La nouvelle ministre de la Transition écologique et solidaire, Barbara Pompili, appelle de ses vœux la mise en œuvre de nouvelles politiques publiques basées sur un « nouveau contrat » entre l’Etat et les collectivités locales et sur une « nouvelle forme de planification » écologique et sociale. Elle nous a accordé un entretien peu de temps avant sa nomination dans le gouvernement de Jean Castex.
Pourquoi avoir créé l’association « En Commun ! » ? Comment comptez-vous « orienter l’action de la majorité vers plus de solidarité et d’écologie » ?
Avec En Marche !, en 2017, nous avons voulu dépasser les clivages traditionnels, sortir des jeux politiciens et d’étiquettes qui empêchent de penser efficacement et nous enferment dans des doctrines. Nous avons voulu porter un projet progressiste qui associe économie, social et écologie. Nous avons créé En Commun ! pour redonner du souffle à ce mouvement et aussi pour mieux mettre en avant deux enjeux essentiels à nos yeux : le social et l’écologie. La crise sanitaire que nous traversons se conjugue à une crise économique et une crise climatique sans précédent qui exigent une réponse à court, moyen et long termes à la hauteur des enjeux. Avec En Commun !, nous voulons renouer avec cette dynamique initiée par le Président de la République : aller de l’avant, anticiper, regarder ce dont nous avons besoin pour vraiment préparer notre société aux défis qui s’imposent sans laisser personne de côté. C’est là un point essentiel.
Quel est ce « nouveau contrat » que vous appelez de vos vœux entre l’Etat et les collectivités locales ?
Entre les décisions prises d’en haut et leur déclinaison sur le terrain, il y a encore trop de différences. Les raisons sont multiples : des décisions prises de trop loin et pas toujours applicables, des objectifs qui gagneraient à être mieux déclinés dans le temps avec les moyens humains et financiers qui vont de paire, une différenciation nécessaire pour mieux répondre aux réalités locales singulières… Etat et collectivités doivent travailler main dans la main pour que l’action publique puisse se déployer au mieux, au bénéfice de tous. C’est ce nouveau contrat entre l’Etat et les collectivités territoriales que nous appelons de nos vœux dans une double logique de proximité et d’efficacité de l’action publique.
Comment co-construire à l’avenir les politiques publiques, comme vous le préconisez ?
C’est par le dialogue avec l’ensemble des acteurs que nous arriverons à définir et mettre en place les politiques publiques dont nous avons besoin. Si les constats sont bien souvent partagés, le chemin à parcourir pour y arriver demeure source de divergence. Plus personne ne peut aujourd’hui remettre en question la nécessité de répondre au défi climatique en construisant une société résiliente. Mais comment adapter notre agriculture, rendre nos villes plus vivables, gérer les inondations qui succèdent aux périodes de sécheresse, mettre en œuvre la transition de nos flottes de véhicules ou encore transformer nos logements pour ne plus avoir de passoires thermiques ? Pour répondre à ces questions concrètes, nous avons besoin d’une nouvelle forme de planification, élaborée avec tous les acteurs.
Quelle est votre analyse de la crise sanitaire du Covid-19 ? Quel rôle y a joué la biodiversité ?
Santé de l’Homme et environnement sont liés. La destruction de nos forêts ou encore le trafic d’espèces augmentent les contacts entre les hommes et les animaux sauvages, contribuant à l’essor des zoonoses, ces infections qui se transmettent des animaux vers les hommes. On sait aussi que les milieux pollués et dégradés sont le terreau des maladies chroniques – et d’une surmortalité́ – qui, dans le cas du Covid-19, sont des facteurs de risque. Mieux prendre en compte la santé environnementale est un impératif pour éviter les pandémies de demain, qu’il s’agisse des atteintes à notre biodiversité́, des impacts du dérèglement climatique mais aussi de la pollution de l’air et de l’exposition aux substances chimiques.
Pour préserver notre santé, nous devons donc protéger notre biodiversité́. Cela implique d’organiser un développement économique respectueux de notre environnement et du climat, en commençant par les activités qui génèrent un empiètement sur la nature. Par exemple, l’agriculture étant responsable de 80 % de la déforestation et compte tenu des conséquences des pesticides sur la biodiversité et la santé, revoir notre modèle agricole et nous interroger collectivement sur l’alimentation que nous voulons est nécessaire : développer des filières agricoles locales vertueuses, mettre fin à la déforestation importée, construire notre autonomie protéique pour limiter les importations de soja, modifier nos habitudes alimentaires mais aussi sortir des agrocarburants de première génération…
Comment mieux protéger la biodiversité ?
En France, il existe de nombreuses structures dédiée à la biodiversité : les parcs nationaux, les réserves, l’Office français de la biodiversité, etc. Mieux protéger la biodiversité, c’est d’abord s’assurer que tous ces acteurs disposent des moyens humains et financiers nécessaires à leurs missions. Et là, force est de constater que l’on devrait faire beaucoup plus. Mais c’est aussi une prise de conscience générale qui est nécessaire, d’où l’importance de l’éducation à la nature. Car il ne s’agit pas uniquement de sauver les abeilles ou de réintroduire des ours. Toute la biodiversité dite « ordinaire » mérite notre attention : l’Homme fait partie de cette biodiversité et l’équilibre actuel est fragile. La biodiversité n’est pas un élément de décor. Nous en dépendons étroitement pour nous nourrir, pour nous soigner, pour exister, tout simplement. Préserver la biodiversité, c’est aussi poser les bases d’une économie soutenable dont dépendent les emplois de demain. C’est garantir pour nous-mêmes des potentiels d’innovation en matière de santé publique et préserver tous les services inestimables que nous rendent ces écosystèmes. L’impératif que représente la préservation de la biodiversité doit être au cœur de toutes nos politiques publiques.
Quelles mesures faut-il selon vous mettre en œuvre, à court et à long termes, pour faire face à la crise actuelle et prévenir les prochaines crises ?
Il faut construire une culture du risque, revoir notre système de santé en y intégrant notamment la prévention et la santé environnementale, repenser notre politique énergétique à partir de nos besoins, agir pour arrêter l’artificialisation des terres, accompagner les agriculteurs vers l’agroécologie, soutenir les circuits-courts, faire émerger les dynamiques locales, isoler les logements… Les objectifs à atteindre sont nombreux. On les connaît. Ce qu’il faut maintenant, c’est décliner le chemin pour y arriver. Et cela rejoint la nécessaire co-construction de nos politiques publiques que j’évoquais plus tôt.
Que pensez-vous des 149 propositions arrêtées par la Convention citoyenne pour le climat ?
Je tiens d’abord à saluer l’ampleur du travail réalisé par les membres de la Convention citoyenne pour le climat et leur investissement personnel. C’est là un bel exemple de processus participatif. Leurs propositions sont riches et, pour la plupart, rejoignent des combats que je mène de longue date. Je regrette qu’il n’y ait pas eu plus de propositions sur le volet financement qui demeure – bien souvent – le nerf de la guerre. L’enjeu maintenant est de savoir quelles suites donner pour faire vivre ces travaux et comment financer. Le Président de la République a montré une volonté forte lundi dernier. Gageons que collectivement nous arriverons à avancer !