Pourquoi l'agence a-t-elle souhaité lancer un appel à projets autour de cette thématique ?Katy Pojer : Depuis le début du dixième programme nous aidons la réutilisation des eaux usées traitées que cela soit des études ou du financement de travaux à hauteur de 80 % sur les territoires déficitaires. Malheureusement, malgré ce taux très incitatif, nous avons financé très peu de projets. Dans le cadre de notre plan d'adaptation au changement climatique, cette thématique est pourtant particulièrement importante. La réutilisation des eaux usées permet d'économiser la ressource et de réduire la pollution dans le milieu puisque l'on réduit les rejets au milieu naturel. C'est un secteur auquel nous croyons. L'appel à projets constitue l'outil parfait car il permet à la fois de communiquer sur la thématique et de lever les blocages. En effet, il y a de nombreux a priori sur la réutilisation que cela soit de la part de particuliers ou même parfois au niveau des services de l’État.Vous avez donc organisé une journée technique sur cette thématique en mai dernier à Montpellier ? Plus de 200 personnes ont assisté à la journée, essentiellement des collectivités. Cela a permis de faire témoigner des collectivités exemplaires comme Sainte-Maxime. Cela fait 10 ans que les eaux usées traitées par la station d'épuration permettent l'arrosage du golf. 300 000 mètres cubes d'eaux usées traitées sont réutilisées et il y a 20 % d'apports de fertilisants en moins. Ces exemples réussis prouvent que si la technique est bien maîtrisée ce n'est pas dangereux. Les collectivités doivent se lancer pour s'adapter aux enjeux climatiques de demain en particulier sur nos bassins. Où en est la réglementation aujourd'hui ? Constitue-t-elle un frein ?Certes la réglementation peut sembler bloquante mais elle est nécessaire pour garantir la sécurité sanitaire. En France, autant de projets ont vu le jour avant qu'après sa mise en œuvre en 2010. Une instruction interministérielle a été publiée cette année pour réexpliquer le contenu de l'arrêté afin d'éviter le blocage de projets par simple méconnaissance. Elle met aussi en avant le rôle des DDT comme porte d'entrée pour la gestion des autorisations. En parallèle au niveau européen, une consultation a été lancée pour harmoniser les pratiques sur les normes de qualité qui permettent la réutilisation. Une réglementation devrait sortir en 2017.Quelles étaient les particularités de financement pour cet appel à projets ?Nous avons ouvert les aides pour les études d'opportunités ou les travaux de mise en œuvre des systèmes de réutilisation (traitement et réseaux) à l'ensemble du territoire mais avec un financement de 50 % en zone non déficitaire. Par ailleurs, nous avons ouvert les aides à des pilotes pour des usages non réglementés par l'arrêté du 2 août 2010. Quel bilan en faites-vous ?Nous avons reçu beaucoup de candidatures - 55 dont 47 éligibles - et cela constitue une vraie réussite. Sur les 47 projets retenus, 14 dossiers sont pris en charge par le dixième programme. Ils ne sont encore pas tous instruits mais cela représente un montant entre 9 et 12 millions d'euros. C'est une bonne surprise car nous avions reçu peu de projets jusque là. Quant aux 33 dossiers éligibles à l'appel à projets, ils représentent entre 6 et 10 millions d'euros d'aides. Parmi eux, il y a 9 pilotes sur des usages non réglementés. On trouve aussi 18 études d'opportunité et 20 projets de travaux pour des usages autorisés. Au total nous allons mobiliser entre 15 et 20 millions d'euros d'aides.Quels sont les types de projets pour les usages non réglementés ?Il y a des collectivités comme Cavalaire-sur-Mer qui réutilise déjà des eaux usées traitées pour l'arrosage d'espaces verts de la commune. Mais cela n'est pas suffisant car les traitements sur les eaux usées coûtent cher. Pour rentabiliser, il faut que le volume réutilisé soit important. Le pilote tentera de démontrer que l'on peut garantir la sécurité sanitaire pour le nettoyage des véhicules municipaux. Nous avons aussi des stations de ski. Valberg et la communauté de communes de la vallée de Chamonix Mont-Blanc souhaitent utiliser les eaux traitées pour produire de la neige artificielle plutôt que de l'eau potable. Des mesures bactériologiques sont prévues dans le sol et la neige pour étudier l'impact sanitaire. Nous finançons aussi des pilotes portés par des organismes de recherche comme par exemple l'Irstea afin d'étudier l'impact de l'utilisation des eaux usées traitées dans les dispositifs d'irrigation en termes de colmatage ou de qualité de l'eau. Enfin, il y a aussi des projets de pilotes sur de petites collectivités en Corse notamment. Il s'agit par exemple d'arroser une oliveraie par des eaux usées traitées par un filtre planté de roseaux. C'est très intéressant car cela montre qu'avec une petite Step rustique, on peut peut-être faire de la réutilisation. Quelles seront les suites de cette initiative ? Il ne devrait pas y avoir de nouvel appel à projets. Nous allons en tirer des enseignements pour continuer à financer cette thématique dans le onzième programme (2019-2024) que nous commençons à préparer. Nous allons aussi réaliser des documents de retours d'expériences sur les projets sélectionnés. Par ailleurs, parmi les 18 études d'opportunité de l'appel à projets, certaines aboutiront sur des travaux que nous pourrons financer dans les prochaines années. Propos recueillis par Pauline Rey-Brahmi