Même si l’Association des maires de France note des avancées dans le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (filière sur les déchets du BTP, indice de réparabilité), la critique l’emporte : selon son secrétaire général, Philippe Laurent, la consigne des bouteilles en plastique « remet en question le modèle économique du recyclage ». Nicolas Soret, président d’une intercommunalité de l’Yonne, défend la version votée le 27 septembre en première lecture au Sénat, limitant la consigne aux seules fins de réemploi. Sans grande illusion sur sa réécriture par l’Assemblée nationale, qui doit examiner le texte en décembre.
Pourquoi l’AMF s’oppose-t-elle à la consigne ?
Sur ce dossier, je fais plus de sémantique que de politique ! L’AMF soutient la consigne pour réemploi, sur le modèle d’antan de récupération des bouteilles en verre, lavées et reremplies. Elle annoncera, lors de son congrès (18-21 novembre), un dispositif d’appui aux producteurs (viticulteurs, brassiers), volontaires pour bâtir un circuit de remise en circulation du verre à l’échelle locale. Faites un micro-trottoir sur la consigne : 100 % des Français y seront favorables, car c’est à ce schéma qu’ils songent. Le gouvernement s’appuie sur cette popularité pour avancer un système radicalement différent, ciblant les bouteilles en plastique en vue du recyclage. Qui est superflu, puisque les collectivités s’y emploient depuis vingt-cinq ans.
Avec un recyclage limité à 57 % des bouteilles
Ce taux monte au fil de l’extension des consignes de tri1, qui concerne un tiers des Français et que tous pratiqueront en 2022. Nous donnons rendez-vous à la secrétaire d’Etat en 2023 pour mesurer l’avancée vers les 90 % de recyclage visés par l’Union européenne pour 2029. Mais Brune Poirson, se référant à l’Allemagne, est déjà persuadée qu’on n’y sera pas sans consigne. Oubliant que la Belgique s’en passe pour recycler déjà 80 % du gisement.
Les collectivités investissent massivement2 dans la modernisation des centres de tri, au regard d’un volume entrant annoncé. Sans étude d’impact préalable, on s’apprête à changer la règle du jeu – et donc à rompre la confiance. La consigne va détourner des tonnages, les centres seront surcalibrés et les coûts de fonctionnement majorés. La bouteille en PET (vendue 350 euros/tonne) échappera au service public local qui, en revanche, gardera la barquette de plat cuisiné en polypropylène noir, que les machines de tri optique ne reconnaissent pas. Les élus n’auront d’autre choix que d’augmenter la fiscalité locale.
Le consommateur aussi devra mettre à la main à la poche
Chaque bouteille sera consignée 0,15 euro et l’expérience européenne montre que 90 % sont rapportées en magasin. Avec 10 % de non-retour, 200 millions d’euros par an reviendraient aux industriels, ce n’est pas une paille. Le petit commerce sera aussi perdant car ce sont les grandes surfaces qui pourront se doter des 110.000 machines de déconsignation prévues.
Une des clés de l’efficience est de rapprocher le point de collecte du déchet de son lieu de production, d’où la desserte des ménages en porte-à-porte. La consigne annonce un éloignement. Un urbain peine à stocker au foyer ses emballages avant de les amener au local propreté. Et il pourra demain les garder jusqu’à ses prochaines courses ?
L’exécutif se focalise sur l’aval (collecte, traitement) quand le vrai sujet porte sur l’amont : quelle place garder au plastique quand le climat se dérègle et qu’il faut accélérer les transitions ? Le vrai courage consisterait à éradiquer les emballages dont on sait, à la seconde même où ils sont mis sur le marché, qu’on ne saura pas les recycler.
1 : qui suscite un gain de 2 kg/an/hab. sur les plastiques et autant sur les autres matériaux, selon Citeo. 2 : 1,2 à 1,8 milliard d’euros à consentir dans l’adaptation de l’outil de tri d’ici 2030, chiffrait l’Ademe en 2015