Au plus haut depuis 2014, le prix du pétrole a été multiplié par 3 en 2 ans. Cette flambée est liée à trois facteurs clés : le retard de l’industrie pétrolière face au redémarrage des économies mondiales post-pandémie ; le prochain embargo sur le pétrole russe, et enfin, la raréfaction inéluctable des ressources finies qui augmente inévitablement leur coût. Ceci d’autant plus que les gisements les plus accessibles ou qualitatifs étant épuisés, le coût d’extraction augmente. Avec une baisse du taux de rendement énergétique (TRE), l’énergie sera donc de plus en plus chère, exposant les sociétés à un risque de récession économique[1].
Les industriels pénalisés par une forte augmentation du prix des énergies fossiles
Le secteur industriel est concerné, particulièrement s’il est un consommateur intensif d’énergie, tels que les secteurs de la métallurgie, de la céramique et du verre. En 2017, les consommations d’énergies de ces industries représentaient 10 à 20% de leur coût de production[2]. En 2019[3], elles constituaient jusqu’à 175% de l’excèdent brut d’exploitation (EBE) de la métallurgie. Ces coûts sont voués à augmenter fortement, menaçant la viabilité financière de ces industries : leurs dirigeants doivent anticiper cette évolution en urgence.
Valoriser la chaleur fatale pour une meilleure efficacité énergétique
20% des émissions de CO2 sont produites par l’industrie et directement liées à sa consommation d’énergie fossile. Or, l’industrie perd dans ses fumées plus d’un tiers de l’énergie qu’elle consomme : la valorisation de cette chaleur perdue, dite « chaleur fatale », est une solution à mettre en œuvre de toute urgence. L’étude de l’ADEME « Vision 2030-2050 » estime que ces consommations pourraient diminuer de 20% grâce à des actions d’efficacité énergétique. D’après l’ATEE, les 3/4 de ce potentiel d’économies est atteignable avec des solutions éprouvées : il est temps de les mettre en œuvre !
Les freins majeurs à l’investissement pour les solutions d’efficacité énergétique
Malheureusement, il existe des freins majeurs à l’investissement. Les industriels mobilisent prioritairement leur capacité d’investissement sur leur cœur de métier afin de ne pas détériorer leurs ratios financiers. Lorsqu’ils investissent en fonds propres, ils ont une exigence très forte sur le temps de retour des installations. Celui-ci doit être inférieur à 2-3 ans. Enfin, il y a un manque de compétence en interne en maîtrise de l’énergie, qui est généralement une fonction annexe des postes HSQE[4]. Les trois principaux leviers préconisés pour vaincre ces freins sont : l’établissement de garanties de performance énergétique, la sortie des investissements des bilans comptables, et la mise en place d’offres intégrées par des prestataires qui fournissent les solutions. Face à la rentabilité des opérations, de plus en plus de sociétés de tiers investisseurs prennent en charge ces investissements à la place des industriels. Ces derniers peuvent ainsi acheter de la chaleur décarbonée et compétitive, faisant des économies dès la 1ère année sans aucun investissement ni, aucun risque. Ces actions répondent à la demande des 80% des dirigeants de PME-ETI qui se sentent concernés par les objectifs de baisse des émissions carbone[5]. Ces derniers pourront ainsi faire face à la volatilité des prix de l’énergie, mieux contrôler leurs marges et améliorer leur compétitivité.
Faire évoluer la législation pour accélérer le changement
La France subventionne les énergies renouvelables et de récupération, mais demeure en retard par rapport aux objectifs de neutralité carbone en 2050, fixés par la COP21[6]. L’État doit donc intensifier son soutien et motiver les chefs d’entreprises à franchir le pas de la décarbonation. Une des pistes consiste à abaisser le seuil du nombre de salarié à partir duquel l’audit énergétique deviendrait obligatoire et à rendre les études de faisabilité technique et économique obligatoire à partir de 260 salariés. Autre piste, mieux subventionner les industries qui atteindraient ou dépasseraient un seuil minimal de chaleur fatale récupérée, comme c’est le cas pour les réseaux de chaleur. Le fonds chaleur et les CEE devraient être cumulatifs (comme pour les PAC) et subventionner les solutions jusqu’à atteindre un temps de retour économique de 24 mois. Enfin, pourquoi ne pas abaisser le seuil d’émission de CO2 afin que plus d’entreprises soient soumises à la taxe carbone, et en contrepartie diriger en priorité la commande publique vers des produits issus de pays soumis aux mêmes règles ?
En diminuant ses importations d’énergie, notre pays réduira sa dépendance. Nous sommes face à une situation gagnant-gagnant : en aidant les industriels à réduire leur facture énergétique grâce à la décarbonation, et donc à accroître leur compétitivité, la France favorisera la réindustrialisation souhaitée par le plan France Relance. Les emplois et le pouvoir d’achat seront préservés. En outre, les émissions de CO2 seront réduites, contribuant à limiter le dérèglement climatique. Nous prendrons ainsi nos responsabilités et tiendrons nos engagements vis-à-vis des générations futures.
[1] Energy Return on Investment: A Unifying Principle for Biology, Economics, and Sustainability
[2] Source ATEE
[3] https://lelab.bpifrance.fr/thematiques/tendances-economiques-et-sectorielles/les-entreprises-face-a-la-hausse-des-prix-du-gaz-et-de-l-electricite
[4] Qui sont les référents énergie dans l’industrie française ? (ATEE) - HSQE : Hygiène, Sécurité, Qualité, Environnement
[5] Les dirigeants de PME face à l’urgence climatique (BPI-Le Lab)
[2] Source ATEE
[3] https://lelab.bpifrance.fr/thematiques/tendances-economiques-et-sectorielles/les-entreprises-face-a-la-hausse-des-prix-du-gaz-et-de-l-electricite
[4] Qui sont les référents énergie dans l’industrie française ? (ATEE) - HSQE : Hygiène, Sécurité, Qualité, Environnement
[5] Les dirigeants de PME face à l’urgence climatique (BPI-Le Lab)