Environnement Magazine : Que peut-on dire de la consommation énergétique des collectivités locales ?
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Crise oblige, le gouvernement somme les collectivités locales à entrer dans la sobriété énergétique. Est-ce un changement de paradigme pour elles ?
Un grand nombre d’EPCI sont déjà engagées dans des démarches de sobriété énergétique, notamment parce que ces collectivités recourent de plus en plus aux énergies renouvelables et de récupération (EnR&R). En effet, avant de déployer ces dernières, il leur faut nécessairement se poser la question de la réduction de leur consommation. C’est en tout cas le message que nous portons à l’Ademe. Donc, les collectivités agissent déjà, une majorité d’entre elles ne partent pas de zéro. D’ailleurs, elles disent qu’elles pourront atteindre les 10 % d’économie demandés par le gouvernement. Cela dit, la crise énergétique actuelle constitue une opportunité phénoménale pour qu’elles aillent beaucoup plus loin dans la réduction de leur consommation et dans le déploiement des ENR&R locales. Leur défi est d’identifier de nouvelles sources d’économies d’énergie, acceptables pour les populations.
Quels sont les leviers d’action concrets sur lesquels peuvent jouer les collectivités ?
Elles doivent impérativement se lancer dans l’isolation et la rénovation énergétique des bâtiments ; c’est le poste clé, car les bâtiments tertiaires publics représentent 30 % de la consommation d’énergie, ce qui est énorme. Elles ne peuvent donc qu’accélérer sur ce sujet. Au-delà, il existe en réalité tout un panel d’actions possibles. L’éclairage public, la température dans les bâtiments et équipements communaux, l’entretien des chaudières, mais aussi l’organisation des collectes des déchets, la gestion des parcs de véhicules, etc. sont autant de leviers d’action pour tendre vers une plus grande sobriété. En outre, elles peuvent agir sur le changement de comportement des employés municipaux et avoir recours aux outils de pilotage de l’énergie. Il y a en fait deux niveaux pour agir : le très court terme, en mettant immédiatement en œuvre des mesures qui ne nécessitent aucun investissement, et le moyen terme, en programmant des investissements pour réduire de manière structurelle les consommations.
Comment les collectivités locales peuvent-elles intégrer le long terme dans leurs décisions ?
Il existe déjà des outils auxquels elles ont recours, comme les contrats de performance énergétique. Il y aussi des programmes qui les accompagnent à différents niveaux, comme le programme ACTEE de la FNCCR ou encore le programme « Conseiller en énergie partagé » que nous portons à l’Ademe. Ce programme permet aux communes de moins de 10.000 habitants d’évaluer les flux énergétiques sur leur territoire dans le but d’identifier les postes à traiter le plus rapidement possible. Il y a actuellement 300 conseillers en énergie partagée sur tout le territoire national. Et le gouvernement a récemment annoncé que le programme ACTEE allait être abondé à hauteur de 200 millions d’euros.
Mais au-delà de ces dispositifs, il faut encourager les collectivités à basculer sur les EnR&R. C’est pourquoi nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour inciter les villes petites et moyennes à accélérer le déploiement des réseaux de chaleur. L’intérêt pour elles est de bénéficier de prix stables pendant 10 à 20 ans et ainsi de ne pas dépendre des hausses – parfois brutales – des coûts de l’énergie. L’enjeu plus que jamais aujourd’hui est la maîtrise de leur budget. Or, plus elles auront recours à des ressources renouvelables locales, plus elles seront indépendantes d’un point de vue énergétique.
La vision systémique est également importante...
Oui. En plus d’avoir une vision à long terme, les collectivités doivent raisonner globalement et ne pas travailler en silos, poste par poste. C’est pourquoi nous avons lancé le programme « Territoires engagés pour la transition », via lequel nous les invitons à réfléchir à une stratégie systémique. Il y a aujourd’hui 482 collectivités engagées, qui représentent 33 millions d’habitants, ce qui est important mais nous souhaiterions amplifier le mouvement. Notre programme va au-delà de la seule question de l’énergie, pour embrasser également les sujets des ressources matières et du foncier, via l’économie circulaire notamment. Si nous ne voulons pas être toujours dans l’urgence, cette vision systémique est absolument nécessaire.