La consommation énergétique serait couverte à 96 % par des énergies renouvelables. Crédits : Jess rodriguez / Adobe Stock
L’association négaWatt a dévoilé le 26 octobre son scénario de transition énergétique pour la France. Celui-ci prévoit d’atteindre la neutralité carbone en 2050 en s’appuyant à 96 % sur des énergies renouvelables, tout en réduisant fortement l’extraction de matières premières terrestres.
La transition énergétique est profondément liée à la transition sociétale, estime l’association négaWatt. Dans son nouveau travail prospectif, négWatt esquisse un projet de société socialement juste et apaisée, « respectant les limites physiques de la planète pour offrir à moyen et long terme des conditions de vie décentes à tous nos concitoyens et à leurs descendants ». Ce « monde idéal » permettrait à la France de réduire fortement ses émissions de gaz à effet de serre, lui permettant ainsi de respecter l’objectif européen -55 % de CO2 à l’horizon 2030.
La sobriété est le mot d’ordre de ce scénario qui priorise les besoins essentiels dans les usages individuels et collectifs de l’énergie. Cette démarche s’appuie également sur deux autres principes essentiels : l’efficacité énergétique pour réduire la quantité d’énergie nécessaire à la satisfaction d’un besoin ; et le renouvelable pour son « faible impact sur l’environnement et son caractère inépuisable ».
Ces actions de sobriété et d’efficacité énergétiques menées dans tous les secteurs d’activités conduiraient à une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le scénario négaWatt 2022 annonce l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 en prenant même en compte les émissions importées, c’est-à-dire celles engendrées par la fabrication de biens à l’étranger et importés en France.
Des mesures concrètes
Pour démontrer la possibilité et la rationalité de ce scénario négaWatt 2022, l’association a étudié les différents secteurs de consommation et de production d’énergie : mobilité, habitat, agriculture ou encore l’industrie. Des hypothèses couplées à des mesures concrètes et prioritaires ont été également présentées dans ce travail, décrivant de ce fait l’évolution supposée des différents postes de consommation et filières de production ciblées.
A commencer par l’industrie et biens de consommation. Ce scénario suppose une relance industrielle vertueuse composée de nouvelles stratégies industrielles établies sur la durabilité, réparabilité et le recyclage. « Une forte augmentation des taux de recyclage des métaux (95 % en 2050), des plastiques (85%) et du verre (85%), qui engendre une diminution de la demande en ressources primaires », précise l’étude. La décarbonation des procédés industriels jouerait également son rôle notamment dans les secteurs de la sidérurgie et de la chimie minérale et organique. Dans ce cas de figure, le scénario fait appel à l’utilisation de l’hydrogène produit à partir d’électricité renouvelable.
Le secteur des transports est le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre en France. Une mutation vers la mobilité durable (vélo, marche, transports en commun) et des motorisations décarbonées conduirait à des effets positifs sur l’environnement et la santé. Pour le transport des personnes, ce scénario s’attend à une réduction de 60 % de la consommation moyenne des voitures. Quant à la mobilité de marchandises, la réduction s’établirait à 20 % de la consommation moyenne des poids lourds. Comment y parvenir ? Parmi les pistes avancées, le scénario évoque des investissements massifs dans les infrastructures cyclables et les transports publics ; la fin des ventes de véhicules essence/diesel au plus tard en 2035 ; et la réduction de la vitesse maximale autorisée sur autoroute à 110 km/h.
Les prévisions pour le secteur agricole ont été couplées au scénario Afterres 2050 de transition agricole, sylvicole et alimentaire réalisé par l’association Solagro. Celui-ci propose, en cohérence avec le travail de négaWatt, une approche systémique de l’utilisation des terres et de la biomasse visant un nouvel équilibre entre alimentation humaine et animale, production de matériaux et d’énergie, et préservation des écosystèmes, de la biodiversité et des sols. L’association négaWatt suppose ainsi une mutation des pratiques agricoles conventionnelles vers une pratique biologique. Question d’alimentation, le scénario s’attendrait à une évolution de nutrition des Français, « avec une réduction de la quantité de protéines animales (-50% de consommation de viande en 2050) au profit de protéines végétales », peut-on lire dans l’étude.
Performances énergétiques
Le bâtiment, responsable de plus de 40 % des consommations d’énergie, a également fait l’objet d’une modélisation. Selon le scénario 2022, une massification des rénovations énergétiques au niveau bâtiment basse consommation (BBC) est nécessaire pour réduire les besoins d’énergie dans le parc bâti existant. Il est également prévu dans ce futur, la réduction de la part des maisons individuelles dans la construction neuve, au profit du logement collectif.
Qui dit transition énergétique, dit énergies renouvelables. Parmi les principales hypothèses avancées, négaWatt estime que la production éolienne terrestre et en mer croîtrait de façon soutenue. En 2050, le parc terrestre atteindrait un total d’environ 19.000 éoliennes et près de 3 000 éoliennes offshore installées. L’énergie photovoltaïque connaîtrait aussi un bel essor en passant à plus de 150 TWh en 2050.
L’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique se traduirait par « la quasi-disparition des énergies fossiles d’ici 2050 et l’arrêt progressif de la production nucléaire d’ici 2045 ». Dans ce scénario, les 56 réacteurs actuellement en activité ne seraient pas prolongés au-delà d’une durée de fonctionnement de 50 années. « Certains sont arrêtés dès 40 ans, et aucun nouveau réacteur n’est mis en service ».
De ce fait, en 2050, la consommation serait couverte à 96 % par des énergies renouvelables (production multipliée par 3). Toutefois, celle-ci ne serait possible qu’avec une baisse de la consommation d’énergie primaire. Dans ce cas, négaWatt s’attend à une consommation divisée par 3 d’ici 2050.
Quelles externalités ?
Orienté vers l’atteinte des 17 Objectifs de développement durable fixés par l’ONU, ce scénario trace une trajectoire positive pour la société et pour l’environnement. Quatre marqueurs ont été identifiés et mesurés pour le montrer : émissions carbone, emplois, qualité de vie et l’empreinte matière.
- Les émissions territoriales de gaz à effet de serre (GES) sont divisées par neuf entre 2019 et 2050.
- Au moins 500.000 emplois sont à créer d’ici une dizaine d’années dans les métiers de la transition énergétique, « à condition de la démarrer dès à présent ! » La rénovation complète et performante des bâtiments crée à elle seule près de 300.000 emplois, les énergies renouvelables plus de 100.000.
- La santé de la population française s’améliorerait selon trois paramètres à considérer : un régime alimentaire plus équilibré, une meilleure qualité de l’air, de l’eau et des sols, et le développement des modes actifs de mobilité.
- L’empreinte matière de la France passerait de 850 à 600 millions de tonnes de matériaux bruts, « réduisant d’autant la pression exercée sur les ressources naturelles ».