L'alerte remonte à 2011 : dans le Bordelais, des nappes phréatiques sont contaminées par des sels de perchlorates, des composés chimiques très solubles issus de l'industrie militaire, qui altèrent le fonctionnement de la thyroïde. Bientôt, on en trouve également en Champagne-Ardenne, dans le Nord… C'est l'histoire de cette pollution oubliée qu'a reconstitué, en cinq années de recherches, Daniel Hubé. Géologue au sein du BRGM, il a remarque que les zones polluées se superposent parfaitement à la ligne de front de la première guerre mondiale… C'est le début d'une enquête détaillée dans l'ouvrage « Sur les traces d'un secret enfoui – enquête sur l'héritage toxique de la grande guerre » qui va l'emmener à la fois dans les archives et sur le terrain.Car il n'y a pas une, mais plusieurs pollutions. Tout d'abord, celle liées aux munitions qui n'ont pas explosé, et reposent encore dans le sol. Un milliard d'obus auraient été tirés – il faut y ajouter les « projectiles de tranchées, d'avions, les munitions d'infanterie et les munitions chimiques ». De nombreux composés toxiques ont été utilisés, à base d'arsenic, de phosgène, d'acide cyanhydrique, du TNT, etc. Or, selon les recherches du géologue, 200 à 300 millions des obus n'auraient pas fonctionné, menant à... 4 800 tonnes d'explosifs introduits dans le sol.Dans son enquête, Daniel Hubé découvre également que l'emploi d'engrais azotés en provenance du Chili, et contaminés par des perchlorates, ont notamment pu contaminer les nappes phréatiques de la Beauce. Ensuite, la pollution liée à la destruction des munitions non-utilisées. Plusieurs usines ont été construites pour cette tâche de « désobusage ». Si la mémoire les a oubliées, le sol, lui en porte encore les marques, et désormais, les nappes phréatiques.« Or, si « les parois les plus fines [des munitions] ont déjà perdu leur intégrité », « la grande majorité (…) possède des parois épaisses qui résisteront encore des siècles. Ne faut-il pas voir là une bombe à retardement ? », interroge l'auteur. Sans compter que le perchlorate « n'est que la partie émergée d'un l'iceberg qui se dénomme « réservoir chimique de la grande guerre ». D'autres pollutions doivent être recherchées. Et Daniel Hubé s'y attelle.Albane Canto