Les chercheurs alertent sur une forte accélération de la fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique. Crédit : Pixabay
Un constat amer ! D’après le deuxième volet du récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les politiques actuels engagés en matière de réduction des émissions « placent le monde sur une trajectoire de réchauffement d’environ 2,3 à 2,7°C » d’ici la fin du 21e siècle. Focus sur les principaux enseignements.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Après avoir alerté sur l’influence des activités humaines sur les changements rapides du climat en août dernier, les chercheurs avertissent les décideurs politiques sur les potentiels conséquences dramatiques qui attendraient l’humanité. Principale conclusion, « les politiques et engagements actuels en matière d’émissions placent le monde sur une trajectoire de réchauffement d’environ 2,3 à 2,7°C. »
Ce nouveau volet du rapport examine les répercussions du changement climatique sur les écosystèmes et les sociétés humaines. Les 34.000 articles scientifiques qu’il comporte tiennent compte des vulnérabilités de ces systèmes et de leur capacité d’adaptation aux bouleversements présents et ceux à venir. Globalement, celui-ci met en lumière les potentiels risques qui seraient engendrés dans un futur marqué par la poursuite des activités humaines sans engagement drastique face aux émissions.
« Les objectifs soumis par les gouvernements dans le cadre de l’Accord de Paris sont insuffisants pour maintenir l’augmentation de la température en dessous de 1,5 °C, voire 2 °C » , avait déjà commenté en août dernier Roxy Mathew Koll, auteur principal du rapport du GIEC sur les océans et la cryosphère, à l’Institut indien de météorologie tropicale. « Sans exception, toutes les projections climatiques montrent que les événements météorologiques graves deviendront plus fréquents et plus intenses avec l’augmentation des températures, car nous, les humains, ne limitons pas suffisamment nos émissions ».
Quelles conséquences ?
Les chercheurs reconnaissent dans ce rapport que le changement climatique, « causé par les émissions humaines de gaz à effet de serre », engendre des pertes considérables pour les écosystèmes naturels et les personnes. Cette situation exposerait « les sociétés humaines et le monde naturel à des risques intolérables et irréversibles, notamment des décès, des dommages à la production alimentaire, la destruction de la nature et la réduction de la croissance économique ».
Dépasser 1,5°C revient à créer un avenir imprévisible avec des dangers importants, alertent les chercheurs. Cela provoquerait des points de bascule du système climatique, tels que le dépérissement des forêts et une forte accélération de la fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique. « Si l’augmentation de la température dépasse 1,5°C, des écosystèmes entiers seront irréversiblement perdus, notamment les écosystèmes polaires, montagneux et côtiers, ainsi que les régions qui seraient touchées par la fonte des calottes glaciaires et des glaciers », peut-on lire.
Si l’élévation des températures provoque la fonte des calottes glaciaires, l’eau piégée dans les glaces se retrouvera par conséquent dans les océans et participera au cours des prochains millénaires à l’augmentation du volume d’eau provoquant une élévation de la mer. La population côtière serait exposée à une inondation « si grave qu’elle ne peut être attendue qu’une fois tous les 100 ans augmentera de 20 % avec une élévation supplémentaire du niveau de la mer de 15 cm, et doublera avec une élévation du niveau de la mer de 75 cm ».
Une hausse des températures supérieure à 1,5°C menacerait la production et la sécurité alimentaires, et provoquerait « des pertes simultanées de cultures de maïs dans différentes grandes régions productrices d’aliments, menaçant les chaînes d’approvisionnement mondiales ». Les risques s’accroissent avec un réchauffement de 2°C. Les cultures de base dans de nombreuses régions, notamment sous les tropiques, ne seront plus possibles « sans des mesures d’adaptation qui ne sont pas disponibles actuellement ». La pollinisation et la santé des sols souffriraient du réchauffement, et les parasites et les maladies agricoles se répandront davantage.
Vulnérabilité au réchauffement climatique
Ce rapport met également le doigt sur le danger qui pèse sur les populations les plus vulnérables. Alors que les chaleurs extrêmes et sécheresses tuent plusieurs personnes dans le monde entier, « une tempête, une sécheresse ou une inondation a 15 fois plus de chances de tuer les habitants des régions les plus vulnérables que ceux des régions moins vulnérables, et la vulnérabilité des populations au changement climatique est influencée par les évolutions sociales passées, présentes et futures, y compris la marginalisation de certains groupes », apprend-on dans le rapport.
Les événements extrêmes comme les cyclones tropicaux réduisent la croissance économique à court terme. Ces préjudices économiques affecteraient les individus qui « se sont appauvris car le changement climatique nuit à la productivité agricole et à leur santé, et détruit leurs maisons et leurs biens ».
« S’adapter » face au réchauffement climatique
Après ce déroulé de conséquences désastreuses pour la santé humaine et animale, le GIEC insiste sur la nécessité d’agir. « Tout nouveau retard dans la mise en œuvre d’une action préventive concertée et mondiale en matière d’adaptation et d’atténuation nous fera rater une fenêtre d’opportunités brève, et se refermant rapidement, permettant de sécuriser un avenir vivable et durable pour tous », soulignent les chercheurs.
En parallèle, le groupe de travail accorde une place importante à l’adaptation. Elle est « essentielle pour réduire les risques liés au changement climatique et peut également améliorer le bien-être des populations » face aux changements climatiques. Néanmoins, cette adaptation « n’est pas non plus une alternative » et devrait s’accompagner d’une « réelle » réduction des émissions issues des activités humaines. « Si le réchauffement se poursuit, le monde sera de plus en plus confronté à des changements auxquels il est impossible de s’adapter. »
Les chercheurs mettent en évidence le rôle que peut jouer l’adaptation pour minimiser les risques attendus. Les possibilités d’adaptation doivent être fondées sur la nature et la préservation des écosystèmes, et peuvent concerner : la gestion durable de l’eau dans l’agriculture, la diversification des modes et des exploitations agricoles, la restauration des forêts naturelles et des tourbières, la protection et la restauration des écosystèmes et la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Toutefois, si l’adaptation peut jouer un rôle dans cette transition, le GIEC constate qu’elle actuellement sous-financée. « Jusqu’à présent, la plupart des mesures d’adaptation ont été fragmentées, à petite échelle, progressives et adaptées aux impacts actuels et aux risques à court terme. Le manque de financement international pour l’adaptation est un facteur important qui empêche les pays du monde entier de s’adapter au changement climatique. »
État-Résilience
Par ailleurs, Génération Écologie salue la publication de ce deuxième volet et note « que c’est la première fois qu’un rapport du GIEC fait mention explicite de la décroissance, volontaire et intentionnelle, comme solution pour réduire de façon effective les émissions de gaz à effet de serre et comme voie d’avenir pour éviter à l’humanité d’aller dans le mur ».
Pour Quentin Guillemain, porte-parole de Génération Écologie, ce rapport « démontre également, face aux impacts certains du changement climatique, que la construction d’un État-Résilience est un impératif de sécurité nationale. L’inaction climatique, pour laquelle l’État a été condamné, confine à une mise en danger de la population, alors que les politiques d’adaptation sont le parent pauvre des politiques gouvernementales. Cet aveuglement ne peut plus durer. Il nous faut radicalement éviter l’ingérable et nous préparer à gérer l’inévitable ».