Cette fois, le glas semble avoir sonné pour les sacs plastiques à usage unique. Depuis longtemps sous le feu des critiques pour leur impact sur l'environnement, leur interdiction a été annoncée à plusieurs reprises, puis repoussée. Le coup de grâce est porté par le projet de loi sur la transition énergétique. Il prévoit la suppression, au 1er janvier 2016, des sacs de caisse à usage unique, et un an plus tard, de ceux destinés aux fruits et légumes – sauf s'ils sont compostables et en partie bio-sourcés.
L'enjeu ? Faire disparaître 700 millions de sacs par an. Le chiffre peut sembler énorme, mais il est à comparer aux 15 milliards encore distribués en 2003. C'est à partir de cette date que la baisse s'amorce, à la suite de la première campagne antisacs menée par Serge Orru, en Corse, lors du Festival du vent. Dans la foulée, en 2005, certains acteurs de la grande distribution s'engagent volontairement à stopper leur distribution gratuite. Depuis, les tonnages di minuent régulièrement, et les sacs à usage unique sont peu à peu remplacés par des réutilisables, qui coûtent d'ailleurs moins cher.
Plusieurs lois ont été votées pour consolider cette démarche, mais aucune, jusqu'à présent, n'est entrée en vigueur. Pas plus la loi d'orientation agricole de 2006 qui interdisait les sacs de caisse – sauf biodégradables – au 1er janvier 2010 qu'une taxation dans la loi de finances 2010, exigible au 1er janvier 2014, mais dont le décret d'application n'est jamais paru. Parallèlement, l'Europe travaille sur le sujet, dans le cadre de la révision de la directive sur les emballages 94/62/CE. Le texte prévoit que d'ici à 2018, soit les sacs devront être payants, soit leur consommation annuelle par habitant devra être ramenée à 90 unités d'ici à 2019, contre 176 en moyenne actuellement. Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas si sûr… car peu d'éléments permettent de comparer ob jec ti-vement le bilan environnemental des sacs plastiques d'origine fossile (en polyéthylène, PE) de celui de leurs homologues renouvelables, censés les remplacer. Il n'y a d'ailleurs pas de label pour ces produits... « Il n'existe pas de définition des plastiques bio-sourcés. Nous considérons que ce sont des sacs en plastique d'origine renouvelable et compostable », indique Christophe Doukhi de Boissoudy, président du Club bioplastiques qui représente la filière des plastiques bio-sourcés et biodégradables en France. Cette définition exclut les oxo-dégradables d'origine fossile.
Aujourd'hui, il est généralement admis qu'un sac doit contenir au moins 40 % de plastique végétal (souvent issu d'amidon ou d'huiles) pour bénéficier de l'appellation bio-sourcé. « Un taux lié à une limite technique remontant à 2010 et susceptible d'évoluer avec le savoir-faire des fabricants », explique Françoise Gerardi, directrice générale d'Elipso, le syndicat professionnel de la plasturgie. À l'époque, un calendrier de montée en puissance du plastique végétal avait même été travaillé avec les services du ministère de l'Écologie. Mais de quoi sont faits les 60 % restants ? « De plastique fossile biodégradable, le polycaprolactone, développé dans les années 1960, ou du polyester Ecoflex de BASF », indique Christophe Doukhi de Boissoudy . Mais rien n'empêche des fabricants malintentionnés d'utiliser un polyéthylène, non biodégradable, dans leur mélange… Au risque de libérer les paillettes de plastique lors de la dégradation de la matière. Pour comparer réellement les matériaux, rien ne vaut une analyse du cycle de vie.
Toutes les matières premières bio-sourcées et biodégradables utilisées sont déjà dotées d'un ACV. « Ainsi, l'amidon, très utilisé, a une densité supérieure à celle du polyéthylène. Un sac en amidon est donc plus lourd qu'un sac en PE. Or, la matière compte pour 60 à 80 % dans un bilan environnemental. Il est donc plus intéressant de comparer les maté-riaux que les sacs », décrypte Vincent Colard, chargé de mission environnement chez Elipso. La dernière étude en date a été menée par Carrefour, en 2004. Et elle concluait que la solution la plus « verte » était les sacs réutilisables. Les données des ACV n'ayant pas changé depuis, cette conclusion reste d'actualité. Et le sac jetable obtenait un meilleur score que ses équivalents biodégradables ou en papier. « Mais comme les sacs en résine biosourcée sont fabriqués en France, ils induisent une relocalisation de l'activité industrielle », argumente Vincent Colard.
L'épaisseur du film plastique utilisé pour fabriquer le sac a donc son importance. C'est d'ailleurs cette caractéristique qui différencie les sacs à usage unique des réutilisables, même si aucune limite précise n'est fixée. Elle repose sur… la capacité du sac à être réutilisé ! Grosso modo, quand l'épaisseur est inférieure à 40 microns, il s'agit de sacs à usage unique. Les plus fins, notamment ceux distribués pour les fruits et légumes, ne font que 8 microns. « Cette question de l'épaisseur de la matière devra être tranchée dans le décret. Les discussions n'ont pas encore abouti », indique Françoise Geradi. À noter que la directive 94/62/CE classe, en dessous de 50 microns, les sacs comme légers, et très légers pour ceux inférieurs à 15 microns. Quid de la fin de vie des sacs en bioplastique ? Le texte actuel précise qu'ils doivent être compos-tables dans des conditions domestiques. Lesquelles ne sont définies par aucun cadre normatif. « Il existe bien la norme EN 13432, inscrite dans la directive Emballages, qui définit le compostage industriel, et selon laquelle ont été développés les bioplastiques actuels. Pour le compostage domestique, il n'existe que le label de certification volontaire OK Compost Home, que nous soutenons », mentionne Christophe Doukhi de Boissoudy.
C'est pour cela que le BNPP, le Bureau de normalisation des plastiques et de la plasturgie, prépare un projet de norme française sur l'aptitude des plastiques au compostage domestique à partir de plusieurs normes et labels existants. « Nos travaux nous rapprochent du label OK Compost Home. Sinon, il faudrait refaire tous les tests de certification, ce qui ne serait pas compatible avec les délais d'application de la loi, le 1er janvier 2017 », rassure Alain Genty, directeur du BNPP. Le texte définira notamment les niveaux de biodégradation et de désintégration de la matière, les effets sur le comportement des espèces (écotoxicologie), sachant que dans un composteur domestique, dégrader la matière peut prendre un an, avec des températures comprises entre 20 et 30 °C. Loin du compostage industriel, qui nécessite six mois grâce à la température de 58 °C. Dit NF T 51-800, ce projet de norme est en enquête publique jusqu'au 20 juin, ce qui laisse augurer une publication à l'automne. Par ailleurs, la Commission européenne envisage de demander au Comité européen de normalisation de développer une norme sur le compostage domestique. l