1Poser le bon diagnostic
Le diagnostic est la première étape d'une opération de rénovation thermique. Du simple DPE à la thermographie aérienne, le panel des outils disponibles est large.
La réhabilitation thermique des bâtiments s'est définitivement installée comme l'un des grands enjeux environnementaux actuels. Mais, mieux vaut éviter de se lancer la tête la première dans de grands travaux. Tous les professionnels s'accordent en effet pour considérer comme primordial le diagnostic. À l'exception notable d'Olivier Sidler, directeur du bureau d'études Enertech, qui préconise d'appliquer la même solution technique dans tous les logements (lire Le point de vue de... p. 40). Collectivités et entreprises expriment néanmoins de plus en plus le besoin d'approfondir la connaissance, souvent limitée, de leur parc. Très en vogue chez les premières, la thermographie aérienne permet d'obtenir une photographie thermographique de l'ensemble du patrimoine bâti. Les collectivités espèrent ainsi cibler les travaux prioritaires sur leurs propres bâtiments et inciter leurs administrés à faire de même (lire EM n° 1668, p. 28). « Cette technique rapide, globale et peu chère - de l'ordre de 1 euro par habitant - est utile pour établir des priorités sur plusieurs années », explique Dominique Pajani, directeur de l'Institut de la thermographie. Mais elle présente de nombreuses limites : interprétation extrêmement complexe, voire hasardeuse, conditions météorologiques très précises, absence de normalisation... « La thermographie n'est pas la solution à toutes les questions de diagnostic énergétique. Sa faculté à mesurer les déperditions thermiques est une affirmation exagérée : les paramètres influents sont nombreux et mal déterminés », notait ainsi Sylvain Pierrard, ingénieur au Laboratoire national de métrologie et d'essais ( LNE), lors du congrès Thermogram'2007 de décembre dernier. Conséquence : « les besoins exprimés par les agglomérations ou communes dépassent en général largement les possibilités réelles de la seule thermographie ». Pour différentes raisons techniques, la thermographie des toitures ne présenterait ainsi « aucun intérêt pour des logements collectifs de plusieurs étages ».
Un diagnostic plus précis s'impose donc ensuite dans les bâtiments identifiés comme les plus gourmands en énergie. Pour les logements, le diagnostic de performance énergétique (DPE) est un premier outil. Utile pour son rôle sensibilisateur, sa qualité de mise en oeuvre reste très contestée. Promodul propose des boîtes à outils (BAO) qui permettent de simuler un DPE avant et après travaux et d'estimer coûts et retours sur investissement. Basée sur la méthodologie 3CL du DPE, sa version Pro-expert (délivré aux stagiaires de son département formation) a été déclinée en version Pro-light (principalement destinée aux artisans) et Grand public (accessible en ligne). « Une version zéro d'une BAO Logements collectifs devrait sortir d'ici à la fin de l'année. Nous préparons également pour 2009 un outil équivalent pour les bâtiments tertiaires », indique-t-on à l'association d'industriels. Mais pour aller plus loin, il convient d'examiner en détail la répartition des consommations pour comprendre le fonctionnement du bâtiment. « La meilleure solution est d'analyser les factures des trois dernières années, notamment en fonction des conditions météorologiques », explique Christian Cardonnel, directeur de Cardonnel Ingénierie. En l'absence de ces données, le recours à des méthodes plus « invasives » peut s'avérer nécessaire. « Il existe un large panel de diagnostics possibles : du DPE à l'audit avec simulation thermique dynamique couplé à l'instrumentation du bâtiment : consommations, relevés de température ou de l'hygrométrie, thermographie au sol des façades, tests d'infiltrométrie... », précise Olivier Cousson, du bureau d'études Manexi.
