À l’heure de l’électrification à grande échelle des parcs automobiles, dont les promoteurs mettent en avant les bénéfices environnementaux, se pose la question de l’impact de la construction de deux éléments essentiels : le moteur électrique et la batterie. Cette dernière, en particulier, nécessite l’utilisation massive d’un petit nombre de métaux : cuivre, lithium, cobalt, nickel et manganèse. Leur extraction, néanmoins, émet beaucoup de gaz à effet de serre et requiert énormément d’eau.
Or, comme le souligne le rapport Global Ressources Outlook 2024 des Nations unies, 40 % environ des risques climatiques proviennent de l’exploitation des ressources naturelles. Se pose au-delà la question des manières d’orienter les investisseurs pour favoriser une indispensable transition verte.
Des batteries pas neutres pour l’environnement
Notre recherche récente a visé à quantifier l’impact d’un grand nombre de matières premières. Nous avons collecté des données concernant leur empreinte écologique en rassemblant les estimations de plus de 80 études scientifiques spécialisées. L’étude couvre au total 21 métaux et 20 produits agricoles. Il a ainsi été possible d’identifier les matières premières que l’on peut qualifier de « durables », celles qui ont les empreintes écologiques les plus faibles.
Il existe des différences significatives en termes d’impacts. Par exemple, pour les métaux des batteries, l’extraction de lithium et de cobalt émet 2,5 à 4 fois plus de gaz à effet de serre que la production d’acier. Pour ces deux métaux, la production est très consommatrice d’eau : 120 à 460 fois plus que l’acier. Pour les produits agricoles, le bétail, qui est, pour un poids donné, la plus importante source d’émissions de gaz à effet de serre, émet 25 fois plus que le maïs, le produit qui génère le moins de carbone.
C’est parce que l’étude se concentre sur des matières premières dont l’empreinte principale se situe au niveau de leur extraction que nous n’avons pas inclus les sources d’énergie fossiles (pétrole brut, charbon et gaz naturel). Pour ces dernières, l’impact environnemental principal provient en effet de leur utilisation.
Quelles conséquences pour les investisseurs ?
Pour un investisseur qui cherche à « décarboner » son portefeuille, le choix de matières premières « bas carbone » parait évident. Mais quel serait l’effet d’un tel choix sur la rentabilité ? Globalement, notre étude montre qu’il semble négligeable, notamment si on considère l’intensité carbone, c’est-à-dire l’empreinte des matières premières pour chaque euro ou dollar produit. En effet, il faut, du point de vue de l’investisseur, tenir compte des prix de production et de vente des matières premières : ceux-ci varient énormément d’un type de produit à l’autre, surtout si on prend en compte les métaux précieux.
Dans le graphique ci-dessous, issu de notre étude, nous montrons les écarts d’intensité entre les différentes matières premières pour ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre. Si le lithium a une intensité largement plus faible que l’acier, alors qu’il est plus polluant à extraire au poids, c’est parce qu’il est beaucoup plus cher.
Autrement dit, paradoxalement, un kilo de lithium est plus polluant à produire qu’un kilo d’acier, mais un euro investi dans le lithium, en raison des mécanismes de prix, pollue moins qu’un euro investi dans l’acier.
« Vert » et rentable ?
En général, les portefeuilles verts sont majoritairement constitués d’actions et obligations « durables », une notion plutôt vague et qui évolue dans le temps. Si l’on considère des indices en actions et obligations bas carbone, investir dans les matières premières à faible intensité semble présenter des bienfaits multiples, notamment pour les métaux. Cela permet de maintenir voire d’augmenter les rentabilités, mais surtout cela diversifie considérablement les risques financiers.
Pendant le début du conflit en Ukraine, les pertes liées au marché des actions ont, par exemple, pu être compensées par des hausses de prix des matières premières, lesquelles ont en partie engendré le début du cycle inflationniste. Cette réduction des risques peut aussi s’obtenir avec les métaux importants pour la transition énergétique, ceux des batteries, mais aussi le chrome et l’aluminium.
Les matières premières durables offrent ainsi une opportunité d’améliorer nettement la performance d’un portefeuille vert tout en respectant les objectifs de réduction de l’empreinte écologique des placements. Selon les données que nous avons analysées (2011-2023), l’investisseur peut donc espérer gagner sur les deux dimensions.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.