Vous avez été désigné comme rapporteur spécial et porte-parole de la communauté internationale de l'eau lors de cette COP22. En quoi cela consiste-t-il ?Loïc Fauchon : A la fin de chaque COP, un rapport est réalisé par secteur devant le secrétaire général de l'ONU et les chefs de gouvernement. Pour la première fois, nous avons eu l'opportunité d'en produire un sur l'eau et j'ai été désigné rapporteur spécial pour présenter ce rapport au nom de la communauté mondiale de l'eau. L'eau a-t-elle désormais pris sa place dans les COP ?LF : A la COP21, tous les leaders politiques étaient tournés vers l’atténuation. La COP22 a été plus tournée vers l'adaptation, l'Afrique et l'agriculture. Et l'eau est un sujet majeur pour ces trois thématiques. Il y a eu un jour et demi thématique organisé à la COP22. Et l'eau a jailli dans toute une série d'autres événements, ce qui lui a donné une place centrale durant la première semaine. De plus, la communauté de l'eau est venue nombreuse, avec environ 1500 personnes. Nous sommes satisfaits de la prise en compte du sujet.Quels sont les constats qui ont été dressés ?LF : Deux ou trois évidences ont été mises en avant. Le lien entre l'eau et l'énergie, qui est désormais bien ancré dans la tête des leaders politiques. L'eau a besoin d'énergie et inversement. Avoir une bonne maîtrise de l'utilisation des énergies alternatives est indispensable pour étendre l'accès à l'eau, là où les énergies classiques sont coûteuses et aléatoires. Il y a aussi eu une affirmation des politiques de bassin (au niveau international, national ou régional). C'est la bonne échelle pour travailler. Plus d'une centaine de pays fonctionnent avec une politique de bassin. C'est aussi important en matière de financements. Mais il faut compléter la mise en œuvre de ces politiques par une alliance que j'appelle la « five fingers alliance » entre l'eau, l'énergie, l'alimentation, la santé et l'éducation. Ces cinq secteurs nécessitent des démarches communes sur le terrain. Il faut régler tous ces problèmes, avec une même autorité et si possible un financement commun. Quelles sont les propositions majeures qui ont été présentées ?LF : Tout d'abord à travers l'initiative « Water for Africa » (Mouvement des pays africains lancé en juillet 2016, ndlr), nous souhaitons la création d'un « water and energy hub ». Les pays les plus pauvres sont condamnés à la double peine : ils ont des projets mais pas les moyens juridiques, techniques, financiers de les mettre en œuvre pour candidater à des fonds pour le climat. Les projets sont trop complexes à monter. Ce hub est donc une initiative du Maroc pour permettre de rendre ces projets éligibles grâce à un collectif d'experts. Par ailleurs, un réseau des parlementaires liés à l'eau a été lancé porté par le CME (voir notre article à ce sujet). Il constituera un bureau d'aide et de partage sur les questions des parlementaires et l'eau. Quelles sont les actions à venir ?LF : Nous avons travaillé pendant un an à la réalisation du Livre bleu sur l'eau et le climat qui a été présenté lors de cette COP. Il va être complété par les discussions que nous avons eu. Il va falloir le rendre le plus concret possible. C'est maintenant plus le temps des acteurs que celui de l'action. Ils sont identifiés et il existe une vraie volonté de travailler ensemble. Pour faciliter l'accès à l'eau il faut disposer de ces trois piliers : finances, connaissances et gouvernance. Il faudra se donner du temps pour y arriver tout en maintenant la pression autour de cette thématique. Il faut être très vigilant à ce que les acteurs sortent du discours et mettent les solutions sur la table. 90 % des solutions existent mais il faut les mettre en musique. Pauline Rey-Brahmi