A l’occasion du huitième forum mondial de l’eau qui se déroule à Brasilia (Brésil) du 18 au 23 mars 2018, l’ONU publie son rapport sur la mise en valeur des ressources en eau : cette année, il est consacré aux solutions fondées sur la nature pour la gestion de l’eau. Selon les auteurs, il s’agit de trouver un équilibre entre infrastructures « grises » et « vertes ».
« Et si les barrages, les canaux d’irrigation et les usines de traitement des eaux n’étaient pas les seuls outils dans la gestion de l’eau ? », interroge l’ONU dans l’édition 2018 de son rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau. Celui-ci est présenté ce lundi 19 mars au huitième forum mondial de l’eau à Brasilia, par la directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay et le président de l’ONU-Eau Gilbert Houngbo. « Actuellement, 1 à 8 % des infrastructures de gestion de l’eau sont fondées sur la nature », explique Richard Connor, rédacteur en chef de ce rapport, d’après lequel le recours aux infrastructures « vertes » - en opposition aux infrastructures « grises » - reste marginal et est souvent perçu comme moins efficace. Il s’agit donc, selon Richard Connor, de « trouver la meilleure combinaison possible des deux types d’infrastructures, tant au niveau de l’efficacité, que des aspects écologique et économique ». Il estime que « la difficile mise à disposition d’évaluations claires sur les solutions fondées sur la nature, implique un manque de connaissance et de compréhension de ces solutions, pourtant indispensables pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030 » (adoptés par les Nations Unies en 2015). Ces objectifs, en terme de santé humaine, de sécurité alimentaire et énergétique, de croissance économique durable, d’emplois et de protection des écosystèmes, sont donc réalisables selon ce rapport, « à condition que l’on change d’approche ». Le président de l’ONU-Eau, Gilbert Houngbo, explique que « ce rapport montre que le fait de travailler avec la nature, et non contre elle, améliorerait le capital naturel et soutiendrait une économie circulaire utilisant les ressources de manière efficace et compétitive ». Ainsi, il souligne que « les solutions fondées sur la nature peuvent à la fois s’avérer rentables et fournir des avantages sur le plan environnemental, social et économique ».
Ce rapport d’environ 130 pages établit donc un état des lieux des ressources mondiales en eau, de la demande, la disponibilité et la qualité des eaux, ainsi que des phénomènes extrêmes liés à l’eau et de l’état et du rôle des écosystèmes dans le cycle hydrologique. Puis les bénéfices des solutions fondées sur la nature sont détaillés, concernant la gestion de la disponibilité des ressources en eau, la gestion de la qualité de l’eau, mais aussi des risques liés à l’eau ainsi que pour le renforcement de l’approvisionnement à des fins de sécurité hydrique.
Une meilleure gestion des sols agricoles et des zones humides
L’ONU souligne plusieurs exemples de mise en place de solutions « vertes » à travers le monde : suite à de graves épisodes de sécheresse, une ONG met en place, dans l’état du Rajasthan (Inde), « des structures de collecte de l’eau et s’emploie à régénérer une partie des sols et des forêts de la région. Résultat : la couverture forestière s’accroît de plus de 30 %, le niveau des sources souterraines augmente de plusieurs mètres et la productivité des terres cultivables s’améliore ». Des solutions applicables au milieu agricole sont également mises en valeur dans ce rapport, comme le procédé nommé « système d’intensification du riz, mis en place à l’origine à Madagascar, et qui privilégie une restauration de la fonction hydrologique et écologique des sols plutôt que l’utilisation de variétés nouvelles de semences ou de produits chimiques ». Richard Connor insiste d’ailleurs sur la nécessite de changer les pratiques agricoles : « une terre mal labourée retient l’eau et empêche son infiltration, ce qui provoque des inondations en aval, mais aussi une perte de biodiversité dans les sols. » La lutte contre l’imperméabilité des sols apparaît comme un chantier prioritaire aux yeux du rédacteur en chef de ce rapport, qui rappelle au passage qu’« environ 66 % des zones humides naturelles ont été effacées par l’activité humaine ».
Des solutions pour la gestion de l’eau dans un contexte de développement urbain
Richard Connor attire également l’attention sur la nécessité de développer de nouvelles solutions de stockage de l’eau. Pour lui, les réservoirs « contiennent des risques d’évaporation de l’eau, et ils ne peuvent être construits que dans des lieux à la topographie adéquate ». Il fait donc valoir une solution verte, pour augmenter le stockage de l’eau et la sécurité d’approvisionnement : « la recharge des nappes souterraines, avec le développement des surfaces perméables, notamment dans les villes ». Il s’agit finalement de mimer le rôle des zones humides ou des sols de forêts, pour l’appliquer aux sols urbains. Et Richard Connor de souligner : « un sol sain retient plus d’eau, ce qui favorise les écosystèmes des sols ». L’ONU rappelle à ce propos l’exemple du projet baptisé « Sponge cities » [villes éponges], en Chine. « Celui-ci est destiné à améliorer l’approvisionnement en eau dans un contexte urbain : d’ici 2020, 16 villes pilotes verront le jour dans le pays. L’objectif est de recycler 70 % de l’eau de pluie grâce à une plus grande perméabilité des sols, à des dispositifs de collecte, de stockage et de purification de l’eau et à une réhabilitation des zones humides avoisinantes ».
Richard Connor pointe ainsi la possibilité de « procéder à un développement urbain durable », notamment en multipliant les zones vertes, les murs et toitures végétalisées, ou les bassins de rétention. Une problématique d’autant plus d’actualité que fin août 2017, un rapport de l’organisme CDP analysant les bases de données de 569 villes et 1432 entreprises mondiales, estimait que 20 % de la population mondiale (soit 1,2 milliards de personnes) sont en proie à des risques liés à l’eau dans les milieux urbains. D’après cette étude, 196 villes internationales font actuellement face à des enjeux importants liés à l’eau, « tels que les inondations ou les pénuries. » En effet, 59 % d’entre elles sont victimes du stress hydrique accru et de la raréfaction de l’eau. 76 % sont confrontées à des risques élevés d’inondations.
« Mais ces solutions vertes ne peuvent pas toujours remplacer les infrastructures grises », remarque Richard Connor. « Il n’est pas toujours nécessaire de choisir entre les deux, d’où l’intérêt de trouver un bon équilibre entre infrastructures vertes et infrastructures grises ». Un travail de réflexion à mener au cas par cas : « le meilleur équilibre gris/vert dans un cas A, ne le sera pas forcément dans un cas B », conclut-il.