Sébastien Faure, expert Construction Forts Enjeux, groupe Stelliant. Crédits : DR
Dans un contexte d’urgence climatique, et malgré quelques reports, vient de paraître en consultation publique le projet de loi RE2020, la future réglementation environnementale pour la construction des bâtiments neufs. Si elle est promulguée, cette loi imposera des calculs de limitation de la consommation des énergies polluantes, d’équivalent de rejet de CO² pour tous les matériaux utilisés lors d’une construction neuve. De quoi impacter en profondeur les modes constructifs et les contrats d’assurance pour les couvrir. Sébastien Faure, expert Construction Forts Enjeux au groupe Stelliant, apporte son éclairage sur un secteur de la construction en pleine mutation.
Est-ce une nouvelle étape dans la transition énergétique tant attendue par la société ? Depuis 2015 et les Accords de Paris, la France s’engage dans une politique environnementale ambitieuse, contre le réchauffement climatique, pour favoriser la baisse des gaz à effet de serre. Les objectifs sont clairs : Réduire, à l’échelle européenne, les émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 ; Atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, en accord avec la loi énergie-climat
Dans ce cadre, la RE2020 apparaît comme un changement réglementaire majeur. L’ambition du projet de loi est explicite : limiter, puis abandonner l’usage des énergies fossiles afin de diminuer l’empreinte carbone laissée par le secteur du bâtiment. Simultanément au projet de loi sur les passoires thermiques, cette loi pour les constructions neuves, applicable d’ici janvier 2022, s’attaque à la mise en conformité d’un secteur responsable de 44 % de la consommation énergétique et 27 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Simple en théorie mais en pratique ?
La coupe de plantations non renouvelées entraînerait l’effet inverse
Avec la RE2020, tout est question d’indicateurs, de modalités de calcul et de mesure de la consommation énergétique des matériaux de construction. De la charpente à la moquette, seront définis des équivalents en kilogramme de CO2 au mètre carré pour tous les composants, de leur fabrication à leur fin de vie, recyclés ou détruits. Une nouveauté pour le secteur de la construction qui pose de nouvelles questions : quels seront les modes constructifs de demain ? Les acteurs du bâtiment sauront-ils s’adapter d’ici janvier 2022 ?
S’il est compliqué de répondre à ces questions aujourd’hui, nous disposons de suffisamment de certitudes sur les filières susceptibles de pâtir de ce projet de loi. Par exemple, le béton, la brique, le parpaing sont des matériaux plus polluants que le bois qui sera valorisé sous une condition : replanter des arbres à posteriori soit utiliser du bois issu de labels écoresponsables reconnus (FSC, PEFC…).
Mais cette condition notée par l’Ademe n’a pas été reprise dans le projet de loi. L’appel en masse à ce matériau ne risque-t-il pas d’augmenter les importations de bois venant de pays où la production n’est pas contrôlée ? La coupe de plantations non renouvelées entraînerait l’effet inverse souhaité dans le projet de loi.
Une solution verte qui s’accompagne par ailleurs d’éventuelles détériorations et de risques endogènes (insectes, champignons…). Nombreux sont les facteurs que les professionnels de la construction devront surveiller au cours de leur chantier à partir de janvier 2022 : topographie du terrain, isolation thermique, orientation et apport solaires limités, pour ne pas transgresser la clause sur le confort en cas de forte chaleur. Cette énième nouveauté de la RE2020 établit une température maximale à ne pas dépasser en été. Ce qui introduit un autre paradoxe puisque les équipements de rafraîchissement sont émetteurs en CO2 et augmentent la consommation énergétique.
La liste des risques est longue
Le monde de la construction doit donc trouver un nouvel équilibre pour palier de nouveaux risques : défaut de mise en œuvre, incompatibilité des nouveaux matériaux avec les normes actuelles (comportement du feu, acoustique, parasismique), divergences entre les nouvelles manières de construire et les règles de l’Art mais aussi entre la consommation relevée par l’habitant et celle calculée théoriquement par le projet de loi… La liste des risques est longue et le temps presse, aussi bien pour les constructeurs que les assureurs.
Ce projet de loi est ambitieux et nécessaire. Les acteurs de la construction ont un véritable défi à relever qui va amener un flot de nouveautés, d’erreurs et de difficultés pratiques entraînant les assureurs dans la partie. Les professionnels de l’assurance ont un choix à faire pour adapter leurs contrats d’ici la fin de l’année pour continuer à accompagner leurs assurés.