Elu député de La République en Marche (LREM) en 2017, Matthieu Orphelin a quitté le groupe LREM à l’Assemblée nationale en 2019, suite à de nombreux désaccords avec la politique environnementale menée par Emmanuel Macron. Ayant décidé de ne pas se représenter à la députation, l’ancien député du Maine-et-Loire tire un bilan particulièrement critique de l’action de l’exécutif. Rencontre.
Environnement Magazine : Pourquoi aviez-vous rejoint les rangs de La République en Marche en 2017 ?
Matthieu Orphelin : Il y a cinq ans, je travaillais à l’Agence de la transition écologique (Ademe), j’étais directeur de l’économie circulaire et des déchets. Quand j’ai vu que, quelques mois avant l’élection présidentielle, François Fillon et Marine Le Pen étaient en tête des sondages, je me suis dit que l’on était en pleine régression et que je ne pouvais pas rester les bras croisés, c’était trop grave pour le pays. Début 2017, j’ai contacté Emmanuel Macron pour lui dire que s’il avait besoin de quelqu’un pour rédiger le volet écologique de son programme je me tenais à sa disposition. Son équipe m’a contacté et j’ai participé à la préparation de son programme, avec Corinne Lepage et Arnaud Leroy notamment. Quelques semaines plus tard, j’ai répondu à l’appel à la députation envoyée par La République en Marche et j’ai accepté de soutenir Emmanuel Macron, même si j’étais en désaccord avec lui sur plusieurs sujets, comme le commerce international ou la chasse. Pour moi, Macron était à ce moment-là la seule alternative à Fillon et Le Pen. Ensuite, j’ai été élu député et le mandat a pu commencer, tambour battant.
Aujourd’hui, quel bilan tirez-vous du premier mandat d’Emmanuel Macron ?
Durant mon mandat, je m’aperçois assez vite que ça ne va pas se passer comme prévu. Emmanuel Macron a rompu le contrat qui me liait à lui. Ses premières décisions n’étaient pas du tout en phase avec les engagements écologiques qu’il avait pris durant la campagne. Dès mai 2018, le gouvernement retoque un amendement que j’avais écrit sur la sortie du glyphosate en trois ans, alors qu’il s’agissait simplement d’inscrire dans la loi une promesse du président de la République. C’est l’une de ses premières grosses erreurs sur l’environnement. Idem sur la rénovation énergétique des bâtiments, sur les mobilités. Il y a eu quelques avancées ces cinq dernières années mais des courants contraires nous ont empêchés de mettre les enjeux écologiques au cœur des politiques publiques. Un autre épisode marquant a été celui de la hausse du prix du diesel en avril 2018. Les habitants de ma circonscription, située en partie en zone rurale, me disaient que se déplacer devenait un luxe. On a alors travaillé avec mon équipe et envoyé nos propositions au président de la République et au Premier ministre, Edouard Philippe. Résultat : rien. C’est à ce moment-là que je leur signifie que ce n’est plus possible pour moi de les suivre. Ils ont essayé de se racheter mais le mal était fait. Tout était trop long, rien n’avançait assez vite. J’ai donc décidé de partir en février 2019. Depuis ma démission, pas un jour j’ai regretté. L’exécutif n’a pas de culture écologiste. On est arrivés en 2017 avec des élus qui n’avaient aucune connaissance véritable des enjeux environnementaux et climatiques. Je l’avais mésestimé au début.
Que pensez-vous de l’idée de planification écologique ?
Si l’on veut inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre d’ici trois ans, comme nous le demande le GIEC dans son dernier rapport, il faut une planification écologique, planification qui a fait cruellement défaut au cours des quinquennats précédents. La planification est un très bon outil, à condition que l’on se donne les moyens de suivre les politiques publiques et les investissements mois par mois. Et en fonction des résultats obtenus, on réajuste les politiques s’il le faut. En outre, la planification doit concerner le climat bien sûr mais aussi la biodiversité, autre grand vide dans la politique environnementale du gouvernement. La nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité est très faible. Il faut des moyens et des actes. Il n’y a même pas de signal encourageant sur ce sujet. Bien au contraire. La séparation, dans le nouveau gouvernement, de l’énergie et de l’environnement est une reculade qui nous renvoie avant le Grenelle de l’Environnement de 2007, au moment même où le GIEC et l’IPBES nous disent de traiter ces deux enjeux conjointement ! C’est une organisation « à la papy », il n’y a pas d’autres mots. On revient en arrière dans une situation qui est pire qu’avant.
Emmanuel Macron est-il trop proche des lobbies ?
Il y a une écoute trop attentive de la part du gouvernement vis-à-vis des lobbies. La relation d’Emmanuel Macron aux lobbies de la chasse, par exemple, est assez incroyable. Je suis pour remettre l’Etat en responsabilité par rapport aux chasseurs. De manière générale, les lobbies, c’est comme les enfants, il y a un moment où il faut leur dire « stop », mais le gouvernement ne leur a jamais dit. C’est aux lobbies d’avoir peur de l’Etat et pas à l’Etat d’avoir peur des lobbies. J’espère qu’il y aura une nouvelle méthode de gouvernement. Pour l’instant, on ne la voit pas. Il est temps qu’Emmanuel Macron envoie des signaux après un premier quinquennat plutôt décevant.
Que reste-t-il à faire, selon vous ?
Le sujet de la biodiversité doit s’imposer. On attend toujours une grande loi sur le sujet. La biodiversité doit faire partie des priorités de ce quinquennat. Il faut aussi renforcer les mesures d’accompagnement de tous les acteurs dans la transition écologique. Il faut des mesures à impact dès maintenant pour changer d’échelle et de système. Parallèlement, il faut changer les règles du jeu démocratique. Il faut refonder la démocratie, notamment pour que les jeunes aillent voter. On a besoin d’une une nouvelle espérance. On a trop attendu pendant cinq ans pour signer un chèque en blanc à Emmanuel Macron.