Poursuivant leurs travaux sur la vitesse des échanges gazeux entre les ruisseaux de montagne et l’atmosphère, des chercheurs de l’École polytechnique de Lausanne ont évalué la quantité de CO2 qu’ils rejettent, démontrant la nécessité de les inclure dans le cycle global du carbone.
En mars dernier, des chercheurs du Laboratoire de recherche en biofilms et écosystèmes fluviaux (SBER) et de la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (Enac) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) remettait en cause, dans une étude parue dans Nature Geosciences, l’approche standard qui servait jusqu’à présent à calculer la vitesse des échanges gazeux entre les ruisseaux de montagne et l’atmosphère. Ils concluaient à une vitesse en moyenne 100 fois plus élevée que dans les modèles élaborés par les cours d’eau de plaine.
Åsa Horgby, doctorante au Laboratoire de recherche en biofilms et écosystèmes fluviaux de l’EPFL, entourée d’une équipe internationale, publie dans la revue Nature Communications datée du 25 octobre une étude visant à évaluer leur taux d’émission de CO2 et donc leur rôle dans le cycle global du carbone. Selon les chercheurs, « alors qu’ils ne représentent que 5% de la surface de tous les cours d’eau de la planète, ces ruisseaux pourraient être responsables de 10 à 30 % des émissions de CO2 globales annuelles de tous les réseaux fluviaux ».
Aqua incognita
Pour cette deuxième étude, les scientifiques se sont basés sur des données recueillis dans des ruisseaux des principales montagnes du monde. Leurs caractéristiques hydrologiques et géomorphologiques ainsi que la quantité de carbone organique dans les sols sont des exemples de paramètres qu’ils ont inclus dans leur modèle. Ce dernier permet désormais de prédire la concentration de CO2, la vitesse des échanges gazeux des ruisseaux de montagne ainsi que la quantité de CO2 émise. « Nous savons depuis quelques années que les eaux douces émettent du CO2 dans le même ordre de grandeur que les océans en absorbent, mais on n’a jamais évalué précisément ce qu’il en était pour les innombrables cours d’eau qui drainent nos montagnes. Ils sont encore une aqua incognita », explique Tom Battin, auteur correspondant de l’étude et directeur du Laboratoire de recherche en biofilms et écosystèmes fluviaux (SBER). « D’autres études nous permettrons par exemple de mieux connaître la provenance de tout ce CO2 », avance-t-il.
Selon les chercheurs de l’EPFL, le CO2 émis pourrait être lié aux roches calcaires que traversent ces torrents. Mais des mesures dans les cours d’eau de montagne du monde entier restent nécessaires pour lever les nombreuses incertitudes qui substituent. « En outre, la surveillance à long terme des flux de carbone dans les ruisseaux de montagne est essentielle pour comprendre comment le changement climatique affecte leur biogéochimie », concluent-ils.