C'est un projet extrêmement ambitieux qui démarre dans la lagune de Venise. Imaginez plutôt : un écosystème de robots va réaliser un monitoring environnemental de la lagune. Le projet européen SubCULTron, lauréat d'un appel à projets Horizon 2020, vise à créer trois populations de robots autonomes et complémentaires. Des plateformes nénuphars « A-pads » flotteront en surface, alimenteront et collecteront les données issues de bancs de poissons artificiels baptisés « A-fishs », qui circuleront dans la lagune. Enfin, au fond de l'eau, des moules artificielles instrumentées, les « A-mussels » enregistreront des données physicochimiques et biologiques (algues, poissons, etc.) qu'elles transmettront aux poissons et aux nénuphars.Les données collectées permettront de mieux comprendre les impacts des activités humaines sur la lagune. Au total, près de 120 robots seront déployés. « A la différence d'un réseau de capteurs, des robots se caractérisent par leur capacité d'action. Les poissons vont par exemple pouvoir déplacer les moules, collecter et transférer des informations. Il s'agit de créer un écosystème autonome dans ses décisions et capable développer une culture propre », précise Frédéric Boyer, chercheur au sein de l'UMR IRCCyN à l'école des Mines de Nantes, l'un des partenaires du projet coordonné par l'université de Graz, en Autriche. Les robots s'appuient sur des algorithmes bioinspirés, copiés sur des mécanismes d'intelligence collective mis en place par des espèces animales comme les abeilles. Des prototypes de chaque groupe de robots sont déjà en test depuis avril 2016.L'école des Mines de Nantes intervient sur la problématique de communication et de déplacement des robots. « Les eaux de la lagune sont extrêmement troubles, encombrées et de faible profondeur. Les systèmes classiques comme l'utilisation de caméras sont inopérants. Nous avons donc développé un système inspiré par le comportement des poissons électriques. Ils génèrent des champs électriques pour localiser les obstacles et communiquer », précise le chercheur. Le système est déjà opérationnel en eau douce, il reste maintenant à le transposer dans l'eau salée. L'un des défis sera aussi de garantir l'autonomie énergétique de l'écosystème. Les nénuphars, équipés de cellules photovoltaïques, pourraient ainsi alimenter les poissons et les moules. « C'est un projet très futuriste », ajoute Frédéric Boyer. Le projet durera quatre ans et est doté d'un budget de 4 millions d'euros.Pauline Rey-Brahmi