Les univers du bâtiment et du management n'ont jamais vraiment fait bon ménage. « Le secteur a toujours eu du mal à intégrer cette notion, à mettre en place une certaine rigueur professionnelle qui soit reconnue », regrette l'architecte et auditeur environnement Jean Lattanzio. Dans les années 1980 et 1990, l'aventure des premiers systèmes qualité avait séduit peu de constructeurs ou de maîtres d'ouvrage. « Maintenant, la haute qualité environnementale est souvent l'occasion pour eux de formaliser leurs démarches », ajoute Patrick Nossent, président des organismes certificateurs Certivea et Cequami. Car, comme le rappelle un guide paru sur le sujet en février 20071, « la réalisation de la qualité environnementale est moins une question technique qu'une question de management [...]. Une des méthodes les plus fiables pour y parvenir est de s'appuyer sur une organisation efficace et rigoureuse ». Et ce, des études préalables jusqu'à la livraison, voire l'exploitation, en passant par la programmation, le choix de la maîtrise d'oeuvre, la constitution des dossiers de consultation des entreprises ou encore les revues de direction indispensables à chaque phase. Quelles sont donc les principales clés qui ouvrent les portes à un SME réussi et éventuellement à sa certification par un tiers ? « Commençons par ne pas confondre système de management de l'entreprise et du projet qui doivent s'articuler, le second nourrissant le premier. Mais je conseillerais paradoxalement de commencer par le projet, le terrain », répond Patrick Nossent. « Il convient que les maîtres d'ouvrage mettent en place une procédure pour recevoir, documenter et répondre aux informations et demandes pertinentes des acteurs concernés directement et indirectement par l'opération (usagers, riverains, collectivités territoriales, etc.). [...] Cette documentation peut être intégrée avec celle d'autres systèmes mis en oeuvre par le maître d'ouvrage », note le référentiel de l'Association HQE2. « La conception d'un immeuble doit être pensée sur sa durée de vie, qui peut dépasser les cinquante ans. Les occupants et gestionnaires doivent avoir accès aux informations permettant des évolutions et mises à niveau. La culture orale ne suffit donc plus et la certification est un élément de traçabilité : nous sommes en train de proposer un outil allant dans ce sens dans le cadre de la certification NF Logement », observe Jean-Yves Colas, directeur études et recherches de Cerqual, l'organisme qui délivre notamment la certification Habitat et environnement. Attention, toutefois : « Un SME, ce n'est pas du papier, c'est d'abord de l'action, du pilotage, de la communication, prévient Patrick Nossent. Cela ne doit pas apporter de travail supplémentaire, mais juste permettre la traçabilité de ce qu'on a décidé ensemble. Il faut éviter l'empilement de classeurs et aller au plus simple. Cela apporte un vrai confort quand la bonne formule est trouvée. » Cette documentation devra notamment intégrer la politique environnementale du maître d'ouvrage, des organigrammes de responsabilités, le traitement des cibles ou des informations sur les procédés de construction. « La mise en oeuvre de la certification NF a apporté de la rigueur à notre gestion documentaire », témoigne Laurent Batellier, directeur du constructeur de maisons individuelles Le Mas toulousain. Mais le meilleur système de classement au monde ne remplace ni les hommes, ni la volonté d'un dirigeant qui montre le chemin (lire entretien de Jean Lattanzio p. 52). « Il est primordial de faire adhérer l'ensemble des participants aux objectifs environnementaux du projet. La direction doit donc définir, par écrit, son engagement », enjoint Jean-Yves Colas. Mais ce premier élément de sensibilisation ne saurait suffire. Ainsi, chez Immobilière 3F, l'un des premiers actes de sensibilisation et de management fut la réalisation collégiale - impliquant toutes les directions - d'un cahier des charges général. Le bailleur social certifie Habitat et environnement toutes ses opérations depuis 2006, dont une part de plus en plus importante labellisée BBC-Effinergie. « Du directeur aux gardiens d'immeubles, l'environnement doit irriguer toute la politique du groupe, assure Pierre Paulot, directeur de l'architecture, de l'aménagement et de l'environnement. Nous avons organisé dès 2006 des formations très généralistes sur les quatorze cibles, des voyages d'études en Rhône-Alpes, à Fribourg, en Allemagne, ou Bedzed, en Grande-Bretagne, ainsi que des sessions plus poussées à l'attention de nos collaborateurs techniques. Cela a rassuré les chefs de projets qui faisaient encore souvent appel à une assistance à maîtrise d'ouvrage. Nous avons en outre entamé, fin 2009, un programme de trois ans pour former nos 900 gardiens, le meilleur relais auprès de nos locataires. » Ainsi le référentiel de l'Association HQE recommande au maître d'ouvrage de déterminer « le niveau d'expérience, la compétence et la formation nécessaires à garantir la capacité de son personnel en charge de l'opération ». Le donneur d'ordres doit également définir le rôle, les tâches concrètes et les responsabilités de chacun, quelle que soit l'organisation retenue, et, en fonction de ses compétences internes, choisir de faire appel ou non à un bureau d'études HQE. « Si la structure possède déjà une culture du management, elle peut intégrer des compétences environnementales sans forcément recourir à un accompagnement spécifique », précise Patrick Nossent. Mettre en place un SME nécessite donc un important effort de planification et d'organisation, généralement payant sur le long terme. Une attention de tous les instants qu'il ne faut pas relâcher, lors du chantier (lire EM n° 1661, p. 63 et n° 1659, p. 52) et tout au long de la vie du bâtiment.