Alors que la seconde phase des Assises de l’eau s’intéresse au grand cycle de l’eau et aux enjeux de la gestion de la ressource, le délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau revient sur deux solutions qu’il estime d’avenir : la réutilisation des eaux usées traitées et la valorisation agricole des boues de stations d’épuration.
Où en est-on de la réutilisation des eaux usées traitées en France et en Europe ?
La France est globalement en retard sur cette question. Pendant longtemps nous n’avons pas eu à nous soucier des problématiques de ressource en eau, mais avec le changement climatique, un vrai manque d’eau apparaît dans certaines régions. La réutilisation d’eaux usées traitées est une réponse très solide à cette problématique et la FP2E la défend lors durant la seconde phase des Assises de l’eau. Au niveau européen, nous sommes en attente d’un texte réglementaire. Au-delà de l’encadrement des règles de contrôle et de transparence, nous espérons qu’il élargisse les autorisations. En France cette pratique est seulement utilisée pour l’arrosage d’espaces verts et en particulier sur des terrains de golf : il en existe une dizaine, surtout sur les zones littorales.
Quels autres usages pourraient être développés ? Quels volumes cela pourrait représenter ?
Les agriculteurs – et nous en avons rencontré un certain nombre sur le salon international de l’agriculture – sont très enthousiastes à l’idée de réutiliser des eaux usées pour arroser leurs cultures. Des élus de montagne souhaiteraient également disposer de ces ressources pour la production de neige de culture. Une expérimentation a été autorisée à Tarbes pour l’agriculture. Mais à terme nous pouvons aussi imaginer un usage étendu au secteur industriel.
En supposant que l’on puisse combler le retard actuel de la France vis-à-vis de pays voisins (l’Espagne notamment, qui réutilise environ 14% de ses eaux usées traitées), ce sont quelque 700 millions de m3 dont pourrait disposer la France pour ces différentes activités.
Et quelle est la position de la FP2E concernant la valorisation agricole des boues de stations d’épuration (STEP) ?
Actuellement, 10 millions de tonnes de boues de STEP sont épandues sur les terres agricoles, comme fertilisant. Cela représente 44% de la valorisation de ces boues1, soit une grande majorité. Et 36% , soit 3 millions de tonnes, retournent au sol sou forme de compost produit grâce à un mélange des boues et de déchets verts. Ce compostage est selon les professionnels, le meilleur débouché pour les boues de STEP et cet usage est en hausse depuis plusieurs années.
Mais nous sommes inquiets car le gouvernement semble peu à peu revenir sur ce principe. Nous ne comprenons pas cette position, qui n’est pas logique vis-à-vis des objectifs d’économie circulaire dans les services d’eau. Notre pays aurait intérêt à établir, collectivement, une stratégie durable, cohérente avec les objectifs de la transition écologique et les impératifs de sécurité alimentaire, en associant les parties prenantes – collectivités locales, professionnels de l’agroalimentaire, acteurs de la gestion de l’eau, notamment.
1 : Source : bases BDERU du Ministère de la Transition Eco. et Solidaire, données 2016. N.B. : Incinération 17%, Mise en décharge 1%, «Autre» 3%.