Selon Météo France, l’été 2023 a été le quatrième plus chaud jamais enregistré en France depuis 1900. Alors que les zones urbaines sont en surchauffe, comment les rendre plus résilientes et vivables dans un futur proche ? Pour lutter contre les îlots de chaleur urbains qui se multiplient, il existe pourtant une solution efficace : perméabiliser les sols. Eclairage avec Olivier Bataille, directeur général d’O2D Environnement.
Environnement Magazine : Comment la gestion des eaux pluviales a-t-elle évolué en France ?
Olivier Bataille : Après la période dite « hygiéniste » du tout-tuyau, avec renvoi systématique des eaux pluviales au réseau d’assainissement, le 20ème siècle a vu se développer les réseaux séparatifs pour lutter contre le risque d’inondation et pollution par débordement. Les limites de ce modèle, aux ouvrages curatifs comme des bassins de stockage et déversoirs d’orage, ont rapidement été atteintes. A la fin des années 1990, des collectivités ont expérimenté les premières installations de gestion à la source des eaux pluviales, c’est-à-dire à son point de chute pour réparer le cycle de l’eau. Récemment, une prise de conscience a eu lieu sur les bénéfices d’une gestion durable et intégrée des eaux pluviales : désengorgement des réseaux, réduction des risques d’inondations et pollutions des masses d’eau, recharge des nappes phréatiques, etc. Les solutions de gestion à la source sont nombreuses et complémentaires : un projet d’aménagement peut facilement combiner des systèmes de sols perméables à des noues ou tranchées d’infiltration, intégrer des toitures végétalisées ou bocages urbains, etc.
Qu’est-ce qu’un sol perméable et quels sont ses bénéfices ?
L’évacuation des eaux pluviales vers les réseaux crée une rupture dans le petit cycle de l’eau et une saturation inutile du système d’assainissement. En effet, les eaux pluviales restent « propres » si on en limite le ruissellement en les infiltrant naturellement. Les sols perméables redonnent au sol sa fonction d’infiltration et de régulation des flux d’eau, permettant ainsi la réalimentation des nappes phréatiques, la réhydratation des sols et par extension la disponibilité de cette ressource pour le développement des végétaux. La présence de l’eau et de la flore a un impact climatique fort à l’échelle du quartier, créant de véritables îlots de fraîcheur. En laissant le sol « ouvert » – au contraire de la mise en œuvre d’un enrobé qui vient sceller le sol et l’imperméabiliser – les échanges air-sol-eau sont rétablis, favorisant le développement de la biodiversité du sol.
D’un point de vue de la réglementation, comment sont encadrés aujourd’hui les sols perméables ?
Depuis une dizaine d’années, la réglementation (lois ALUR et Biodiversité) et de nombreux appels à projets et subventions (Agences de l’eau, Collectivités) incitent fortement à la désimperméabilisation des sols. Plus récemment, ce sont les Lois Climat & Résilience (2021) et d’Accélération des Énergies Renouvelables (2023) qui définissent des orientations pour l’aménagement des toitures et parkings. En plus de l’intégration de dispositifs assurant l’ombrage (arbres ou ombrières photovoltaïques), les parkings neufs de plus de 500 m² doivent ainsi intégrer des dispositifs « favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols ». Si la loi Climat s’intéresse aux constructions neuves, la loi AER introduit des obligations pour l’existant en précisant les seuils d’assujettissement (1500 m² pour les parkings). Au-delà du cadre national, c’est en local que la réglementation en faveur de la gestion durable des eaux pluviales se joue via les orientations des documents de planification (SDAGE, SAGE ou PGRI) et d’urbanisme locaux (SCOT, PLU(i) ou Cartes communales).
Quel impact les nouvelles obligations des lois Climat et AER vont-elles avoir sur les parkings ?
Ces lois repensent entièrement l’aménagement des parkings, traditionnellement bétonnés, pour y intégrer l’eau, le végétal et la production d’EnR. En effet, la plantation d’arbres – pour l’ombrage – se combine à la création d’espaces paysagers, de zones d’infiltration et à l’intégration de sols perméables. L’installation d’ombrières solaires confère au parking encore plus de valeur environnementale, optimisant le foncier au profit du mix énergétique. Ces techniques sont complémentaires : l’intégration de sols perméables permet l’infiltration des eaux pluviales, bénéfique à la plantation des arbres intégrés au site du parking. Et dans le cas des ombrières photovoltaïques, il suffit d’adapter le cheminement des eaux qui ruissellent sur les panneaux en redirigeant les flux vers les sols perméables ou zones d’infiltration (noues, tranchées).
Ces dispositifs vont sans nul doute trouver écho dans les réglementations à venir sur l’objectif ZAN et du récent plan de transformation des zones commerciales. Les enjeux d’infiltration des eaux pluviales, d’ombrage, de végétalisation et de transition énergétique servent en effet le même objectif, celui de limiter l’impact des constructions pour tendre vers l’idéal de la ville résiliente.
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Article publié dans
Environnement Magazine n° 1808.