Frapper vite et fort. Trop fort ? Depuis la première détection de la chrysomèle du maïs dans l'Hexagone, en 2002, les autorités françaises ont choisi une ligne dure, de plus en plus contestée. Ennemi public numéro un du maïs aux États-Unis, ce petit coléoptère a établi une tête de pont en Europe de l'Est au début des années 1990, d'où il est parti à la conquête du Vieux Continent. Depuis, le ravageur a essaimé probablement par avion. En 2002, il était repéré en Ile-de-France, avant de s'inviter en Alsace, en Bourgogne et en Rhône-Alpes.
À chaque découverte, les pouvoirs publics français ont appliqué l'arrêté national de lutte, qui fixe des périmètres d'action jusqu'à 6 km autour des points de capture. « Il s'agit de mettre en oeuvre pendant trois ans toutes les mesures qui ont une certaine efficacité contre Diabrotica, afin de tendre à l'éradication », expliquent les services décentralisés du ministère de l'Agriculture.
La première de ces mesures, l'obligation de rotation, vise à casser le cycle de développement de l'insecte. Pour se multiplier, la chrysomèle a en effet besoin de deux années successives en maïs. Mais c'est un autre alinéa de l'arrêté qui alimente la controverse : l'application de traitements insecticides aériens à deux reprises sur le maïs pour détruire les adultes. La population locale et les associations environnementales se sont émues de ces épandages de deltaméthrine. Cet insecticide est reconnu toxique par inhalation et dangereux pour les milieux aquatiques. Sa faible sélectivité lui vaut également d'être accusé de détruire tous les insectes, et pas seulement les nuisibles. Malgré le luxe de précautions prises par les entreprises mandatées par les services de l'État pour réaliser ces traitements, la défiance s'est encore accentuée dans les régions où la deltaméthrine a été épandue par hélicoptère. L'été dernier, la mairie de Hégenheim prenait la tête de la fronde en publiant un arrêté municipal interdisant les traitements chimiques (lire encadré p. 40). Une action purement symbolique, puisque l'arrêté a aussitôt été suspendu par le tribunal administratif saisi par le préfet.
Du côté du ministère, on justifie cette stratégie par la volonté de contenir l'insecte, et d'éviter ainsi des traitements sur des surfaces bien plus importantes. Les scientifiques de l'Inra estiment que si rien n'avait été fait depuis les premières captures, « un grand quart Nord-Est de la France serait colonisé par Diabrotica ».
Pour la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature ( Frapna), l'éradication basée sur les traitements revient à aborder l'enjeu par le petit bout de la lorgnette. « Cette crise stigmatise la monoculture de maïs, car la chrysomèle ne prolifère pas dans les zones de polycultures, explique son vice-président Alain Chabrolle. C'est une raison exemplaire de repenser l'agriculture, de rendre la rotation quasi automatique pour combattre l'arrivée de la chrysomèle de façon préventive dans les zones à risque. »