Un millier de bouleaux fraîchement plantés dans un parc lyonnais. Des rangées de platanes, d'oliviers et de cyprès dans les centres-villes de Provence. Et ailleurs, du ricin commun poussant à deux pas d'une aire de jeux pour enfants… Alors que l'Anses estime que les pollinoses touchent 20 % de la population, les villes continuent de planter en masse, parfois au mépris des conseils des paysagistes, des essences à fort pouvoir allergisant. Ce phénomène a un nom : pollution verte. Pour Pierrick Hordé, membre de l'Association de recherche clinique en allergologie et asthmologie (Arcaa) et coauteur du Livre noir des allergies1 , « il n'est pas nouveau et les allergologues n'ont de cesse de dénoncer le pollen de bouleau, qui est extrêmement allergisant ».
Ce phénomène reste peu considéré par les élus, auxquels la demande en espaces verts met des œillères. Pas un mot sur le sujet dans les guides de la qualité urbaine consultés où priment, dans le choix des essences, l'ambiance recherchée et l'optique paysagère. Mais des villes se réveillent. En sondant son patrimoine arboré, le Grand Lyon s'est aperçu qu'un tiers des espèces plantées étaient allergisantes ! Car ce ne sont pas les plus rares qui posent souci mais les plus banales, les plus vendues, les plus appréciées aussi pour des raisons – résistance, aspect, coût – qui visiblement prennent le dessus.
Concilier ces approches est possible. Au moyen des chartes de l'arbre, le Grand Lyon et le Grand Nancy incitent les aménageurs à diminuer l'emploi de ces végétaux. Faut-il aller plus loin : déplanter ou moins verdir ? Sachant que moins il y a de végétation en ville, plus elle produit du pollen pour avoir des chances – instinct de reproduction oblige – de tomber sur un pistil… Michel Thibaudon, directeur du Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA), qui alimente le site vegetation-en-ville.org, préconise « plus de diversité dans les aménagements pour diminuer la concentration de pollens d'une même espèce dans l'air. Et de remplacer les haies de cyprès par celles de mélange, afin aussi d'accueillir une faune plus variée ».
Autre levier, l'entretien. En empêchant les fleurs d'apparaître, une taille régulière réduit la quantité de graines émises dans l'air. « Il faut en informer les jardiniers dès le lycée horticole », conseille Michel Thibaudon. Avec d'autres, il suggère que soit introduit un étiquetage des végétaux nocifs, mais « les syndicats horticoles freinent des quatre fers ». Autre espoir : le dernier Plan national santé-environnement intègre le lien santé-biodiversité. Mais les allergies y sont noyées dans un flot d'actions dont une vise à évaluer l'inverse : les bienfaits des espaces verts sur la santé ! Il reste du chemin à parcourir. l