L’étude « Ocean Solutions Initiative » regroupe, pour la première fois, les solutions apportées par l’océan afin de répondre aux enjeux climatiques. Publié ce jeudi 4 octobre dans Frontiers in Marine Science, ce rapport passe en revue treize solutions et les classe selon quatre catégories : la réduction des causes du réchauffement climatique, la protection des écosystèmes, le contrôle des radiations solaires et la manipulation biologique.
Jean-Pierre Gattuso, chercheur au CNRS, souligne que l’océan est à la fois « acteur et victime du réchauffement climatique », en rappelant qu’il absorbe 93 % de la chaleur et un quart des émissions de gaz carbonique rejetées dans l’atmosphère. « A ce jour, la température de l’eau à la surface des océans a augmenté de 0,8°C, l’acidité de l’océan a augmenté de 30 % et son niveau a augmenté de presque 20 cm », ajoute-t-il. Sans atténuation des émissions de gaz à effet de serre, d’ici 2100, la température des océans aura augmenté de 3,2°C, son pH aura diminué de 0,40 unités (- 0,11 aujourd’hui) et le niveau aura augmenté de 0,9 mètres.
Quatre catégories de solutions
Après avoir analysé plus de 1000 publications scientifiques, les chercheurs ont identifié treize solutions fondées sur les océans pour atténuer les changements climatiques. Cinq de ces solutions ont été identifiées dans la catégorie « réduction des causes des changements climatiques », à savoir : les énergies marines renouvelables, la restauration et la conservation de la végétation et notamment des mangroves, la fertilisation de l’océan – un procédé qui consiste en ajouter du fer pour stimuler la photosynthèse et stocker du CO2 – l’alcanisation (pour lutter contre l’acidification des océans), ainsi que des méthodes hybrides ayant pour but d’augmenter le stockage de CO2 dans les océans. D’autres solutions concernent la protection des écosystèmes existants et consistent principalement en restaurer l’hydrologie ou réduire les pollutions afin de protéger les végétaux. « Ces méthodes n’ont pas un intérêt capital pour diminuer le réchauffement climatique, mais ils possèdent de nombreux co-bénéfices », souligne Jean-Pierre Gattuso.
Une troisième catégorie de solutions regroupe des techniques de géo-ingénierie, afin de contrôler la radiation solaire : on trouve par exemple l’augmentation du pouvoir réfléchissant des nuages et l’augmentation du pouvoir réfléchissant de la surface de l’océan, en produisant une mousse océanique de longue durée. Enfin, le rapport identifie deux solutions de manipulation de l’adaptation biologique et écologique : « il s’agit par exemple de sélectionner les espèces les plus résistantes d’algues symbiotiques, pour assister l’évolution des coraux », explique Jean-Pierre Gattuso. Ou encore de relocaliser certains écosystèmes, notamment les récifs coralliens.
Combiner méthodes globales et locales
« Nous avons évalué chacune des solutions identifiées de manière quantitative, selon huit critères, dont leur coût, leur efficacité, leur faisabilité technique, les co-bénéfices qu’elles engendrent ou encore leurs effets collatéraux négatifs », explique le chercheur du CNRS. A partir de cette évaluation, l’équipe a pu établir une classification de ces solutions : certaines sont jugées « incertaines ou risquées ». C’est le cas des solutions de géo-ingénierie, qui « pourraient avoir une grande efficacité au niveau global, mais pourraient également engendrer des effets collatéraux négatifs sur les organismes marins, qui ne sont pas encore clairement identifiés », remarque Jean-Pierre Gattuso. « Par ailleurs, si elles fonctionnaient, ces méthodes seraient un remède sur les symptômes des changements climatiques et non sur les causes », souligne-t-il. Les méthodes de manipulation des écosystèmes sont également incertaines selon les scientifiques. « Leur efficacité est très limité », estime le chercheur : « Un pansement sur une jambe de bois ». Les solutions de protection des écosystèmes (éviter la surpêche, réduire les pollutions, etc.) sont quant à elles jugées « sans regret ». Elles ont un impact local important, sont a priori peu coûteuses et « faciles » à mettre en œuvre, mais « leur efficacité est modeste pour résoudre le problème global », relève l’étude. Enfin, deux solutions sont considérées comme « décisives » : le déploiement à grande échelle des énergies marines renouvelables et la restauration/conservation de la végétation. « Ces solutions n’ont pas d’effets collatéraux significatifs sur les écosystèmes, sont efficaces et possèdent des co-bénéfices importants », martèle Alexandre Magnan, chercheur de l’Iddri.
Avec cette publication, « les chercheurs souhaitent éclairer les décideurs qui se retrouveront début décembre prochain à Katowice (Pologne) pour la COP24 ». Selon eux, « ces options doivent faire l’objet d’une attention particulière de la communauté internationale ». Il s’agirait selon les scientifiques, de réussir à combiner des solutions à impact global et local, en prenant compte de toutes leurs caractéristiques.