploitation. La maintenance quotidienne est assurée par un agent chargé de suivre l’installation et son instrumentation. En outre, une opération de maintenance des électrodes est réalisée par deux agents une à deux fois par an pour éliminer le calcaire restant accumulé sur les électrodes et dans les trémies. Les réacteurs sont alors nettoyés un par un en période de faible consommation d’eau pour maintenir la production d’une eau décarbonatée durant toute la durée de l’opération. Suez travaille aujourd’hui à la diminution de la fréquence et de la durée de cette phase qui peut prendre jusqu’à 5 semaines. Un système automatique à l’air est notamment à l’étude pour nettoyer en continu les électrodes pendant le cycle de production. Cette amélioration permettrait d’accroître la performance mais aussi de réduire la consommation énergétique de l’installation en éliminant l’effet de résistance du tartre sur les électrodes qui sera décroché instantanément et non plus périodiquement.Pour le syndicat de La Vaunage, l’impact sur le prix de l’eau est resté en outre modéré avec une augmentation du prix facturé aux abonnés de 0,28 euros/m3 liée à la mise en place de la décarbonatation. En France, une vingtaine d’unités de décarbonatation sont actuellement exploitées par Suez avec cette technologie. Celle-ci présente d’autre part des pertes en eaux très faibles (inf. à 1 %), ce qui représente un avantage dans un secteur où la ressource en eau est limitée et précieuse.