Jean Patrice Gros, directeur business développement à Lectra.
L’écosystème footwear doit composer avec deux nouveaux marqueurs très forts : les modes de production et l’écoresponsabilité. Quel virage technologique l’industrie de la chaussure doit-elle amorcer afin d’atteindre les objectifs sociétaux et environnementaux attendus par les marques et les consommateurs ?
L’industrie de la chaussure de sport, principalement dominée par deux acteurs majeurs que sont Nike et Adidas, fait face à de nouveaux challenges particulièrement accentués par les effets de la pandémie. Avec 87 % de la production mondiale de chaussures située en Asie, alors que les lieux de consommation le sont en Europe ou aux États-Unis, le footwear doit revoir ses modes de production et s’engager dans une véritable démarche d’écoresponsabilité.
Rapprochement des sites de production et de consommation : une tendance qui s’affirme
Au cours des dernières décennies, les lieux de production n’ont cessé de se déplacer. Alors qu’il y a une quarantaine d’années les usines étaient installées en Europe, elles ont ensuite migré vers les pays de l’Est avant de se délocaliser en Asie.
Si des tentatives pré-covid avaient déjà été observées afin de rapprocher les sites de production des sites de consommation, aucune véritable mutation n’avait concrètement vu le jour. Il aura fallu la pandémie, et que les usines des principaux pays producteurs comme le Vietnam ou l’Indonésie soient complètement bloquées, pour que le business model soit remis en question.
Il s’agit désormais d’adapter la production à la demande réelle, et pour cela la stratégie consiste à s’assurer de toute la réactivité et l’agilité nécessaires via le rapprochement des points de vente et des lieux de fabrication. Les processus de fabrication gagnent ainsi en agilité et flexibilité, les surstocks sont limités alors que les marges sont préservées et les délais de mise sur le marché sont réduits.
Le digital bouleverse la demande des consommateurs
La révolution digitale a bouleversé le comportement et les pratiques des consommateurs, impactant les modes de production. En parallèle, la notion de saisonnalité - qui propose de très grandes quantités de modèles- cède peu à peu la place à une plus grande variété de modèles proposés en toutes petites séries.
Tous ces changements notables dans les habitudes des consommateurs poussent les fabricants à revoir leurs outils de fabrication et leurs modes de production afin de répondre à ces nouvelles demandes.
Le challenge de l’écoresponsabilité
De sa fabrication à son élimination en passant par sa commercialisation, les sneakers affichent une emprunte carbone colossale et obligent les industriels de la chaussure à s’engager dans une démarche moins polluante. Tandis que la tendance au rapprochement entre les sites de fabrication et les sites de consommation s’affirme de plus en plus et marque un premier pas vers l’écoresponsabilité, la marque Nike se dote quant à elle d’un code de conduite imposant à ses sous-traitants des règles environnementales, éthiques et sociétales. D’autres lui emboitent déjà le pas.
Ces évolutions des codes sociétaux, des conditions de travail, d’éco responsabilité que l’on observe aujourd’hui sont favorisées par le déploiement des technologies intelligentes. Le virage vers l’industrie 4.0. est amorcé.
Les technologies intelligentes au service de la durabilité et de l’innovation
Désormais, le footwear peut compter sur les nouvelles technologies pour concrétiser ses ambitions d’écoresponsabilité, de réactivité et d’innovation. C’est toute une nouvelle génération d’outils technologiques qui est aujourd’hui capable d’accompagner les marques dans leur politique de nearshoring avec la création d’usines 4.0.
L’automatisation des processus, qui intègre la robotique et des appareils connectés, permet d’optimiser la production, de s’affranchir d’un nombre considérable d’opérations manuelles nécessaires à la fabrication d’une paire de sneakers, et de gagner ainsi en réactivité et en agilité.
Aujourd’hui, si la technologie amène l’agilité, elle participe également à favoriser la responsabilité sociétale des entreprises. Dans les usines intelligentes, on assiste à une amélioration concrète des conditions de travail sur les chaînes de production. La technologie, conforme aux réglementations de sécurité les plus strictes, garantit la sécurité des opérateurs mais également leur confort en diminuant leur exposition au bruit ou à certains produits toxiques ou en les soulageant de la pénibilité de certaines tâches répétitives.
…et de réduction des déchets
Mais le concept de l’usine 4.0 ne repose pas uniquement sur l’automatisation des processus, il intègre également les objectifs des marques en matière de gestion et de réduction des déchets. Les technologies intelligentes, qui développent notamment des outils de découpe de pointe permettant des économies de matière et une durée de vie des consommables prolongée. Enfin, ces outils leur permettent enfin de de réduire leur consommation énergétique.
Un enjeu crucial quand on sait que les marques, Nike en tête, axent leur communication sur une réduction drastique du gaspillage. Et parce que l’usine 4.0 est une usine économe en énergie et en matières premières, les fabricants disposent également de technologies nouvelle génération capables de réduire leur consommation énergétique ou encore d’outils intelligents conçus pour prolonger la durée de vie des consommables, et cela tout en se conformant aux normes de sécurité internationales vont devenir de plus en plus exigeantes et contraignantes.