Zéro émission, c'est le nouveau credo des industriels et des collectivités locales. Autrefois réservée aux usines qui n'émettaient pas de polluants nocifs pour la santé, l'expression se décline aujourd'hui à toutes les sauces et devient Kyoto-compatible en s'étendant au CO2. On ne compte plus les projets de bâtiments zéro émission, quartiers durables zéro émission, véhicules zéro émission (ZEV), usines zéro émission (mais prenant en compte cette fois le CO2), voire villes ou même pays zéro émission : la Norvège a annoncé viser des émissions nulles de CO2 en 2050, via des mesures de compensation à l'étranger et des réductions sur son propre territoire. Que recouvrent ces annonces ? Parfois un vrai travail de limitation des impacts environnementaux, mais souvent une simple opération de communication, surtout quand il est précisé « à l'horizon 2030 », voire « d'ici à 2050 ». Car la caractéristique des projets « zéro émission » est d'être... des projets, plus ou moins vagues. La plate-forme européenne ZEP (zero emission plant) prévoit des centrales thermiques sans rejet de CO2 dans l'atmosphère grâce à la séquestration en sous-sol. « Une dizaine d'opérations de démonstration de centrales thermiques zéro émission sont prévues, mais le déploiement industriel ne devrait pas avoir lieu avant 2020 », souligne Olivier Appert, président de l'Institut français du pétrole.
De son côté, le programme ZEV (zero emission vehicle) lancé par la Californie et repris par d'autres États américains était d'abord destiné à lutter contre la pollution locale de l'air. Il ne prend donc pas en compte le CO2, ni les émissions « du puits à la roue ». En attendant les piles à combustible, seuls les véhicules électriques sont actuellement considérés comme ZEV, bien que les centrales électriques américaines émettent beaucoup de CO2 et de polluants. Le concept « zéro » peut se décliner de mille et une autres façons. Une école « zéro énergie » sera bientôt livrée à Limeil-Brévannes (94), tandis qu'une crèche « zéro énergie fossile » est en projet à Narbonne, alimentée par des panneaux photovoltaïques. La construction d'un immeuble de bureaux « énergie zéro » doit démarrer à Saint-Denis (93). Volvo parle de « camions zéro CO2 » pour ses engins fonctionnant aux agrocarburants, et la RATP s'est fixé l'objectif « zéro pétrole » en 2025. Une station polaire de recherche en Antarctique s'annonce « zéro énergie », alimentée par des panneaux solaires et des éoliennes. Hors énergie, on voit fleurir des collectivités « zéro phytosanitaires », des usines « zéro rejet liquide », voire « zéro nuisance », ou - reprise des années 1990 - des objectifs « zéro déchet ». Finalement, la mode du « zéro émission » mérite-t-elle un zéro pointé ? Non, car passer d'une époque de l'énergie fossile pas cher et sans risque à un monde dominé par la pénurie de barils et le risque climatique est complexe et long. À côté des mesures urgentes, se fixer des objectifs ambitieux, même à long terme, est un bon moyen d'avancer.