Ce mardi 31 octobre, l’ONU Environnement a présenté son rapport annuel sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre à Genève. L’organisation révèle que les contributions nationales annoncées par les 196 parties prenantes de l’Accord de Paris, ne permettront d’éviter que le tiers des émissions nécessaires à un maintien de la température globale à +2°C.
Les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés lors de la COP21. C’est l’alerte lancée ce mardi 31 octobre par l’ONU Environnement, à quelques jours du début de la COP23. L’ONU a en effet présenté son huitième « Emission Gap Report » à Genève. Son verdict : les contributions nationales annoncées dans le cadre de l’accord de Paris lors de la COP21 ne permettent d’éviter qu’un tiers des réductions d’émissions de gaz à effet de serre nécessaires au maintien de la hausse de température globale en-dessous de +2°C. Un rapport qui souligne donc l’écart (Gap) entre les objectifs fixés et les mesures promises par les 196 Etats signataires. « En l’état actuel, même la mise en œuvre intégrale des contributions nationales inconditionnelles et conditionnelles, déboucherait sur une augmentation de la température d’au moins 3°C d’ici à 2100, ce qui signifie que les gouvernements devront fournir des promesses beaucoup plus fortes lorsqu’elles seront révisés en 2020 », indique l’ONU Environnement dans son rapport. D’autant qu’avec le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris dès 2020, « le tableau pourrait devenir encore plus sombre », s’alarme l’organisation.
Selon ce rapport, les promesses actuelles de l’Accord de Paris engendreront un surplus de 11 à 13,5 gigatonnes de CO2 équivalent (GtCO2e) dans la trajectoire de stabilisation de la température globale à +2°C. Dans l’objectif d’un maintien de la température à +1,5°C, les émissions globales dépasseraient les quantités nécessaires de 16 à 19 GtCO2e. L’ONU Environnement souligne qu’« un gigatonne équivaut à peu près à une année d’émissions de transport dans l’Union Européenne, aviation comprise ». Le ministre de l’environnement et de l’énergie du Costa Rica et président de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement 2017, Edgar E. Gutiérrez-Espeleta, estime que « l’accord de Paris a stimulé l’action climatique, mais il est clairement défaillant. Nous sommes confrontés à un choix difficile : relever notre ambition ou en subir les conséquences ».
Les émissions de CO2 stagnent, le méthane augmente
Toutefois, le rapport de l’ONU indique que les émissions de CO2 sont restées stables depuis 2014, « en partie grâce aux énergies renouvelables, notamment en Chine et en Inde ». Compte tenu de ce constat, l’ONU Environnement a « l’espoir que les émissions ont atteint un sommet, car elles doivent d’ici à 2020, rester sur une trajectoire climatique réussie », sauf dans le cas d’une « poussée économique » mondiale, qui ferait repartir rapidement ces émissions à la hausse. Mais les autres gaz à effet de serre, et en particulier le méthane, continuent d’augmenter, observe le rapport. Des émissions en grande partie dues à l’élevage et à la production, transport et utilisation d’énergies fossiles. Par ailleurs, l’ONU rappelle que l’amendement de Kigali au protocole de Montréal a pour but d’éliminer la production et l’utilisation d’hydrofluorocarbones, « des produits chimiques principalement utilisés dans la climatisation, la réfrigération et l’isolation en mousse ». Cependant, « s’il est mis en œuvre avec succès, il intervient trop tard pour influer sur l’écart de 2030 », estime le rapport, « mais peut contribuer de manière significative à atteindre les objectifs de température à plus long terme ».
Eviter jusqu’à 36 GtCO2e par an
Pour éviter de dépasser les objectifs de Paris, le rapport de l’ONU Environnement exhorte les gouvernements, le secteur privé, ou encore les villes et organisations non gouvernementales, à engager des actions à échelle locale, en particulier concernant six secteurs : l’agriculture, les bâtiments, l’énergie, la foresterie, l’industrie et les transports.
Des solutions « à un coût d’investissement inférieur à 100 dollars par tonne de CO2 évité », sont présentées dans le rapport et « pourraient permettre d’économiser jusqu’à 36 GtCO2e par an d’ici 2030 » : par exemple, en agriculture, l’abandon des pratiques de feux de tourbe, une nouvelle gestion des élevages, de nouveaux modèles alimentaires ainsi qu’une réduction du gaspillage alimentaire pourraient, combinés, éviter l’émission de 3,7 GtCO2e par an. Dans le secteur de l’énergie, le développement de l’éolien et du solaire pourraient à eux deux éviter chaque année l’émission d’entre 5,6 et 10,1 GtCO2e, dans un contexte global d’essor des énergies renouvelables et de réduction drastique de la production d’énergies fossiles. Concernant les transports, les biocarburants, les véhicules électriques ou encore les réductions d’émissions dans l’aviation, pourraient éviter l’émission de 4,7 GtCO2e. De même, le reboisement et la réduction de la déforestation éviterait l’émission de 5,3 GtCO2e par an.
« Les actions engagées par des organismes non étatiques et infranationaux (tels que les villes et le secteur privé) pourraient réduire l’écart d’émissions de 2030 de quelques GtCO2e, même en tenant compte du chevauchement avec les contributions déterminées au niveau national. Les 100 plus importantes sociétés cotées en bourse, par exemple, représentent environ un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ce qui démontre une énorme marge d’ambition », remarque l’ONU, pour finir sur une note plus optimiste.