Publié le 30 novembre, l’avis du Conseil économique et social (Cese) sur l’eau potable a été rendu par la commission économie et finances. Les conclusions notifient une adaptation de cette mesure visant à réduire de 10% la consommation d’eau d’ici à 2030, et pointent du doigt les difficultés d’application en raison du manque de compteurs et du nombre élevé de communes compétentes. Une tarification estivale figure aussi dans les préconisations de la Commission.
Le Cese, saisi par la Première ministre comme le prévoit le 43e point du Plan eau, a rendu son avis en livrant les premiers constats de cette expérimentation de tarification. Le texte adopté par une large majorité (115 voix et 1 abstention) identifie les freins et préconise 9 propositions visant à faciliter le déploiement de la tarification progressive et à améliorer l’efficacité de cet outil. La commission Économie et finances, présidée par M. Jacques Creyssel, et les deux rapporteurs, MM. Jean-Marie Beauvais (groupe Environnement et Nature) et Jean-Yves Lautridou (groupe CFDT), ont estimé que la tarification progressive mise en place avec la loi Brottes (mars 2013) se heurte à des difficultés d’application en raison du manque de compteurs, rendant ainsi difficile le comptage réel de la consommation des différents abonnés, dont un grand nombre ne sont pas encore équipés d’instrument de comptage.
De nombreux acteurs et des données insuffisantes La commission pointe également le difficile accès à l’information et le manque de compréhension sur les tarifs en vigueur. Une autre difficulté pour estimer l’efficacité des mesures est le nombre conséquent de collectivités : près de 26 000 services d’eau et d’assainissement, qui peuvent mener à leur échelle des expérimentations, mais ne permettent pas d’en tirer des conclusions générales. La commission juge également insuffisantes les données sur la tarification appliquées aux grands consommateurs (entreprises, secteur agricole, artisans ou services d’intérêt général).
Des communes de moins de 1.000 habitants Une confusion existe aussi entre tarification sociale, liée aux ressources, et progressive, liée à l’environnement. Ce point laisse craindre une tarification inégalitaire (famille nombreuse). Avec des auditions diverses (communes, agglomération, fédération, syndicats et acteurs des entreprises de l’eau, universitaire), le Cese remet en cause les compétences des collectivités en matière de distribution d’eau potable et de tarification : 54 % des autorités organisatrices se situent dans des communes de moins de 1000 habitants, qui ont peu de moyens pour développer de l’ingénierie tarifaire.
La fin de l’eau paye l’eau ? Alors que les enjeux environnementaux actuels dépassent la tarification des services de l’eau potable, le Cese réinterroge donc le principe de « l’eau paie l’eau » en alertant sur la fin d’une eau « bon marché » à court ou moyen terme.
9 préconisations formulées : • Consolider les données du système d’information Sispea (Système d’information sur les services de l’eau et de l’assainissement) pour connaître de façon détaillée la consommation des abonnés (particuliers, professionnels, services publics…) et pour tenir compte des différentes parties prenantes dans la construction des politiques publiques ; • Anticiper l’inéluctable augmentation des tarifs des services de l’eau potable avec le lancement d’une étude prospective, sous l’égide du Secrétariat général à la planification écologique, pour évaluer les impacts économiques, sociaux et environnementaux de cette hausse ; • Élaborer un simulateur de tarification de l’eau à destination des collectivités et permettant d’évaluer l’impact des différents modèles de tarification sur l’équilibre financier de l’autorité organisatrice, sur le budget des consommateurs, mais également d’estimer la baisse de consommation attendue ; • Permettre à chaque usager de disposer d’un compteur individuel ; • Supprimer la tarification dégressive à l’horizon 2030 en accompagnant techniquement et financièrement professionnels ou services publics vers plus de sobriété pendant la phase de transition ; • Mieux réguler les autorisations de forage en révisant le cadre réglementaire (consultation écrite pour avis de la collectivité) ; • Promouvoir la mise en place d’une tarification saisonnière dans l’ensemble des communes où l’équilibre entre la ressource et la consommation d’eau est menacé de façon saisonnière (y compris dans celles sans activité touristique) comme le permet la loi Lema de 2006 ; • Assurer l’accompagnement social des usagers fragiles, avec une aide directe des collectivités pour le paiement de la facture d’eau ; • Déployer des démarches de sobriété au sein des entreprises en complément des démarches de communications et de sensibilisations prévues dans le Plan eau.