« L'important, surtout quand on s'attaque à un parc, est de définir au préalable la méthode adaptée à ses besoins. Un DPE "intelligent" coûte environ 1 000 euros par bâtiment, une étude complète jusqu'à dix fois plus », poursuit Olivier Cousson. C'est l'option qu'a choisie son client Generali Immobilier pour son parc tertiaire. « Nous avons commencé en septembre 2007 par une expérimentation sur trois bâtiments. Manexi a ainsi effectué une simulation des consommations énergétiques propres au bâti et aux systèmes et les a mises en relation avec les consommations réelles poste par poste. Nous pouvons ainsi fournir à nos locataires des pistes d'amélioration possibles. Notre objectif est d'optimiser le fonctionnement de nos immeubles et donc à la fois leur impact environnemental et le montant des charges. Le bureau d'études doit nous fournir à la fin de l'année les résultats pour trente-quatre autres adresses (450 000 m²) », détaille Philippe Zambon, responsable de la gestion technique des immeubles du groupe. Notons que Bureau Veritas a lancé un travail du même type sur quinze immeubles français, allemands, espagnols et anglais, appartenant à AEX, Axa Reim, GE Real Estate et ING Real. Côté logement social, le groupe Polylogis a lui imaginé un DPE+ (lire L'expérience de... p. 39). Notons que la Fondation Bâtiment Énergie finance actuellement deux projets (Cible et IPI) visant à aider les bailleurs sociaux à bâtir leurs programmes de rénovation.
Autre exemple : celui de la ville de Tulle (19) qui a profité d'un appel à projets conjoint de l'Ademe et du conseil régional du Limousin pour auditer son patrimoine. « Nous avons sélectionné sur appel d'offres le bureau d'études Synergie. Celui-ci a inspecté tous nos bâtiments et suivi le cahier des charges de l'Ademe pour nous fournir un rapport d'étude, assorti de fiches de synthèse par site, dégageant un programme de travaux cohérents. Nous avons alors retenu les actions d'amélioration. Certaines, peu coûteuses et facilement réalisables, sont en cours, d'autres, qui représentent un investissement plus conséquent sont en phase de programmation. Nous avons également lancé des études de faisabilité pour l'installation de chaufferies au bois sur deux sites », explique Frédéric Parrical, technicien territorial. Coût du diagnostic : 28 200 euros HT, subventionné à 70 % par l'Ademe et la Région. Notons que la ville a signé une convention avec l'Ademe pour le suivi de la mise en oeuvre de son plan d'actions qui vise 20 % d'économies d'énergie en quatre ans.
2Monter et suivre son projet
Diagnostic établi, le maître d'ouvrage d'une opération de réhabilitation doit se fixer des objectifs et les tenir.
Une fois le diagnostic préalable achevé, place au plan d'actions. Première étape : se fixer des objectifs. De performance énergétique, certes, mais pas uniquement. Une démarche qui se veut « durable » ne doit pas mettre de côté d'autres aspects, qu'ils soient environnementaux (eau, bruit, air intérieur...) ou sociaux (accessibilité handicapés, notamment). « Une solution technique moins performante présente parfois l'avantage de ne pas dépendre du niveau d'éducation environnementale de l'occupant du bâtiment », note Sébastien Duprat, ingénieur au bureau d'études Elioth. Attention également à l'usage du bâtiment. « Dans certains cas, un changement d'activité s'avère plus propice qu'une réhabilitation lourde, remarque Charlotte Welsch, responsable développement durable chez Iosis Conseil. Dans les études de faisabilité, l'alternative destruction-reconstruction apparaît par ailleurs régulièrement intéressante techniquement et économiquement. Mais pas environnementalement, si on considère l'énergie grise des matériaux de construction, la production de déchets, la consommation d'eau... » Une fois les objectifs arrêtés, reste à les formaliser dans un document programmatique, puis à s'assurer de leur respect.
