Dans cette tribune, Andreas Nobell, responsable du développement chez TCO Development, entreprise émettrice de certificats de durabilité pour les produits informatiques, souligne les avancées permises par des législations ambitieuses en matière d’économie circulaire.
Il existe différents moyens d’infuser davantage de circularité dans une économie. Allègements fiscaux, stratégies d’achats responsables, campagnes de sensibilisation… mais aussi et surtout, mise en œuvre de lois adaptées et incitatives.
Ces dernières années, l’Union européenne (UE) a multiplié les efforts en matière de législation axée sur le développement durable. Un exemple récent est celui dans le secteur IT, de la standardisation de l’USB-C, pour faciliter la recharge des appareils mobiles et réduire significativement la production de déchets électroniques. Cet exemple est d’ailleurs particulièrement intéressant car il démontre que l’UE peut impulser un changement à une échelle plus globale, en témoigne l’abandon du port Lightning par Apple pour son nouvel iPhone 15 au profit de l’USB-C.
Un autre domaine dans lequel l’UE encourage le développement durable est la conception de produits plus durables et plus faciles à réparer, notamment via la Directive sur l’écoconception. Dans sa plus récente version, cette directive intègre une section spécifique sur les batteries, suggérant que les batteries portables dans les produits devaient être facile à remplacer. Une mesure essentielle pour prolonger la durée de vie des produits, et éviter de devoir en racheter de nouveaux. Or aujourd’hui encore, la faible autonomie des batteries constitue l’une des principales raisons pour lesquelles les ordinateurs portables et les smartphones sont remplacés trop rapidement. 80 % des émissions totales de gaz à effet de serre pendant la durée de vie d’un ordinateur portable proviennent de la seule phase de fabrication !
Un institut spécialisé dans la recherche en sciences appliquées, a par ailleurs évalué le cycle de vie du Fairphone 4 et est arrivé à la conclusion que la batterie ne représentait que 3 à 6 % de l’empreinte totale de CO2, alors que les circuits intégrés et les cartes de circuits imprimés pèsent plus lourd sur a facture énergétique. Remplacer la batterie, et donc prolonger la durée de vie d’un smartphone est donc un moyen très efficace pour réduire l’empreinte globale.
A noter cependant que la directive donne désormais aux fabricants la possibilité de contourner les exigences relatives au remplacement s’ils sont équipés d’une batterie longue durée. Cette mesure sera-t-elle suffisante pour changer la donne ?
Le nouveau règlement européen sur les batteries
En parallèle de la Directive sur l’écoconception est récemment entrée en vigueur une nouvelle législation concernant les batteries : le règlement européen relatif aux batteries, axé spécifiquement sur la nécessité de remplacer facilement les batteries pour prolonger la durée de vie des produits électroniques. Cette approche, basée sur le cycle de vie complet des produits, vise à encourager la réutilisation et à réduire les déchets électroniques.
La Directive sur l’écoconception englobe un spectre plus large incluant les batteries, tandis que le règlement européen relatif aux batteries se concentre spécifiquement sur celles-ci, il est plus strict que la directive sur l’écoconception et n’offre pas d’alternative qui permettrait aux fabricants de smartphones de contourner la facilité de remplacement, à moins de garantir une durabilité accrue.
Avec la transition vers l’électrification, les batteries demeurent une priorité pour l’UE, et toute initiative accélérant la conception de produits informatiques plus durables est bonne à prendre. Cumuler deux lois n’est donc pas contre-productif, surtout si l’une d’elle est plus incitative et s’impose comme référence.
En matière de durabilité, prolonger la durée d’utilisation des produits est essentiel. Les exigences de longévité des produits devraient être couplées à celles de réparabilité, plutôt que de laisser aux fabricants le soin de trouver un compromis. Rendre les batteries facilement remplaçables nécessite une approche modulaire, qui peut constituer un défi technique et financier pour de nombreux fabricants, mais qui représente un pas significatif vers des produits plus durables et moins de déchets électroniques.