Pour cela, mieux vaut être bien accompagné. « Les programmes pêchent souvent par manque de précision en particulier sur les aspects énergétiques. Et sans accompagnement, les objectifs fixés s'évanouissent progressivement », constate Olivier Cousson, du bureau d'études Manexi. C'est donc à chaque phase qu'il convient de vérifier lot par lot leur respect. La qualité des entreprises sélectionnées apparaît ici capital. Structure associative, Habitat et développement local du Doubs ( HDL) n'est pas soumis à la procédure stricte de l'appel d'offres, mais a tout de même organisé une mise en concurrence pour son projet de réhabilitation d'une ancienne école en bureaux basse consommation qu'il occupe en partie. « Extrêmement pointu, notre dossier de consultation des entreprises (DCE) allait jusqu'à préciser le type et la marque de la laine de verre à poser », explique Pascal Valladont, le directeur. « Il existe encore trop peu d'entreprises en pointe sur ce marché. Il ne faut pas hésiter à vérifier leurs compétences, notamment sur les chantiers de confrères », conseille Stéphane Wallon, chez le bailleur social Polylogis. Le maître d'ouvrage doit d'ailleurs rester attentif jusqu'au bout. «Mon chargé d'opération et moi visitons nos chantiers de ce type beaucoup plus souvent que les autres, reprend Stéphane Wallon. L'enjeu financier y est trop fort pour que nous puissions nous louper ! » Notons, pour conclure, que l'association Effinergie prépare pour le début de l'année prochaine un guide sur la rénovation basse énergie ainsi qu'une mention BBC-Effinergie pour les bâtiments résidentiels et tertiaires existants.
3 Rénover un bâtiment tertiaire
S'il n'existe évidemment pas
de « rénovation idéale », quelques grands principes guident néanmoins toute opération de réhabilitation thermique. Tour d'horizon des techniques disponibles.
Renforcer l'isolation
- des murs, planchers et toitures
- par l'intérieur ou l'extérieur, double peau, vêture isolante...
- en remplaçant les vitrages et menuiseries (double ou triple vitrage, couche peu émissive, utilisation d'un gaz rare, menuiserie à rupture de pont thermique) ;
- en traitant les ponts thermiques ;
- en végétalisant toitures, murs ou terrasses (ce qui augmente l'inertie).
Préparer la phase
de fonctionnement
- Adapter le niveau de technicité et de complexité à l'utilisateur
et à la capacité de maintenance de l'opérateur.
- Sensibilisation des occupants : concertation préalable, réunion, livret d'accueil...
- Gestion et entretien
Favoriser les apports gratuits
et le confort d'été
- en ouvrant un atrium ;
- en augmentant les surfaces vitrées au sud et
en les réduisant au nord ;
- en réorganisant les espaces : « pièces à vivre » au sud, « pièces techniques » ou à forts apports internes au nord.
- en installant des brise ou pare-soleil (éventuellement photovoltaïques), des stores extérieurs (éventuellement commandés par la GTC), un débord de toiture...
- en créant des puits de lumière ou des masques
proches ou lointains
Exploiter les ENR
- Éoliennes de toit (verticales) , parfois pertinentes sur bâtiments hauts ;
- Panneaux photovoltaïques en façade ou en toiture , tuiles photovoltaïques (tarif de rachat supérieur quand le solaire est intégré au bâti)...
- Eau chaude sanitaire (ECS) solaire (rarement indispensable dans le tertiaire) ;
Piloter les équipements
- Gestion technique centralisée (chauffage, rafraîchissement, éclairage).
- Régulateur d'ambiance, volets intelligents, détecteurs de présence, façades double peau...
- Équipements performants (éclairage économe, ordinateurs portables...).
Repenser l'ensemble chauffage, rafraîchissement et ventilation
- en rénovant les systèmes techniques
- en changeant le mode de production :
- remplacement de la chaudière traditionnelle par une chaudière à condensation, basse température, biomasse...
- installation de géothermie basse (pompe à chaleur) ou haute température ;
- raccordement à un réseau de chaleur ou de froid.
- en opérant une surventilation nocturne (mécanique ou naturelle).
- en mettant en place une VMC double flux avec récupération de chaleur (échangeur rotatif) ;
Euros dépensés par kWh
Importance du gisement
d'économies d'énergie
(bâtiments tertiaires
de 2 000 à 5 000 m²)
Merci aux bureaux d'études Bureau Véritas, Cardonnel Ingénierie, Elioth (groupe Iosis) et Manexi pour leurs conseils avisés.